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(Note : Je crois que j'aime ce projet et que je vous aime aussi. Parce que pour écrire à la main jusqu'à 23h un dimanche soir, en faisant des recherches étymologiques, et pour tout retaper ensuite un lundi après-midi à m'en coller un mal de crâne, il faut en vouloir. Enfin ! Je suis fière de ce nouveau chapitre, totalement hors de mes habitudes, j'espère qu'il vous plaira. Rassurez-vous : il est beaucoup plus long ! Bon retour en Arcania ! ^_^)

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Les années passèrent, mais pas les inquiétudes.

À quinze ans, Aurore avait déjà effectué maints prodiges, qui avaient éveillé la curiosité de nombre villageois, ainsi que l'émerveillement ou le scepticisme de tous les Anciens du coin. Pour autant, personne n'avait poussé plus loin les investigations. La raison en était simple : Aurore rendait les choses plus supportables, moins amères. Elle n'empêchait rien, favorisait cependant l'acceptation.

Blonde comme un épi de blé ou un soleil d'été, ses cheveux raides souvent laissés en liberté, elle parcourait fréquemment les rues de Divenn d'un pas léger, aérien. Nul n'aurait ainsi pu deviner qu'elle se mettait à l'écoute des souffrances de chacun, de l'écho qu'elles provoquaient toutes en elle. Cela dit, elle savait ne devoir s'occuper que des peines ou des blessures les plus assourdissantes, celles qui faisaient crépiter son don contre ses paumes.

Parce que, s'il était une chose que la jeune fille avait compris et appris en grandissant, c'était qu'elle ne pouvait rien contre son Alchimie. Elle aurait pu se considérer comme prisonnière d'une voie qu'elle ne choisissait pas, ou instrument d'un pouvoir fardeau, alors que tous les autres maîtrisaient ce qui les composaient. Une forme de sagesse l'incitait à embrasser le cadeau qui lui avait été confié. Elle n'était pas enchaînée... elle savait son chemin tracé, son rôle prêt à être joué. Elle ignorait simplement les répliques, et n'avait pas encore réussi à lever le voile devant ses yeux trop peu formés.

Ainsi en allait-il de la destinée de chacun. Avancer dans le noir, avec plus ou moins de conscience du poids sur ses épaules... jusqu'au jour où l'on avait parcouru assez de chemin pour saisir une vue d'ensemble. Aurore ne s'inquiétait pas. Les pièces du puzzle finiraient par s'emboîter.

Elle ne faisait pour le moment qu'écouter. La douleur, les sensations... et son Alchimie.

Ce fut ainsi qu'elle fugua pour la première fois. D'ailleurs, ce n'était pas une fugue... juste la réponse empressée d'une guérisseuse après d'un incroyable et improbable blessé.

Depuis plusieurs jours déjà, elle avait repéré dans son horizon alchimique une créature hantée par une douleur vive, bien que supportable. Elle s'était même aventurée dans les bois, pour y trouver quelques traces légères de sang. Seul son don l'avait guidée, sinon ses yeux n'auraient jamais rien repéré. Elle était restée à l'affût, consciente que toutes les souffrances pouvaient évoluer.

Puis, une nuit, l'agonie la saisit pour la tirer d'un sommeil sans rêves. Elle sauta hors de son lit, l'esprit encore embrumé, et fila dans la nuit, sans un bruit. Seuls résonnaient les ronflements de Camden dans la masure.

À l'instar des pulsations de son propre cœur, son Alchimie sembla s'éveiller et prendre vie en plusieurs battements, pour fourmiller dans sa poitrine. Elle courut dans l'obscurité partielle pendant de longues minutes, trébucha à cause de la pauvre luminosité, et enfin... tomba nez à nez avec une panthère de soleil qui essayait d'échapper à un ours scintillant.

Basculant au sol, déséquilibrée, Aurore se garda pourtant bien de hurler, focalisé qu'elle était sur les douleurs qui s'envolaient, assourdissantes.

L'Alchimiste des DouleursWhere stories live. Discover now