Later

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C'était au-delà d'une banale curiosité. La simple idée que je lui plaisait m'excitait.

Je lui demandais souvent, à l'issu d'une énième discussion au bord de la piscine, comment était-il au courant de tant de choses, lui. Comment pouvait-il connaître tant de poètes et d'artistes en général, lui.
Il me répondait alors son habituelle excuse. Après tout, il était le fils d'un professeur d'université. Après tout, c'était normal, tout ça. Toujours cette modestie, prenant ce ton désolé dans sa voix, comme s'il s'en excusait. Cela me faisait plisser les yeux fermement. J'attendais qu'il me donne une autre réponse.
Mon regard se faisait alors plus insistant. Et toujours, il détournait les yeux.
Mais ce qui fit finalement naître en moi le doute, c'est la fois où il rougit.

Ce jour-là, l'ombre du tilleul dessinait sur sa peau des tâches difformes qui s'agitaient au gré de la légère brise matinale, celle qui caressait mes oreilles, tandis que je l'observais de la manière la plus dure qui soit. Nous venions d'échanger une chaleureuse conversation, il me plaisait définitivement. J'avais cru entrevoir une lueur d'espoir et ce combat de regard se devait de confirmer mon ressenti.
-Aimes-tu Leopardi ? M'avait-il demandé.
Oui, j'aimais bien. Il essayait de changer de sujet. Peut-être souhaitait-il me faire ainsi comprendre qu'il fallait que j'arrête de le fixer de la sorte.
Je voulais insinuer en lui le doute qu'il y avait quelque chose entre lui et moi. Je ne voulais pas seulement être un doctorant venu en Italie pour finaliser sa thèse et aider son père. Non, je voulais être plus pour lui. Car lui, pour moi, n'était pas seulement le fils du professeur d'université chez qui j'étais venu passer l'été.
J'étais lui, il était moi.
Depuis cette fois où il rougit, je suspectais en lui une attirance.
Sa façon de rougir me plaisait. Sa façon de se rabaisser me plaisait. Mais ce qui me plaisait en ce moment-même, c'était l'excitation en moi que provoquait ce doute.
Peut-être avais-je faux sur toute la ligne. Peut-être que ses petites provocations n'étaient en fait que le fruit de mon imagination. Peut-être était-il seulement naïf et que ce n'était pas autre chose que des taquineries amicales. Peut-être. Mais j'en doutais. Il savait tout, tellement tout que lorsqu'il me trouvait des excuses alors que je me plaignais de mes anciens écrits, j'en étais touché.
« C'est la chose la plus gentille qu'on m'ait dite depuis des mois. »
« Gentille ? »
Il ne semblait pas comprendre. Ne remarquait-il pas, malgré notre différence d'âge, qu'à chacune de nos discussions nous trouvions cette alchimie ?
Je l'aurai fixé pendant des heures son regard, si seulement il avait pu me dire si je me trompais. Mais là encore, il se contentait de balancer ses pupilles au loin, en réfléchissant à un sujet de conversation, de quoi se débarrasser de cette gêne. Mais était-ce moi qui lui faisait cet effet, ou était-ce la situation qui le mettait mal à l'aise ?
Je voulais qu'il comprenne ce que mon regard lui demandait.
Est-ce que je te plait ? Es-tu attiré par moi ?
On dirait.
Alors pourquoi ne dis-tu rien ?

Tes allusions ne sont-elles qu'illusions ?
Je devais sûrement mal interpréter des propos, sa façon de se comporter avec moi. Il était 7 ans plus jeune, il cherchait peut être simplement à occuper ses journées au lieu de paresser pendant deux longs mois. C'est surement pour cette raison que nous passions souvent des après-midi ensembles. Fils unique, il voulait entamer de sujets de conversations qu'il n'aurait pas avec ses parents, et encore moins avec les jeunes de son âge. Il voulait sûrement chercher à se divertir de cette manière, puisqu'il était intelligent et cultivé, autant faire bonne figure auprès de l'invité, et éviter de s'ennuyer par ce si long mois de juillet.
La première semaine a B. fut radieuse, et ponctuée de mes doutes. Je me concentrais davantage sur mes écrits, allongé au bord de l'eau, un pied au frais, afin d'avoir les idées claires. J'avais du boulot. La raison de mon séjour ici n'était aucunement d'éclaircir un doute que j'avais sur Elio, qui plus est, pouvait se révéler être qu'un pure fantasme issu de mon imagination. Il faut dire que j'eus tout pour rêver. La douceur et le parfum du verger, le sable granuleux de la plage bordant la mer qu'on apercevait en contrebas. Les routes sinueuses que je voyais défiler, dévalant les collines sur ma bicyclette. Le chant harmonieux de la nature qui se réveillait au soleil couchant. La chaleur écrasante en cette saison n'arrangeait en rien ma fièvre délirante. Finalement, avant même la texture voluptueuse et sucrée du jus d'abricot pressé par Mafalda, ou bien même les œufs à la coque du petit-déjeuné, ce que je désirais le plus, c'était Elio.

Call me by your nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant