Prologue

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Connaissez-vous le concept de s'asphyxier soi-même ?

Au lycée, lors du cycle de course, le prof de sport nous ressassait à longueur de stade qu'il fallait souffler plus qu'inspirer, au risque de subir un empoisonnement progressif.

J'avais l'image d'une figure violette, un corps frémissant, se tordant dans tous sens à la recherche d'une infime goulée d'air frais. Je le voyais se démener, tentant d'échapper à l'emprise glaciale de la mort. En vain. Plus il bougeait, plus l'oxygène présent dans son corps se raréfiait et j'assistais, impuissant, à sa lente descente vers l'oubli.

C'est drôle comme un rien, une phrase lancée par pure précaution, peut-être à titre informatif, peut titiller l'imagination.

À l'époque, une fois la vision passée, j'avais ri de ma stupidité, de cette sensiblerie que je tentais de cacher. J'avais plaisanté « s'asphyxier soi-même, c'est genre un suicide involontaire, lol ». Ma remarque avait amusé mes amis, cela paraissait si hautement improbable, imaginez, un suicide : un acte commis sciemment par ceux qui sont au bout, mais involontaire, comme de marcher dans une crotte de chien sur le trottoir.

Mais désormais, j'y trouvais un autre sens. Bien plus profond. Bien plus dévastateur.

Mes sentiments, tout ce à quoi j'aspirais m'entrainait vers cette pente, dirigée droit vers les ténèbres. De ces profondeurs abyssales remontait un long écho, un gémissement plaintif qui me glaçait tout entier.

Je n'étais même pas encore arrivé à destination, et déjà, un feu ardent me consumait de l'intérieur. Il affermissait progressivement sa prise sur mon corps, toujours plus avide de me transformer en cendres, de me réduire à néant. De m'effacer.

Un monstre, une harpie avait harponné mon cœur, y plantant ses serres pour mieux déverser son poison en moi. Sans pitié, elle me retenait prisonnier de ses charmes, tout en me tenant loin d'elle. Dès que je m'approchais trop, elle m'éloignait brutalement, emportant un morceau de mon palpitant au passage. Mais je tenais bon, impitoyablement envoûté.

Je savais à quoi m'attendre.

Et je fonçais tête baissée.

À un souffle de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant