Chapitre 23 - Tremblante amitié, hésitante complicité

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Pour la énième fois, Céleste expliqua à la famille qui l'accueillait ce qu'il s'était passé depuis sa disparition. Son ton était calme et posé, ce qui ne les empêchait pas de jeter à la jeune fille des regards incrédules. Elle convenait parfaitement que son histoire était dure à avaler, et regretter déjà d'avoir pris la décision de tout leur raconter, mais qu'il était difficile de se sentir une fois de plus incomprise ! Et, en prime, de passer pour une cinglée auprès de sa meilleure amie... Très engageant, vraiment.

— Vous ne me croyez pas, dit Céleste, ce qui était plus de l'ordre de la logique que de la constatation.

— Écoute, fit la mère d'Agathe, tu es bouleversée, Céleste, et...

Je ne suis pas folle ! s'écria la jeune fille, perdant patience. Vous ne me croyez pas ? Et bien vous allez voir...

Céleste plongea son regard dans les yeux clairs de la femme. Mais aussitôt son esprit projeté dans celui de son interlocutrice, elle ressentit un zeste de remords. Percer les secrets de cette personne afin de lui prouver que ce qu'elle disait était réel ne relevait absolument pas d'une action à des fins justifiées. Elle ne pouvait décemment pas faire ça. Bon sang, elle ne pouvait pas ainsi trahir une femme si gentille qui en prime l'accueillait chez elle en déballant sur le tapis tout son passé et ses regrets, ces actions synonymes d'erreurs et de remords ! 

À peine cette pensée eut-elle franchie la frontière de son esprit que la jeune fille tenta de bloquer la vision qui la menaçait, tout en regrettant aussitôt ce qu'elle venait de faire. Elle sentit tout son corps se consumer sous l'effet de la chaleur. Mais pourquoi ai-je fait cela ? Un cri retentit, tandis qu'elle sombrait à nouveau dans les ténèbres.

Lorsque la jeune fille rouvrit les paupières, elle tomba sur trois visages penchés sur elle, pâles comme la mort. Elle était trempée et en déduisit qu'ils l'avaient arrosée pour tenter d'arrêter les flammes – ce qui, au passage, était une scène assez comique à imaginer. La tête bourdonnante, elle se redressa en position assise et tenta tant bien que mal de reprendre ses esprits.

— Ne-ne refaits plus jamais ça, balbutia Agathe, la voix tremblante.

— Que... Comment... Pourquoi ? bégaya son père.

— Ça, expliqua Céleste, je n'en sais rien, pour l'instant. Ça m'est arrivé pour la première fois il y a deux jours, pendant ma cession de formation de Maîtrise.

— Formation de maî... Quoi ?

— Pendant ma cession de formation de Maîtrise ! Laissez tomber, finit-elle par dire d'un air déconfit à la vue de leur incompréhension. Vous me croyez, maintenant ?

Ils hésitèrent quelques instants, ne sachant visiblement pas ce qu'ils devaient prendre en compte. Ils finirent par acquiescer silencieusement, bien que tout dans leurs prunelles contredisait leur geste. Comprenant ainsi à leur regard qu'ils n'étaient pas encore aptes à assimiler tout ce qu'elle avait à leur raconter, Céleste leur adressa un sourire timide, et baissa les bras, cessant de les importuner avec ses histoires sans queue ni tête.

Agathe attrapa aussitôt son amie par le bras et l'entraîna au-dehors. Riant et discutant de tout et de rien, tout en évitant subtilement le sujet de l'aventure de Céleste – qui s'en accommoda parfaitement, bien qu'elle fût triste d'être forcée de faire comme s'il ne s'était rien passé, et de ne pouvoir compter sur sa camarade de toujours pour la croire et la soutenir – elles sautillèrent côte à côte jusqu'à la masure abritant Justine et sa famille. La blonde platine, qui les guettait précédemment de la fenêtre de sa chambre, sauta les trois marches du perron et se jeta dans les bras de Céleste.

Le syndrome des cœurs de pierre I - PupilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant