Notre dernière bouchée à peine avalée, Luc et moi prenons notre plateau et quittons les lieux sans attendre. Nous venons de remporter une bataille, inutile de vouloir gagner la guerre dès le premier jour.
Nous avons toute l'année scolaire pour ça.
Je sens les regards peser sur moi, alors que j'avance dans le réfectoire en m'efforçant de marcher lentement et de cacher mon euphorie. J'essaye vraiment de ne rien montrer. Il le faut. Parce que, en toute honnêteté, à l'heure actuelle ce n'est pas l'humilité qui m'étouffe. J'ai cloué le bec de Madison ! Et en public, avec ça. Si je m'écoutais vraiment je monterais sur une table et je danserais. Une petite gigue. Ou peut-être même que, portée par l'euphorie, je m'essayerais aux claquettes. Mais ce n'est pas le moment de me faire remarquer. La cheerleader doit déjà bouillonner de ne pas avoir pu étouffer ma petite rébellion, mieux vaut ne pas fanfaronner, je risquerais d'attiser sa colère et de la pousser à contre-attaquer sur le champ.
Et c'est bien la dernière chose que je souhaite. En fait, dans l'idéal, j'aimerais repousser la confrontation à ... jamais.
Mais je suis lucide, je sais que la reine des abeilles ne laissera pas une de ses ouvrières lui marcher sur les pieds sans se défendre. C'est inévitable. Tôt ou tard, je devrais répondre de cet affront. A moins que l'intervention inattendue de Cooper ne m'offre un peu de répit. J'ignore à quoi est dû cette prise de parti soudaine mais j'admet que, pour une fois, je suis bien contente qu'il ait pris la parole, d'autant plus qu'il n'intervient jamais dans les affaires de Madison. Ni même dans aucune histoire, en règle générale. Cooper a beaucoup de défauts, c'est certain, mais je peux au moins lui concéder ça : il ne prend aucun plaisir à créer le chaos autour de lui.
Et si, moi non plus, je ne suis pas du genre à me réjouir d'être à l'origine de tensions, je dois admettre que l'état dans lequel je viens de mettre Madison me satisfait assez.
A ma gauche, Luc ne dit rien non plus, mais je vois à la façon dont le coin de ses lèvres tressaute qu'il contient difficilement son enthousiasme. Une fois la porte de la cafétéria franchie, mon meilleur ami me jette un petit coup d'oeil discret et éclate d'un rire franc et sonore, qui ne doit pas échapper à Madison, vu l'épaisseur des cloisons. Plié en deux, il peine à reprendre son souffle. Quand enfin il y parvient, il se redresse brusquement, plonge son regard émeraude dans le mien et m'attrape sous les genoux pour me hisser sur son épaule.
- Tu es mon héroïne, Pearl, je vais te porter en triomphe pour te témoigner tout mon respect.
- Pearl ? Tu m'as pris pour un caniche nain ou bien ?
- Hein ? Mais non, pintade ! Pearl. Pearl Jam ! Rapport à ton t-shirt. Tu sais, je me diversifie, je m'aventure dans le monde du rock !
- Mon dieu... Et tu m'emmène où comme ça ?
- Je t'en pries, appelle moi Luc. Je te conduis à ton premier cours de l'après-midi pardis. Mais dis moi, lequel est-t-il ?
- Biologie.
Et juste comme ça, ma petite bulle d'euphorie vient d'éclater.
Paf.
La biologie. Shawn. Facebook. Sa réponse. Mon insignifiance et ma colère.
Tout me revient d'un coup en pleine face et comme par un effet ricochet, l'enthousiasme qui nous animait s'évapore. Luc me repose à terre, mal à l'aise, et moi j'évite de le regarder pour qu'il ne voit pas que mon visage a perdu toute trace de sa bonne humeur.
Je me suis efforcée de ne pas y penser toute la matinée, mais à présent je me retrouve au pied du mur. Dans moins d'un quart d'heure, je serai à nouveau à côté de Shawn et je ne sais pas quoi penser.
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F*ck it List
Teen FictionAssez ! Que la capitaine des cheerleader ignore son nom après trois ans dans le même lycée ? Passe encore. Mais que le nouvel élève, et partenaire de labo de Jamie, réponde à son invitation Facebook par "On se connait ?", c'en est trop. Elle est bie...