Rapport de pensées n°16

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En passant les détails, juste histoire de résumer les idées de Strom, ça donne quelque chose comme ça : 

Il veut faire de moi la première androïde. Parce que je suis douée et assez jeune. Et aussi parce que je suis d'accord avec ses idées. Ça me fait bizarre de le dire mais oui, j'adhère totalement à ses projets, quoi qu'ils impliquent. Je néglige assez mon corps, non, ma propre personne, pour accepter de la mettre en jeu. Je risque de crever, Salvador a été clair à ce sujet. Il travaille depuis plusieurs années à créer de la matière, de la "chair", capable de résister au temps. Mais ce n'est pas la seule caractéristique de la chair. Loin de là... Elle peut stocker des informations dans ses cellules. Ces cellules possèdent en leur noyau de l'ADN ne codant pas des caractères génétiques tels que la couleur des yeux ou de la peau mais des informations abstraites que seuls les cellules grises d'un cerveau humain pourrait utiliser. Et par utiliser, j'entends modifier, remodeler et décrypter. C'est comme ça que je pourrais avoir le contrôle sur mes désirs, mes pulsions, tout ce qui peut m'empêcher de réagir avec intelligence dans n'importe quelle circonstance. Cependant, pour qu'un cerveau humain puisse investir la chair, il doit produire certaines enzymes et autres molécules qu'il ne produit qu'au cours de l'adolescence, parce qu'une fois adulte, il se développe moins vite ou pas de la même manière de ce que j'en ai compris. C'est pourquoi, il cherchait désespérément un volontaire. Ou une volontaire. Jeune, évidemment. Pour lui, je suis une bénédiction. Un cadeau qui devrait changer la face du monde. En supposant que je survive au transfert. 

Parce que ce n'est pas mon corps que je garderai, c'est un corps de chair, sans sang, sans os.  En fait, mon nouveau corps serait quasi-complètement dédié à une utilisation d'extension cérébrale. Mes fonctions motrices seraient assurées par des muscles synthétiques. 

Tout ceci est-il légal ? Absolument pas, bien sûr que non. D'ailleurs, on ne modélise pas mon corps dans le laboratoire de Strom à l'Institut. Là-bas, il se contente de créer les ordinateurs de chair. Leur capacité de stockage est des millions de fois supérieur à nos appareils actuels et on ne parle pas de leur vitesse de calcul. À l'institut, Salvador a fait tous les travaux théoriques nécessaires à la réalisation de son projet, et pour ne pas attirer l'attention sur lui, il publiait de temps en temps une infime parcelle de ses recherches (la plus présentable). Ainsi, ses collègues ne se méfiaient pas de lui et il pouvait réclamer des fonds à l'Institut. En surface, c'est un développeur de cerebral computing mais personne ou presque n'est au courant de l'existence d'ordinateurs nerveux intégraux, ou même de récepteurs de conscience. Tout ce qui se sait sur ses travaux, c'est qu'il est l'auteur d'une puce de RAM semi-organique qui surpasse une centaine de fois les capacités de toutes les cartes RAM présentes sur le marché. En exemplaire unique, l'Etat lui avait confisqué pour un "usage public" et depuis, il ne créé plus rien. Enfin...

Il devait trouver un autre moyen de financer ses travaux, il a fini par trouver un acteur financier privé. Mais il ne m'en a pas dit plus et j'étais tellement subjuguée par tous les détails qu'il venait de me dévoiler que je ne lui en ai pas demandé plus. 

Du coup, il a un deuxième laboratoire, perdu à deux heures de route d'ici. Il en est le seul technicien. Personne n'a connaissance de ce lieu, il m'y emmènera demain. Il se charge d'absolument tout là-bas, et y configure la matière avec la minutie d'un horloger/chimiste/biologiste/informaticien. Il m'a dit que je pourrais l'aider un peu jusqu'au transfert, mais après-ça, j'aurais d'autres priorités.

La journée est passée si vite. J'ai passé ma matinée à lire un des livres de sa bibliothèque. En me réveillant, j'étais seule chez lui, il est revenu à midi avec du matériel de l'Institut. Tout ce que je viens d'écrire, il a passé l'après-midi à me le raconter. Toute l'après-midi, et toute la soirée. Autant au début, c'est moi qui le pressais de tout m'expliquer, autant à la fin, c'est moi qui lui ai demandé d'arrêter. Je suis épuisée, je ne tiens plus debout. Avant de le quitter pour ma chambre, je lui demande ce qu'il comptait faire avec le bazar qu'il avait ramené de l'Institut, des fioles, des fils, des câbles... Il compte en faire un synthétiseur vocal. Je n'ai pas trouvé la force de lui réclamer plus d'informations. 

31/03/2043

Le Système StromOù les histoires vivent. Découvrez maintenant