Le coffre

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Elle se tenait en équilibre, perchée sur les larges poutres de l'auberge, un endroit chaleureux, à défaut d'être propre. La lumière tamisée de fin de soirée aidait son camouflage. Ses petits pas précautionneux dérangeaient à peine la poussière et passaient inaperçus aux voyageurs qui ne savaient pas passer sous elle. Saphire se dirigeait vers la pièce centrale, celle qui abritait le plus d'usager et qui lui causerait le plus de difficultés, puisqu'il y avait plus de chance qu'une paire de yeux rêveurs s'évade vers le plafond et la remarque. Sa cape grise pouvait la dissimuler d'un regard expéditif, mais certainement pas d'un plus soutenu, malgré la fumée ambiante. La jeune fille se concentrait sur sa respiration pour oublier la masse de voix qui se dévoilaient alors quelle avançait vers son but. Faire abstraction de tout ce qui pourrait mal se passer pour mieux se concentrer sur son objectif. C'était plus facile à faire lorsque l'on n'était pas dans le feu de l'action. Heureusement qu'elle n'était pas une débutante, elle aurait probablement déjà craqué sinon. Alors qu'elle passait de sa poutre à un autre qui lui était perpendiculaire, Saphire examina un fois de plus la salle sous ses pieds. Elle était occupée par plusieurs tables rondes plus ou moins grosses. À sa gauche, le patron du lieu s'occupait de clients tardifs derrière son comptoir imposant. Dans la salle, la plupart des sièges étaient occupés et les serveuses avaient de la misère à passer malgré leur fluidité habituelle. La soirée était bien avancée, la plupart des occupants devenaient extravagants et peu d'entre eux auraient été capable de se tenir droit s'ils se serraient levés. Parfait. Maintenant qu'elle arrivait si près du but, l'ombre grise n'avait plus qu'envie d'en finir.

Sortant une petite boule d'argile du petit sac accroché à sa anche, Saphire ramena ses deux pieds sous son abdomen. La petite boule, de la grosseur de sa main, pesait lourd dans sa main. Pendant un instant, la jeune fille se demanda si ce n'était pas le poids de sa conscience. Puis, agacée par cette pensée impromptue, elle laissa son nouveau jouet glisser entre ses doigts. Le bruit de l'argile se fracassant fut enseveli sous la voix commune de tout ces hommes. La fumée qui s'ensuivit déclencha, pour sa part, beaucoup plus de réaction. Le patron cria tout en faisant de grands moulinets avec ses bras. Les serveuses se cachèrent du mieux qu'elles le purent alors que les clients tentaient maladroitement de se lever. Saphire attendis, comme elle l'avait appris, que la fumée soit plus dense. Elle se lança pourtant avant qu'elle n'atteigne le plafond bas, la jeune fille n'aurait que peu de temps avant que sa diversion ne s'effiloche. Elle atterrit dans une roulade et bouscula quelqu'un de forte carrure dans son mouvement. De ses yeux clairs, elle repéra rapidement l'objet de tout son labeur. Le coffre de bois situé sous le comptoir disparu promptement tout comme la dague qui était à ces côtés. Saphire sentie que le patron se baissait pour tenter de l'attraper. Elle roula plus loin, esquivant ses grosses mains alors que l'on criait d'ouvrir la porte. Vite! La fumée se disperserait alors et elle se retrouverait au milieu d'hommes voulant l'attraper. Le coffre bien campé entre ses bras, la jeune fille se faufila rapidement entre toutes ces jambes juste à temps pour profiter de l'entrebâillement de la porte avant. Des mains voulurent l'attraper, mais l'alcool les rendaient pâteuses et grossières. Surestimant la grandeur de la voleuse, l'homme ne fit que déplacer la capuche de l'enfant qui s'enfuit prestement dans la ruelle tortueuse. Bien trop rapide pour ses poursuivant, Saphire rabattit sa capuche sur ses cheveux roux trop révélateurs alors qu'elle tournait dans une autre allée. Les ombres la dissimulèrent aux regards scrutateurs et elle reprit un pas plus calme.

Tout c'était bien passé, elle connaissait le coin, il ne lui restait plus qu'à retourner à sa planque. Le chemin était long et sinueux, mais elle en avait coutume. Il était plus difficile de mener des ennemis à son lieu de repos ainsi, même si elle avait plusieurs fois été en danger parce qu'aucune cachette sûre et rapide ne s'offrait à elle. Ce n'était plus arrivé depuis plusieurs années, elle avait pris de l'expérience. Elle savait maintenant reconnaître les cachettes des rues et de leurs habitants. Ses bras tenaient toujours le coffre contre son abdomen et l'un des coins lui rentrait douloureusement dans les côtes. La jeune fille n'osait pourtant pas desserrer sa prise pour être plus confortable, elle avait trop peur de perdre son nouveau trésor. De légers pas se firent entendre peu loin. Quelqu'un d'habitué à cacher sa présence la traquait. La partie plus difficile commençait, garder l'objet de son délit. Saphire se glissa entre deux taudis se touchant presque, profitant de sa maigreur pour continuer son chemin. Elle savait qu'elle ne se sauverait pas de ses poursuivants ainsi, les toits étaient bien trop facilement atteignable pour cela, mais elle passerait plus inaperçu. Elle replaça vivement une mèche fugueuse derrière son oreille avant que son éclat n'attire les regards. Personne à sa droite, ni à sa gauche, et elle pouvait entendre les rats grignoter les pourritures de la rue. Personne ne les dérangeait, son poursuivant devait se trouver en hauteur. Elle resserra son trésor, provocant une douleur que son cerveau analysa à peine. Elle ne pouvait se servir de ses mains, un handicap de plus qui ne lui plaisait pas. Elle relâcha d'une main son précieux vol pour pouvoir soulever une trappe en bois menant à un tunnel. La ville en regorgeait, gracieuseté des personnes peu respectables ayant participé à sa construction. Elle les remercia silencieusement, une fois de plus. Les souterrains étaient peu fréquentés, même par les guildes de voleurs et d'assassins. Leur passage étaient étroits, incertains et il était impossible d'y distinguer quoi que ce soit, le noir était total.

La petite voleuse s'y engagea pourtant de pieds sûr tout en refermant l'entrée derrière elle. Les fentes dans le bois laissaient filer des poussières de lumières suffisante pour trouver son briquet et allumer un bout de bois entourer du chiffon ayant servi à protéger sa petite bombe dans la bourse. La lumière ainsi créée était suffisante pour se repérer, mais elle permettait également à sa détentrice de se faire repérer facilement. Cette dernière se dépêcha de reprendre la coffre qu'elle avait dû déposer tout en rangeant son briquet dans son sac. D'une main, elle serrait son chargement tandis que l'autre éclairait le chemin. Saphire se repéra et partit comme une flèche vers son but. Ses foulés étaient silencieuse et son souffle régulier tandis quelle se hâtait. Les embranchements se succédaient alors que la jeune fille se déplaçait selon une connaissance accrue des chemins clandestins et son sens de l'orientation sur-développé. Elle dépassa hâtivement une ouverture dissimulée sur sa gauche, cachant de son mieux sa torche de sa maigre largeur. Une autre ligne droite, puis la rouquine éteignit subitement sa flamme et tourna le dernier coin. Longeant le mur, elle laissa traîner son ouïe vers l'extérieur. Les rongeurs festoyaient joyeusement. Deux pas la séparait de l'extérieur et son air rafraîchissant, une vingtaine et elle trouvait son abris. Les pas traînant d'un passant agacèrent son derme alors quelle évaluait les probabilités qu'on l'ait traquée jusqu'à cette sortie. Si les personnes qui espéraient lui voler son butin la connaissait suffisamment, ils pouvaient avoir déjà connaître le chemin le plus court de l'auberge à sa cachette. Elle était elle -même pleinement capable de faire un repérage aussi rudimentaire. Les pas revinrent dans sa direction, rapidement talonnées par l'ombre de leur propriétaire. La même cadence que lorsque qu'ils avaient fait le chemin inverse. Sa crainte se cristallisait, on l'attendait. La personne qui avait été mandatée à la surveillance de ce conduit ne semblait pas particulièrement prendre sa tâche au sérieux, ne cherchant même pas à changer sa cadence pour la tromper. Serait-ce possible de déjouer cet imprudent? Oui, mais ce ne voulait pas dire qu'il était prudent de le faire. Saphire n'avait entendu aucun poursuivant dans les tunnels étroits qu'elle parcourait, il lui sembla plus raisonnable de retourner errer dans le noir.

Tendant sa main contre la terre à sa gauche, la petite ombre rebroussa chemin, serrant le coffre sous sa cape. Ses doigts frissonnaient sous la texture inégale, à l'attente du matériaux différents. Une première poutre de bois croisa leur chemin, suivie d'une deuxième, mais pas d'une troisième, pas pour cette fois. Un pas et demi plus tard, la voleuse s'accroupissait, à la recherche d'une cavité. Cette dernière s'y trouvait encore, étonnement. Saphire se laissa tomber sur ses avant-bras et s'engagea dans ce trou à peine assez grand pour contenir sa faible stature. Elle tâtait le chemin devant elle d'une main alors que sa deuxième agrippait fermement son trésor. Quelques amoncellements de terre lui apprirent que ce passage se rapprochait de plus en plus du cul-de-sac alors quelle avançait laborieusement. Sa progression fût brusquement interrompue par une solide planche de bois. La voleuse poussa de toute ses forces la planche, gardant contre son sein l'objet de son délit, jusqu'à ce qu'une ouverture de la largeur de son poing fût visible. Ses yeux s'habituèrent à la lumière envahissant sa cachette, puis elle repoussa l'obstacle et plongea dans la lumière dorée.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 17, 2018 ⏰

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