Chapitre 2: Les mauvais sangs

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L'épaisse brume se faufilait dans chaque recoin de la cour Le vent plongeait en dessous de son gambison, chemise épaisse remplie de fourrure. Le sabots des destriers, fraîchement ferrés, claquaient contre les pavés mouillés et glissants. Il fallait faire vite, opérer avant que l'ousolphosien est eu le temps de donner l'alerte. Les lances pourfendaient le brouillard, les glaives pendaient aux côtes des chevaux. Une puissante bourrasque fit claquer le drapeau suspendu au donjon, geignant dans les meurtrières. Le fourreau pesait lourd sur la cuisse de Regan. Il peinait à voir ce qui se passait à plus de trois mètres devant lui. Perdu au milieu de tous ces cavaliers, préparés à tuer, le prince retenait ses larmes de rage, la rage qu'il destinait à son père. Je n'aurais jamais du le provoquer ! Et maintenant que vais-je faire : ordonner ce massacre ou perdre ma tête, sachant qu'un autre prendra ma place ?

Le choix était pourtant des plus simples et rhétoriques, il obéirait, comme toujours. Il devait mener ces hommes à tuer les hommes-lézards, il n'y avait pas d'autres termes. Le cœur lui manquer pour affronter le courroux du roi. Son père ne reculerait devant rien pour détruire la moindre trace des espèces de la première époque. Il voulait contrôler la nature par tous les moyens. Son grand-oncle avait déjà réalisé une part du travail, il avait mis le feu une partie d'Iseria, détruit des populations entières de lekaros, enfermé les dragoaros sur leur île. Pourtant, Hugenarz ne trouvait pas cela suffisant, il voulait l'anéantissement de la Nature, et cela commencerait ce soir, dans le bourg au pied de la Citadelle Noire. Sa folie s'accroissait.

Clavis, l'alchimiste au visage de félin, s'approcha de lui un sourire resplendissant à ses lèvres troubles. Tout était son fait, c'était lui qui avait permis au roi de réaliser ce projet. Assistant aux Conseils du Roi, contrairement à sa sœur, il savait que la peste était une maladie créée de toutes pièces par les alchimestres. Le roi avait sorti de l'or de nulle part et la maladie avait été créée à base du poison utilisé par les Sandara. Seule l'eau de la ville avait été empoisonnée. Il se tenait à présent à ses côtés, sur son fier cheval blanc. Des dizaines de flacons aux contenus fluorescents se balançaient aux flancs de l'animal fantomatique.

-Nous n'attendons qu'un mot de votre part, susurra l'homme à la voix d'eunuque.

Clavis recula lorsque le prince leva une main, Regan avait beau ne pas être muni d'une carrure de guerriers, il savait frapper là où cela fait mal. Le temps qui s'écoulait n'arrangeait rien, plongeant plus encore le jeune roux dans son trouble. Des gouttelettes de pluie s'accrochaient le long de son armure, pareilles à des diamants. Sur son torse était dessiné une grande spirale d'or. Le symbole des Trois Anges, les créateurs de l'Homme. Elcluia, la force, Solphir, la hardiesse et Regan, la sagesse.

Regan jeta un regard aux alentours, toute la Garde Dorée était alignée dans la plus parfaite position.

Que les Anges me pardonnent, et qu'ils punissent mon père.

La brume s'intensifia, le pont-levis descendit doucement, dans un grincement insoutenable. Le bois claqua contre les dalles. Son cheval hennit, Ecume, aussi gris que la seconde lune. Les coups de pattes sur le bois se répercutaient dans sa jambe endolorie. Sa tante lui avait offert à l'âge de ses cinq ans il n'était alors qu'un poulain.

Il enfonça légèrement ses talons dans ses côtes, il avança de quelques pas hésitants, refusant de sortir hors du donjon.

Il pressa un peu plus fort, à contrecœur le cheval avança. Regan détestait lui faire du mal. Il se mit alors à parcourir l'avant garde de long en large, comme le faisait les grands capitaines. Il se repositionna devant eux, trébuchant.

Obscuriatrum. Tome 1: RébellionWhere stories live. Discover now