Nous y sommes, encore un Noël qui s'achève sans toi. Pour être honnête, je ne sais plus si c'est le troisième, le quatrième ou bien davantage. Ce que je sais en revanche c'est que ça fait longtemps que tu es partie, je le sais grâce aux traits que tu as laissé sur mon visage, tu n'y es pas allé de mains mortes n'est-ce pas ? Pour être franc, je ne comprends pas vraiment cet abandon. Tu m'as laissé là, agonisant avec mon amour, sur ce rocher, sous la pluie, sans voix. Je me sens comme un serpent abritant son venin seulement, contrairement à lui, mon venin me consume. Comme lui je rampe dans ces rues, je croule sous les pavés, je regarde la Lune, la pluie se mélangeant à mes larmes et ces larmes qui se heurtent à mon sourire. Je souris face à cette ironie du sort, je souris en pensant au bonheur sadique que doit ressentir ce Dieu qui me regarde d'en haut en voyant comment j'échoue constamment. Et puis je me ressaisis. Au fil des épreuves je commence à devenir insensible, à avoir l'habitude, à comprendre. En voyant comment tu agis j'ai l'impression de n'être qu'un courant d'air. Ceci expliquerait pourquoi tu ne peux pas t'attacher à moi. Je suis là, je te réchauffe comme une douce brise, je t'enlace, mais tu ne peux pas me saisir pour mon plus grand malheur. Une fois la nuit tombée, je rejoins la tristesse de ton ombre pour ne pas que tu aies peur, je sais que tu sens ma présence et je sais qu'elle te rend plus forte mais malheureusement je ne serai pas toujours là, je ne suis qu'un courant d'air. Néanmoins, j'ai peur car je sais que la haine succède à l'amour, que le blizzard succèdera à la douce bise du matin, que le climat deviendra glacial, brumeux, foudroyant. Je le sens à l'intérieur de moi,ce feu qui m'anime, qui commence à prendre forme, pour l'instant je le contiens du moins c'est ce que je crois. A vrai dire, je le nourris. J'attends qu'il s'empare de moi car j'en ai marre de tout ça. J'en ai marre car je ne peux pas t'offrir ce que tu attends, je n'ai pas ces qualités-là, cette superficialité dont tu fais preuve. En observant je comprends un peu mieux, je ne peux rien t'offrir et je ne peux rien offrir car je ne suis qu'entité, je n'ai pas d'enveloppe. Je ne suis qu'amour et l'amour brut n'intéresse pas, il fait peur. Tu te plains d'être malheureuse et quand je te propose le bonheur tu le refuses. Voilà la clef de ce qui régit le monde. Nous ne sommes pas en quête de bonheur mais en quête de souffrance. Quelle belle connerie. L'espoir m'a quitté, je ne sens définitivement plus sa présence mais il a laissé place à la solitude, elle je la reconnais. La faculté qui me caractérise est que je me remets de mes blessures et puis de toute façon, ce sont toujours les mêmes cicatrices qui se rouvrent et comme d'habitude je me replis sur moi-même. Tu le sens ce vent qui tourne ? Ce cyclone qui prend forme et qui n'a que toi pour seul fondement ? T'en as pas marre d'engendrer que de la souffrance autour de toi ? L'œil du cyclone te fixe, te dévisage, te haïs. Cette force qui m'anime te dévastera, je ferai en sorte que tu n'en sorte pas indemne, désormais c'est à moi de te faire souffrir. Je te souhaite la bienvenue dans ma cage aux supplices, j'espère que tu t'y sens à ton aise, que tu t'y sens comme chez toi car au fond, je ne fais que reproduire ce que tu m'as fait subir. Tu me rends haineux. Je commence à te détester. Tu vois le ciel qui se noircit n'est-ce pas ? Tu sens l'orage qui approche, le tonnerre qui gronde, cette voix grave qui fait rage. Désormais, je ne peux plus te voir, je ne veux plus te voir. Je risque de te détruire si jamais je t'apercevais. Je préfère te fuir, te laisser là, au milieu de ce vide qui te comble dans ta solitude. J'irai au gré des vents, au parfum des champs, vers le chant des oiseaux qui me guidera vers de nouveaux horizons, loin de toi. Où le printemps succèdera à l'hiver auquel tu m'as habitué, où je verrai les arbres et les fleurs grandir à défaut de les voir mourir et qui sait, peut-être que mon cœur battra à nouveau. Il viendra un jour où j'égarerai mon bonheur au profit de nouvelles fleurs, nous échangerons nos souffles dans un parfait accord, des chaînes de montagnes se dresseront sur nos peaux, nous ressentirons la chaleur qu'éprouve un volcan lors de l'éruption et l'essoufflement laissera place à notre dernier cri avant de nous plonger dans cette léthargie. Et puis, le matin, dès l'aube, je m'en irai. La porte claquera à cause d'un courant d'air, ce même courant d'air la caressera une dernière fois, traversant ses deux collines et remontant la vallée jusqu'au sommet de son nez, il lui déposera sa dernière bise, celle qui immortalisera son dernier sourire. C'est peut-être ça le bonheur non ? Profiter des autres, les bouffer jusqu'à la moelle et puis les laisser se noyer dans leurs torrents de larmes. Putain c'est ça ta vision du bonheur ? De ne penser qu'à ta gueule ? Si c'est comme ça que tu penses être heureuse, je peux te dire que je te trouve bien triste. Tu me dégoûtes. Et dire que mon cœur s'est accroché à toi, je crois qu'il me dégoûte autant que toi. Mais bordel t'en as pas marre ? Tu arrives encore à te regarder dans une glace ? A être en accord avec tes actes ? Ne dis pas oui, réfléchis. Réfléchis-bien avant de répondre, remets-toi en question. Au fond, je sais que je me berne d'utopies, que tu ne changeras jamais car tu ne vaux rien mais j'espère encore et toujours, j'espère au désespoir d'une quête ou d'une conquête impossible. Tout ça me fatigue, j'en ai marre. D'une main lente et tremblante je me saisis du magnum situé sur la commode. Je sens qu'il est bien chargé. En ce nouveau jour, le vent est un peu lourd. Les oiseaux s'envolent en masse suite à un bruit sourd et me voilà rejoindre la marche des ivres-morts matinaux. Je marche au milieu d'eux avec ma bouteille à la main, je ne me sens pas à ma place au milieu d'eux et pourtant nous partageons la même chose, ce même désespoir. Aujourd'hui il ne pleut pas, en contrepartie ce sont mes yeux qui font l'averse. Je déambule jusqu'à m'échouer sur un rivage. J'attends que l'océan s'empare de moi mais même lui en est incapable, il m'a simplement subtilisé ma bouteille comme l'air de me dire «relève-toi». Alors, en utilisant le peu de force qu'il me reste, je me relève, j'avance, je m'envole. Il m'arrive encore de penser à toi avec le sourire. Ne te réjouis pas hein, c'est de l'ironie. Je souris en pensant à toi, seule, après que tout le monde t'ait tourné le dos ne voyant que le vide à travers toi. N'éprouvant que de l'indifférence. N'éprouvant aucun sentiment à ton égard. Je sais qu'à ce moment-là toi tu penses à moi, tu dois te trouver bien conne non ? Et crois-moi tu as bien raison car aujourd'hui il est trop tard. Tu ne t'en veux pas d'avoir tout foutu en l'air pour rien ? Simplement dans le but d'espérer avoir mieux ? On se rend compte de l'importance de ce que l'on possède qu'une fois qu'on l'a perdu, je pense que tu comprends ça maintenant. Tu espérais mieux mais est-ce que tu valais mieux ? Tu n'en as pas marre de te surestimer ? Moi j'en ai marre de me sous-estimer alors je te laisse te morfondre dans tes remords, je ne te souhaite même pas bonne chance, je ne te souhaite pas non plus de crever car ça serait trop facile, alors souffre, fais-moi plaisir pour une fois. Je coupe ce dernier lien qui me lie à toi, cette haine insatiable qui m'a saisi. Adieu une bonne fois pour toute, je laisse enfin le vent m'emporter afin que nous ne fassions plus qu'un. Tu me reverras au travers des éléments, tu sentiras la neige qui glacera ton sang, la pluie qui percutera violemment ta peau, la foudre qui tombera juste à côté de toi pour te faire ressentir la peur au moins une fois dans ta vie. Je te regarderai trembler, en train de t'en remettre à Dieu. Je le regarderai lui aussi, lui qui n'en aura rien à foutre de toi, lui qui te dira qu'il te met à l'épreuve pour soulager le fait qu'il n'ait pas agi, lui que tu implores car tu as été frappé par mon désespoir. Je t'aurai au moins transmis quelque chose. Je m'élève aujourd'hui sous le nom de Zéphyr et mon vent devient plus doux avec le parfum de l'amour, le parfum de Vénus. Par mes rafales, je diffuse son parfum jouant le rôle de Cupidon qui n'est même pas foutu de manier son arc. Je ferai en sorte de t'éviter car tu ne sais visiblement pas te servir de ce sentiment. Je te laisserai dans ta stupide aigreur. Je pense que dans le fond tu ne mérites pas grand-chose. Tu m'as volé mon cœur alors en contrepartie je t'offre ma rancœur. Je voulais t'oublier mais je n'y parviendrai jamais car tu as cette partie de moi avec toi. Tu es maudite. Je t'accompagnerai jusqu'à ton dernier souffle, je te guiderai, je ferai toujours en sorte que tu prennes le chemin où il y a le plus d'embûches possible. Tu seras souillée par le temps. On te surnommera l'indésirable, même la faucheuse hésitera à exaucer tes souhaits. Tu devras faire face à la méchanceté des hommes, celle que tu avais autrefois, alors qu'aujourd'hui tu implores leur pitié. S'il t'arrive de voir des arcs-en-ciel alors tu dois sans doute me voir sourire. Je souris car tu es bientôt apte à me comprendre. Tu te laisseras bientôt envahir par la haine, tu ne croiras bientôt plus en Dieu, tu ne trouveras plus de sens à donner à ta vie. Quand tu seras à ce stade de perdition j'apparaîtrais devant toi car tu te trouveras au point culminant de ma naissance. Tu voudras sans doute que je te pardonne mais sache que ça n'est pas possible. A vrai dire, tu deviendras ma prisonnière, mon pantin. Ta vie ? Tu m'en as fait don le jour où tu as volé mon cœur. Désormais tu es condamnée à la souffrance à perpétuité dans un éternel recommencement. Tu es prisonnière dans le bourbier de tes remords, je te tiens dans le creux de ma main. Te voici maintenant détenue à jamais dans mon berceau. Bienvenue dans ta cage aux supplices, bienvenue dans le berceau de Zéphyr.
VOUS LISEZ
La naissance de Zéphyr.
General FictionLorsque le désespoir gagne du terrain, la folie et la haine ne sont jamais bien loin. l'Amour quant à lui survit difficilement mais il ne meurt jamais. Arriveriez-vous à aimer encore Noël après ça ?