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Trois jours plus tard, lorsque Scarlett pénétra dans le cabinet de sa thérapeute; elle fut accueillit par quatre paires d'oeils supplémentaires. Six chaises patientaient au centre de la pièce, disposées en cercle. D'abord, la jeune fille crut assister à une réunion d'entraide, une de celles où chacun se devait d'exposer ses problèmes personnels aux yeux de tous, dans l'espoir d'ouvrir les yeux sur ceux des autres. Mais, rapidement, elle avisa les quatre jeunes hommes qui orientaient des oeillades mitigées dans sa direction. Le premier qu'elle détailla la dépassait aisément d'une tête et développait la fâcheuse manie de jouer avec le piercing, à sa lèvre inférieur. Son visage exprimait une gravité intense qui eut tendance à décupler la gêne de Scarlett. L'insistance des iris océan sur sa silhouette le poussa à glisser ses longs doigts fins dans son épaisse chevelure blonde. 

Le deuxième affichait un sourire avenant qui incitait à découvrir les multiples facettes de sa personnalité. Le bandana dans ses cheveux en bataille empêchait les quelques mèches désordonnées de se faufiler dans ses yeux. Le troisième détenait sans l'ombre d'un doute des origines asiatiques. Il se trémoussait nerveusement d'avant en arrière, conférant les premiers symptômes d'une crise nerveuse à Scarlett qui se mit instinctivement à se mordre les doigts. Un acte de nervosité qui piqua la curiosité du quatrième. Ce dernier l'observa, arquant un sourcil brun, bien que sa masse capillaire soit colorée d'un vert gazon que la jeune fille trouva ignoble à regarder. 

- Scarlett, je te présente le groupe d'étudiants prêt à t'accueillir au sein de leur appartement, déclara alors le docteur Faith.

Scarlett conserva ses doigts à ses lèvres, se contentant de changer d'orientation ses prunelles remplies d'interrogation. Aucun de ces quatre garçons ne semblait détenir une identité susceptible de les conduire vers un diplôme en psychologie. Et, la jeune fille ne se sentait définitivement pas à son aise sous leurs oeillades examinatrices. 

- Asseyons-nous, nous aurons plus de facilité avec les présentations, décida la psychologue. 

Une main se tendit vers Scarlett qui l'assimila immédiatement comme une intrusion dans son espace vital. Elle marqua un temps d'arrêt avant de réaliser un mouvement de recul qui surprit grandement le jeune homme aux cheveux verts dont l'intention n'était sûrement pas de la brusquer. 

- Michael, Scarlett souffre d'un trouble de socialisation, elle ne supporte pas le contact avec des personnes qui lui sont étrangères, expliqua posément la thérapeute.

Cette analyse aux abords médicalisés n'arrangea guère la position de Scarlett qui se sentit mise à nue. Ainsi, elle attendit que les quatre jeunes hommes soient assis pour s'installer sur l'unique place restante. Le docteur Faith murmura quelques instructions à ses invités qui dodelinèrent poliment de la tête. Un premier garçon prit l'initiative de se présenter à la jeune fille. Elle recommença à machouiller nerveusement le bout de ses doigts, focalisant son attention sur l'asiatique qui venait d'ouvrir la bouche. 

- Je m'appelle Calum Hood, je viens de Nouvelle-Zélande et mon objectif est de devenir psychologue. Sinon, je suis bassiste dans le groupe que mes amis et moi-même formons et, je suis content d'être amené à participer à ce programme; je suis certain que ce sera enrichissant pour chacun d'entre nous. 

Scarlett détestait ce genre de discours formel, manquant furieusement de personnalité. Elle se souvenait des rendez-vous auprès des familles d'accueils, après la tragique disparition de ses parents. Ils se présentaient tous comme de bons parents, déballant l'intégralité de leurs points forts tel un catalogue de réductions pour les soldes. Scarlett se remémorait cette publicité qu'ils s'affligeaient tous afin d'espérer correspondre à une petite fille qui ne demandait rien de plus qu'un minimum d'affection. Ces quatre garçons répétaient l'exercice avec autant de maladresse. 

- Je ne suis pas un petit animal derrière les grilles d'une animalerie qu'on cherche à adopter, j'ai des sentiments, lâche Scarlett, frustrée.

Le groupe d'étudiants se jeta un regard ahurit et déboussolé. A l'évidence ils n'étaient pas prêt à accueillir une bombe à retardement telle que Scarlett. Et, le plus grave, c'était surement que la jeune fille elle-même perçoive cette incompétence. Le docteur Faith ne perdit pas son professionnalisme et incita sa patiente à d'exprimer.

- Tu as de le droit de parler, Scarlett, dis-nous ce qui ne te conviens pas.

Tous les regards se braquèrent sur elle et, elle se sentit minoritère. Le grand blond la scindait d'un coup d'oeil d'acier qui la paralysa. Scarlett se focalisa alors sur sa thérapeute.

- Si on est amenés à vivre ensemble, j'aimerais que nos rapports ne soient pas dirigés vers mes troubles psychologiques. Or, ces présentations, la disposition des chaises, tout sonne faux.

La jeune fille rencontrait quelques difficultés à contrôler ses émotions. A cet instant, la colère l'emporta sur la nervosité. Et, comme à chaque fois qu'elle laissait les émotions guider son organisme, des images s'insinuèrent dans son esprit. La fumée, les sirènes criardes revenaient à la charge dans ses pensées qui l'emprisonnaient dans son trouble. Scarlett amena ses mains tremblantes à ses tempes par réflexe. Elle suffoquait dans cette pièce où elle demeurait le centre d'attention. Elle releva un regard embué de larme qui interloqua les quatre étudiants.

- Il faut que je sorte, souffla-t-elle, d'un trait.

- Respire profondément, Scarlett et concentre-toi sur autre chose, lui conseilla le docteur Faith.

Scarlett chercha une source d'apaisement dans le cabinet. Elle se stoppa lorsque son regard rencontra les iris mordorées d'un des garçons. C'était un des seuls à conserver son calme, se contentant de replacer son bandana correctement sur son crâne, par intervalles. Cette attitude décontractée conféra un peu de sérénité à la jeune fille qui veilla à avoir une respiration rythmée.

- Bien, maintenant que vous avez eu un petit aperçu des crises de Scarlett, j'aimerais que vous me disiez très sincèrement si vous vous sentez dans la capacité de gérer ce genre de situation.

Ce fut le grand blond au piercing qui répondit, la mine grave;

- C'est ce que nous voulons tous faire, ce qu'on a toujours voulu faire. Alors, même si nous savons parfaitement que ce genre de situation ne sera pas une mince affaire au quotidien, nous nous sentons prêts à nous lancer dans cette aventure. Nous sommes déterminés à aider Scarlett, du mieux que nous le pourrons.

La concernée détourna son attention du châtain pour l'orienter sur le blond. C'était la première fois qu'on abordait ce programme comme une "aide". Et, cette prononciation parvint à rassurer une infime partie de ses démons.

happiness therapy | 5sosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant