Pour toi, mon frère

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Grand frère. Je me souviens de toi, toi qui était si gentil, toi avec qui je jouais si souvent dans les arbres du jardin. Je t'adorais. Pour tout te dire, tu étais mon modèle.

Maman ne t'aimait pas. Je me demande toujours comment quelqu'un peut ne pas aimer son enfant, même s'il n'était pas désiré. Je me souviens encore du jour où elle voulait te mettre à la porte parce que tu étais sorti sans autorisation. J'avais eu très peur. Je ne voulais pas te perdre, mon grand frère adoré. Je voulais partir avec toi, mais Maman m'avait grondée. C'est fou de voir à quel point elle pouvait être attachée à moi et pas à toi. Ce comportement me faisait de la peine, mais c'était bien pire pour toi. Tu sais, grand frère, je t'entendais pleurer dans ta chambre.

Tu te souviens, tu avais ton permis de conduire, dix-neuf ans, et moi douze. Tu m'avais annoncé que tu voulais quitter la maison qui te servait de prison pour vivre chez des amis. Je sens encore ce frisson d'angoisse me parcourir le corps, et mon hurlement de crainte résonne encore dans la maison silencieuse. Tu avais les larmes aux yeux, mais tu réussissais tout de même à sourire. J'aimerais tant être aussi forte que toi... Et puis, Maman m'avait giflée, j'avais mal sur ma joue et dans mon cœur. Finalement, grand frère, tu t'es retourné, et tu es parti. "Au revoir, petite sœur" Ces mots resteront à jamais gravés dans mon cœur.

Et puis le lendemain, tu m'attendais à la sortie des cours. Et le jour d'après. Et encore après. Tous les jours, tu es venu. Et moi, j'étais heureuse, malgré l'odeur d'alcool qui flottait toujours autour de toi. Pendant deux mois, tu venais, et Papa et Maman n'en savaient rien, mais c'était mieux ainsi.

Et tu m'as offert ce collier. Celui que je porte à mon cou depuis ce jour. Je pourrais le décrire sans le voir. Cette magnifique pierre rose de quelques centimètres suspendue à une chaîne. Pour n'importe qui, ce n'est rien. Pour moi, il vaut tout l'or du monde.

Puis est venu cet accident. Ce foutu accident. Tu avais trop bu et tu avais conduit. Et ta voiture a foncé dans une barrière et s'est enflammée. J'avais tellement pleuré, grand frère. J'en ai tellement voulu au monde entier. A tes amis, d'abord, puis à moi de ne pas t'avoir protégé, à Maman de t'avoir chassé, à Papa de ne pas t'avoir retenu, et à tous ceux qui avaient une famille soudée qui ne s'était pas encore brisée. J'ai tellement pleuré, grand frère. Maman s'en ai voulu aussi. Elle avait tenté de se suicider trois fois en une semaine, avant de consulter un psychologue. Même aujourd'hui, elle est sous anti-dépresseur. Cela fait cinq ans, grand frère. Cinq ans que je pleure tous les soirs dans mon lit. Cinq ans que je regrette. Cinq ans. Si peu et si énorme à la fois. Je t'aime, grand frère. Je t'aime.

Ta petite sœur qui t'aime fort

Pour toi, mon frèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant