Dans la chambre à coucher il y avait, bien cachée dans la pénombre, cette toute petite fille, presque femme. Elle avait de grands yeux bruns, «bruns merdique», comme elle s'amusait à le dire. De ces mêmes yeux elle fixait le vide depuis des heures, le regard perdu dans ses pensées. Cette fille-là, c'était moi. C'est ce soir là que tout a commencé.
De l'autre côté de la porte, j'entendais ma mère s'indigner de l'augmentation du coût de la vie ces dernières années. Elle rouspétait toujours, de toute façon, j'y étais bien habituée. Ce n'était pas comme si tout cela allait changer du jour au lendemain. Et à ses côtés, j'imaginais mon père encaisser chacune de ses critiques, bien qu'elles ne lui soient pas destinées.
J'avais l'étrange impression que quelque chose allait arriver, que cette fois n'allait pas être comme les autres. Ce n'était pourtant pas la première fois que j'avais l'un de ces drôles de pressentiments. Cette fois-ci, par contre, je ne pouvais m'empêcher d'imaginer les pires scénarios, des frissons me parcourant l'échine par le fait même.
Et comme pour ne pas en rajouter à mes craintes, dehors il faisait tempête. Ce genre de tempête à laquelle on ne peut échapper. La pluie, la neige, le grésil, tout dans ce phénomène météorologique y était pour attiser ma peur. J'entendais le martèlement irrégulier de la grêle qui tombaient brusquement sur la tôle du toit. Il y avait aussi ce vieux chêne qui se tordait sous l'effet du vent et qui, à chaque bourrasque, venait frapper deux ou trois coups à ma fenêtre avec ses branches.
Je décidai alors de me lever, sortant enfin de ma longue transe. J'allumai la lumière. Cela ne servirait à rien de rester dans le noir à attendre. Et attendre était là un bien grand mot; je n'avais aucune idée de ce que j'attendais. Peut-être que j'espérais un autre drame, qui sait?
Lorsque j'approchai de la vitre, j'aperçus d'abord mon reflet. J'étais pâle. Si j'étais de meilleure humeur, je me serais comparée à Casper le petit fantôme, mais l'heure n'était pas à la plaisanterie. Même dans le faible éclat que la fenêtre me reflétait, je pouvais voir de grands cernes sous mes yeux. Je regardai l'heure; 3 :46.
J'observai à nouveau le triste paysage qui s'offrait à moi. Je vis tout en bas un jeune homme dont j'ignorais l'identité. Il était seulement vêtu d'un jean et d'un t-shirt. Il ne portait même pas de manteau par un temps pareil! Je ne pus m'empêcher de me moquer de lui, mais je n'avais pas remarqué qu'il était détrempé. Avec tout ce qui me passait par la tête, je ne m'étais pas rendue compte que la grêle avait laissé place à la pluie.
Lorsque je posai à nouveau les yeux sur lui, je vis qu'il me regardait. Je détournai aussitôt le regard. La dernière chose que je vis avant de m'éloigner fut l'une des branches du chêne qui céda sous la force du vent et le garçon qui s'éloignait en courant.
Je passai le restant de la nuit à me morfondre dans mes pensées. À un certain moment, je pensai à quel point il était curieux que la température reflétait mes états d'âme.
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L'apocalypse de l'espoir
Teen FictionAlexa Tremblay, c'est moi. C'est mon histoire. Jamais je ne me suis exposée de la sorte. C'est en parlant que je suis sortie de mon manège infernal. Et c'est maintenant que je raconte mon histoire au monde entier. J'ai vécu des choses, j'ai traversé...