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           J'avançai vers la jetée, plein d'une assurance fraîchement retrouvée. La révélation qui m'avait frappé m'emplissait de sérénité, un sentiment qui avait disparu de mon esprit depuis deux ans. J'entreprenais désormais une quête vers un bonheur plus complet que celui qu'elle m'avait arraché. Je savais que ma détermination ne suffirait pas, que parfois j'aurais certainement envie d'abandonner pour me morfondre, mais la vie était ainsi pour tout le monde.

           Le contrat que j'avais signé à ma naissance avec le destin comprenait une infinité de clauses écrites en tout petit, qui m'avaient explosé dans la figure à peine sorti du giron maternel.

La vie, c'est une épreuve.

Les obstacles sont faits pour être dépassés.

La douleur sera parfois ta seule amie.

            Mais voilà, je vivais, j'étais en bonne santé, j'avais des proches qui comptaient énormément pour moi, je ne pouvais pas me laisser abattre par un drame. Aussi important et destructeur soit-il. Ce ne serait pas le dernier obstacle que je rencontrerai, il fallait l'accepter et le surmonter.

            Une silhouette en contre jour attira alors mon regard, elle semblait perdue au milieu d'une immensité d'eau orangée. Une certaine tristesse émanait de ces cheveux de jais flottant et s'emmêlant dans le vent. Je m'avançai sur le bois rongé par le sel des vagues, jusqu'à distinguer des mèches bleu électrique.

           Elle n'était pas recroquevillée sur elle-même, ses épaules n'étaient pas secouées de longs sanglots. Je sus aussitôt que cette force, même ponctuée de tristesse, pourrait me guider vers la lumière.

             Même si je prenais le décision de réapprendre à vivre pour moi-même, et seulement pour moi, une aide pouvait être la bienvenue. Il était temps que je m'entoure des bonnes personnes.

Hey..., soufflai-je, légèrement en retrait.

             Elle ne se retourna pas au son de ma voix, n'esquissa pas un geste. Je crus qu'elle ne m'avait pas entendu, lorsqu'un rire cristallin s'envola vers le soleil couchant. Je m'approchai, et m'assis à ses côtés, légèrement étonné par sa réaction.

Hey, Lucky, me salua-t-elle d'une voix claire.

           Ses yeux où semblait couler de l'or s'accrochèrent aux miens, me sondèrent en profondeur, attentifs au moindre des tremblements qui agitaient mes mains. Elle s'en saisit, et la pressa contre son cœur qui battait la chamade.

J'ai perdu mon enfant, commençai-je sous son regard scrutateur et compréhensif. Avec Stormi, on essayait d'en avoir un depuis presque six mois, alors, quand j'ai su qu'elle était enfin enceinte, j'étais... si heureux. Au début, tout se passait bien. Ses sautes d'humeur n'étaient pas pires qu'avant - elle était malade, mais n'avait jamais voulu se faire diagnostiquer.

             J'inspirai profondément, il fallait que je lui livre ma plus grande blessure sans flancher. Il fallait que je finisse ce que j'avais commencé, afin de passer à autre chose. Il fallait que j'arrive au bout de cette confession douloureuse.

Et puis un jour, je suis rentré d'un spectacle, elle hurlait si fort... Elle m'a dit qu'elle l'avait perdu. Comme ça, subitement. Une heure avant, j'allais avoir une fille, Gravity, et l'heure d'après il ne me restait qu'une fiancée pour qui je devais être fort. Je ne voulais pas craquer, je devais être là pour elle.

         America posa sa tête sur mon épaule traversée d'un long frisson. Je retenais mes larmes à grand peine, et je la sentais trembler contre moi. Je continuai vaillamment, essayant d'avoir l'air détaché alors que chaque mot me déchirait les entrailles.

Durant deux jours interminables, j'ai été là pour elle, je n'ai pas craqué, même si elle me repoussait constamment. Et puis, au matin du deuxième jour, elle s'est réveillée enragée. Je ne la reconnaissais plus. Elle m'a avoué avoir avorté, car cet enfant était un poids dont elle ne voulait plus. Je ne me souviens pas de ce que je lui ai dit, je crois être simplement parti. Loin d'elle. Elle avait eu ce qu'elle voulait en tombant enceinte, mais s'était vite lassée.

           Incapable de me retenir, j'éclatai en sanglots amers. Je pleurai ainsi contre elle jusqu'à ce que mes larmes m'aient lavé de ma peine, jusqu'à ce que j'oublie pourquoi je pleurais. Je me laissai aller pour la première fois, et j'eus l'impression que cela me vidait de tous mes sentiments. J'on occultai même America, qui sanglotait désormais le plus silencieusement possible.

            Elle me tint dans ses bras, mais son étreinte était presque désespérée, elle s'agrippait à mon t-shirt autant que je m'agrippais au sien. Dans cette position, il était impossible de nous dissocier, elle était ma bouée et j'étais son phare, sans pour autant qu'elle n'empiète sur ma lumière.

Vis, Lucky. Vis pour toi, souffla-t-elle.

À un souffle de toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant