Chapitre 15

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N°4: M'inscrire au club de photo:

Quand Shawn gare sa voiture sur le parking du lycée j'ai l'estomac plein et la gorge nouée, parce que j'ai trop mangé et aucune envie que ce moment hors du temps prenne fin. En tête à tête autour d'une pizza - qui faisait la taille d'une roue de vélo et qui dégoulinait de fromage fondu - je me sentais bien. Il n'avait d'yeux que pour moi et, durant cette petite demi-heure, je me suis sentie la fille la plus importante de la ville. Et la plus jolie. 

Très égoïstement, je ne veux pas que ça s'arrête. D'autant plus que je dois me rendre en classe d'Art Plastique. Je devrais m'estimer heureuse de clôturer la semaine par une matière "allégée" mais ce n'est pas mon sentiment. Si j'adore la photographie, pour laquelle je pense avoir un minimum de talent, tous les autres domaines artistiques me rebutent. Parce que je ne suis bonne dans aucun. Aussi, chaque travail pratique me demande le double d'effort. 

Et là, tout de suite, je n'aspire qu'à une chose. Me cacher dans un coin et me repasser en boucle  les événements du déjeuner, mais je n'ai pas le choix, nous sommes arrivés et les cours vont bientôt commencer. Fin de l'aparté. 

Comme à l'allée, Shawn met un point d'honneur à venir ouvrir ma portière. Ce que je trouve assez mignon, bien qu'un peu ringard, mais je ne dis rien. J'attend sagement, un sourire irrépressible aux lèvres, qu'il vienne m'ouvrir. Et comme à l'allée, il m'offre sa main pour m'aider à descendre et entrelace nos doigts alors que nous marchons. 

Il me conduit jusqu'à une rangée de casier, prend appui contre, et m'observe de la tête au pied en souriant. 

- Il te va bien. 

- Quoi ? 

Je baisse les yeux pour comprendre. 

- Oh, ton gilet ? J'oubliais, je vais te le rendre. 

Je commence à descendre la fermeture, mais Shawn m'arrête en reprenant ma main dans la sienne. 

- Non, garde-le. 

- Et si tu en a besoin ? 

- Tu me le rendra à ce moment là. Mais pour le reste de la journée, il est à toi. 

Je lui souris, charmée par tout ce qui sort de sa bouche et bien plus encore par ce qu'il ne dit pas. Tous ces mots qui restent en suspens dans les airs, captifs de nos regards ancrés, me semblent être ceux qui comptent le plus. Je ne sais pas si je m'imagine ces choses ou non. En fait, depuis qu'il est entré dans ma vie, je ne suis plus sûre de rien. Et si, la majeure partie du temps, c'est inquiétant, des instants comme ceux-ci suffisent à compenser toutes les angoisses et les doutes. Parce qu'il me donne le sentiment d'être la seule qui importe à ses yeux. J'ai vaguement conscience d'attirer des regards curieux - et envieux - mais je n'en fais pas cas. La seule chose qui compte pour moi, c'est ça. Nous deux. Ici. Maintenant. 

Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, et la notre, que j'espère temporaire, est annoncée par la sonnerie. Shawn m'offre une mine contrite et moi, je panique à l'idée de devoir lui au revoir. 

Le dernier cours de la semaine s'annonce, je ne le reverrai pas avant lundi et après ce moment délicieux - au propre comme au figuré - un signe de main ne me semble pas assez et un baiser fougueux, un poil trop. Aussi, je me contente de le regarder en attendant qu'il initie quelque chose. Dans l'état où je suis, tout me conviendrait. Il s'approche de moi, hésite un instant, puis prend mon visage en coupe et dépose un chaste baiser sur ma joue. A la lisière de mes lèvres. 

Parfait, il a trouvé le juste milieu. Pas de quoi m'enflammer, mais suffisant pour que je sois à deux doigts de me liquéfier sur place. Je le regarde s'éloigner et me dirige rapidement vers mon casier pour récupérer mes affaires, et mes esprits. Dans mon espace personnel, je profite d'être à l'abris des regards indiscrets pour évacuer le trop plein d'émotion. Je crie en silence et essaye de faire disparaître ce sourire idiot qui est apparu sur mon visage et refuse de s'en aller. Sans y parvenir. Je suis bien trop excitée par ce qui vient de se passer pour réussir à me calmer. Tant pis, mes camarades de classe devront composer avec une version hyper euphorique - à la limite de la prise d'amphétamine - de la Jamie qu'ils connaissent. J'inspire un grand coup, expulse tout l'air contenu dans mes poumons et repousse la porte métallique qui se referme en grinçant. Je m'apprête à partir, la sonnerie a retentit depuis de longues minutes déjà - et même si Monsieur Lenberg n'est pas connu pour sa ponctualité, il risquerait de ne pas apprécier que je me présente avec un quart d'heure de retard - mais suis arrêtée dans mon élan par un torse imposant. Surmonté d'un visage au sourire suffisant. 

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