Des humaines trop fine

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Je suis cette fille-là, moi. Tsé, la fille trop fine qui fait toujours ce qu'on lui demande sans rien dire. Celle qui s'assit au fond de la classe et qui ne dit jamais vraiment ce qu'elle pense tout haut sans qu'on lui demande par peur de déranger, de déplaire, de partir une bataille. Celle qui va vouloir aider tout le monde alors que son propre monde est en train de s'écrouler complètement. Celle qui se fait passer en dernier parce que après tout, les autres on plus besoin de moi que j'ai besoin de moi-même.

Je n'ai pas de mal à être cette fille-là. Ça me fait toujours plaisir d'aider les autres et jamais je ne demande rien en retour. Je le fais parce que je peux le faire et qu'il est tout simplement impensable dans mon livre à moi de ne pas agir du tout. Je ne déteste pas être cette fille-là, jusqu'à ce que cette belle qualité se transforme en énorme défaut.

Être la fille trop fine, c'est de ne pas avoir cette possibilité de dire non, je ne peux pas, désolé, parce qu'on s'attend de toi que tu dises oui, pas de problème, je m'en charge. C'est d'avoir peur d'assumer son point quand ça ne fait pas trop notre affaire. C'est d'avoir les autres qui jouent avec notre patience comme les débutants qui changent une corde de guitare: ils mettent le plus de tension possible en s'attendant d'avoir un son parfaitement harmonieux et sont terriblement surpris lorsqu'elle leur brise en plein visage. Parce que après tout, ce n'est pas normal venant de la fille trop fine de perdre patience et d'éclater.

Quand on réussi à faire ça, dire non et finalement mettre notre pied à terre, on a l'impression de déclencher la troisième guerre mondiale même si, en réalité, on a toutes les raison du monde d'agir ainsi. Parce qu'on est pas des super-héros qui peuvent sauver le monde ni même des robots sans émotions. On finit quand même par se sentir mal malgré la petite voix dans notre tête qui nous répète sans cesse d'agir en canard et de tout laisser aller sans s'en préoccuper de la même manière que l'eau glisse sur le dos du petit animal. Après ça, on doit se retenir pour ne pas aller s'excuser mille fois d'avoir soutenu nos convictions par orgueil et respect pour soi-même. Et puis, aussi vite comme ça, on perd notre étiquette de fille trop fine pour qu'elle soit remplacé par celle de la méchante de l'histoire.

C'est tout blanc ou tout noir. Dans certain aspect de nos vies, il existe une certaine partie grise, mais pas dans ce cas là. Tant et aussi longtemps qu'on se fais marcher sur les pieds et qu'on obéis en souriant poliment, on ne seras pas bien dans notre vie, on ne seras pas bien avec les personnes que nous côtoyons chaque jour. Mais dès l'instant où on s'assume enfin et qu'on prends la défense de soi-même, tout chamboule et le chaos commence à s'installer tranquillement, autant dans nos vies que dans nos esprits. On se mets à penser que, étant le genre de personne qui déteste ça pour mourir les chicanes et le drama, on vient de le commencer nous-même, on vient de le provoquer ce drama-là.

Qu'on l'aille commencé ou pas, ce n'est pas ça l'important. L'important, c'est de prendre un peu de recul et de se dire : « okay, parfait, j'assume mon rôle de méchante s'il en est ainsi », parce qu'au fond, on le sait qu'on est pas la méchante, qu'on fait ce qui est mieux et qu'on doit pas se sentir mal de le faire. C'est d'apprendre des erreurs de notre trop grand coeur et surtout, d'apprendre à lâcher prise en répondant tout simplement : « non, désolé, je ne peux juste pas, merci de comprendre. » C'est de laisser partir les personnes qui n'acceptent pas un non comme une réponse, celles qui n'ont jamais montrées une once de reconnaissance à ton égard, celles qui se sert de toi et de ton trop plein de gentillesse. Ces personnes-là ne mérite juste pas autant d'effort.

On est juste des humaines aux grands coeurs et d'une bonté immense. C'est une qualité à double-tranchant, d'être trop fine. Ça nous arrive plus souvent qu'autrement d'être naïves et de trop faire confiance à ceux qu'on a aidé. Mais on recommence sans se douter de rien, en se disant que ce n'est pas tout le monde qui peut agir aussi mal envers autant de bonne grâce. Certains diront peut-être qu'on est stupide d'être aussi fine avec tout le monde, mais on le sait bien, nous, que dans un monde avec autant de haine partout, un trop plein de douceur et de bienveillance d'une seule personne ne peut pas faire bien de tort dans nos vies.

Être trop fine, ça s'apprend. Mettre une limite à notre gentillesse, c'est possible. Doser notre trop grande qualité avant qu'elle se transforme en défaut incontrôlable, c'est faisable. Dire non, refuser d'aider quelqu'un parce qu'on est plus capable de le faire, parce qu'il est temps de penser à soi un peu, ce n'est pas trop égoïste ni sans-coeur. C'est juste humain.

On est pas des super-héros qui peuvent sauver le monde ni même des robots sans émotion. On est juste humaine. Des humaines trop fine. 

Recueil de textesWhere stories live. Discover now