🌻Trente🌻

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Je le fixe enfourner plusieurs bouchées de lasagnes. Je prie pour qu'il s'étouffe avec, pour qu'on puisse être enfin débarrassé de lui. Malgré tout, je ne peux m'empêcher de l'observer d'un air envieux. Lui il a droit à un bon plat de lasagnes, alors que moi j'ai dû racler le fond des boîtes de conserve. Maman ne voulant pas faire de cuisine. Un petit pincement s'attaque à mon cœur. Est-ce de la jalousie? Je suis quand même en colère. Lorsqu'il s'agit de Marcus, ma mère obéit au moindre de ses ordres sans rechigner, comme un toutou soumis. Pourtant, elle n'est même pas fichue de cuisiner pour SA fille. Elle me déçoit, et ça de jour en jour.

Blottie dans un coin du canapé, j'ai essayé d'instaurer une très grande distance entre ce misérable et moi. Sa vue me répugne, je veux juste qu'il suffoque avec une toute petite bouchée, juste une toute petite et je me ferai une joie de le voir s'écrouler sous mes yeux.

Il avale chaque bouchée comme un lion super affamé, tout en émettant des bruits disgracieux d'Ogre. Ma bouche se fend en une légère grimace de dégoût, et je détourne les yeux pour ne plus avoir affaire à son physique.

Mes prunelles se posent instinctivement sur la silhouette de ma mère, assise sur le fauteuil en face de nous. Elle regarde Marcus de façon craintive puis concentre son attention sur moi. Ses yeux transmettent la peine et la désolation qu'elle ressent. Elle est désolée de m'infliger un supplice pareil. Combien de fois lui ai-je demandé qu'on s'en aille? Je n'arrive même plus à compter. À chaque fois, elle s'est cachée sous de nombreuses excuses plus piteuses les unes des autres.

Je ferme brièvement les yeux. Ce n'est pas le moment de me laisser aller dans la colère. Ça n'arrangera pas notre situation. Je les rouvre ensuite, et hoche lentement la tête. Elle n'a pas à s'en faire. Si je suis sortie de ma chambre, c'est pour trouver un moyen d'échappatoire. Malgré tout, je scanne le physique de ma mère, et du chagrin s'infiltre en moi. Ses cheveux noirs sont noués en un petit chignon. Son faciès fait étalage de sa fatigue, et les cernes sous ses yeux ne peuvent que renforcer cet état pitoyable dans lequel elle est. Un bleu recouvre une partie de sa mâchoire, et je sens mon sang monter en ébullition. Je serre les poings ainsi que la mâchoire. Marcus se sert d'elle comme un punching-ball. Chaque soir, il s'assure de lui arranger le portrait à sa façon, et la fureur en moi ne peut que se décupler.

Ça ne m'enchante guère de voir ma mère dans un état si lamentable. Elle mérite mieux que ça. La vie n'a pas été fair-play avec elle, puisqu'elle tombe toujours sur des salauds. Mais Marcus remporte l'Oscar en matière de salauds, ce mec je le hais.

__ Rosalinda, tu veux? Haha, fait-il en apportant sa fourchette vers ma bouche.

Il s'esclaffe avant de la reculer, et d'engloutir le contenu.

__ Si tu étais plus sage, je me serais sûrement montré clément et tu aurais eu un petit quelque chose, soupire-t-il de façon théâtrale, hélas! Tu l'ouvres un peu trop, et si la solution pour que tu sois plus docile est que tu meures de faim, ah ma petite chérie je n'y peux rien.

Il s'esclaffe encore. Un rire gras et bruyant qui dérange mes oreilles. Les commissures de mes lèvres tremblent sous la colère, et je lui lance un regard haineux.

Je capte le regard de ma mère qui essaie de me dissuader de riposter. Chez elle, rien ne vaut plus que le silence. Si je ne réponds pas à ses attaques et ses insultes, il me fichera la paix. Et c'est parce qu'elle ne lui tient pas tête qu'il s'amuse à la frapper comme dans un sac de sport. Elle est trop faible. Je ne suis pas comme elle. Je n'attends pas que les coups pleuvent, si j'en ai l'occasion, j'en distribue.

Je déteste t'aimer. (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant