L'Histoire d'un homme

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Aujourd'hui, dans le cadre d'une semaine hors cadre du lycée, un homme est venu nous raconter son histoire. Et son récit m'a boulversé. Ce n'est pas l'histoire du refugié que je vais vous raconter dans ce texte. Mais celui de l'adolescent, qui comprend que sa vie va être bousculée comme un verre d'eau que l'on reverse... se casse, puis que l'on jette. Parce que le réparer prend trop de temps. Et c'est bien connu : l'on a jamais le temps. Encore moins si ce n'est pas de l'argent.
Je parlerai donc en "je", car son histoire lui appartient.

Je m'appelle Roger Mburente. À l'époque, j'avais 16 ans. J'habitais en Burundi, un petit pays d'Afrique proche du Rwanda.
Il y avait un homme au pouvoir. Malheureusement, lorsqu'il déceda, un autre homme, dans la logique des choses, le remplaça. Seulement, celui-ci était fou. Il s'enfermait, ne parlait jamais à personne... Il était aussi atteint de paranoïa. Un jour, prit de fureur, persuadé que quelqu'un allait vouloir le renverser pour prendre le pouvoir; il donna un ordre aux soldats. Dans tous le pays, il fut appliqué à la lettre.
J'en fit l'effrayante constatation peu de temps après.
J'étais en classe. Plusieurs soldats ont débarqué. Ils ordonnèrent à une très grande majorité de mes camarades et amis (mais que des garçons) de les suivrent à l'extérieur. C'est ce qu'ils firent.
Dans un vacarme assourdissant; des coups de feu. On entendit les corps s'effondrer. Ils étaient tous morts. Assassinés à 16 ans...

Pourquoi eux et pas moi?
Parce que le deteneur du pouvoir avait fait une liste de toutes les personnes qui savaient lire et écrire; qui se dirigeaient vers de belles études, et avait ordonné de les assassiner pour s'assurer qu'ils ne le renverseraient pas. Je faisais parti de ces personnes figurants sur la liste de la mort. Mais, sans nous connaître, il avait fait un trit au hasard, laissant quelques "survivants". J'en faisais parti.

Celà dit, l'on savait qu'il allait vouloir nous tuer.
Il essaya, et l'on dû fuir.
Des mois passés dans une forêt hostile à 16 ans, avec quelques compagnons de douleur, non plus âgés que moi.
Nous ne possédions ni eau ni nourriture. Un simple couteau...

Et puis, quelques temps après (il s'est passé beaucoup de choses, mais je garde les moments forts car je ne peux raconter 2h d'écoute, aussi passionnantes soient-elles).
Je me retrouvais, après être allé quelques mois au Rwanda, dans une très grande manifestation devant les portes du gouvernement. Nous étions 10'000. Simplement armés de bâtons. Cet homme exterminait notre peuple.
《Nous y croyions; nous chantions...》.
Tous âgés de 16 à 60 ans...
Une fois aux portes, des soldats nous regardèrent. Dans un regard froid, sortir leurs mitrailleuses.

En 2 minutes, nous avions perdus plus de 2'500 personnes. Venues en paix...
Cet homme a assassiné mon père, dans une guerre.
Cet homme a assassiné mes amis.
Cet homme a assassiné mon pays.
Et moi; jamais il ne m'a eu.

(Il n'y a pas de date car je ne m'en souviens plus exactement, et il est hors de question que je mette au hasard ou approximativement une date aussi importante. Celà dit, pour vous aider à situer, c'est dans les alentours des années 1985.) Cet homme travaille actuellement dans la ville de mon lycée, en tant qu'enseignant et fondateur de projet/ voyage humanitaire de tout genre, donc les refugiés.  Ce texte est spécial mais j'avais besoin de l'écrire car ce genre de choses sont bien trop souvent tapies dans l'ombre du silence. Parce que la Vérité dérange.
       
               À monsieur Roger Mbudente

                       À monsieur Roger Mbudente

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