La vapeur commençait à agacer Onalyo. Il ajusta la sangle de sa sacoche sur son épaule et continua d'avancer prudemment, main toujours proche du pommeau de son épée.
En milieu hostile, toujours garder une arme sous la main. C'est le principe de base de survie.
Il avait du mal à avancer à un rythme convenable, d'une part car l'eau qui lui arrivait jusqu'aux genoux le ralentissait, d'autre part parce que les coupoles étaient parfois très espacées en hauteur.
Il grimaça en arrivant au bord de la coupe dans laquelle il marchait et soupira. Puisque cette fois il avait Voyagé sans son sac, il n'avait ni reliques, ni corde pour descendre. Il allait devoir user de magie. Ce qui signifiait s'épuiser, et donc affaiblir ses chances de s'en sortir en cas de situation délicate.
Tant pis. Il n'avait pas le choix.
Il se concentra pour faire monter l'eau de la coupole en-dessous de la sienne, à une dizaine de mètres. Lentement, en une fine colonne, l'eau lui répondit. Il y déposa un pied, puis l'autre, et la laissa retomber au ralenti. Il se réceptionna une fois arrivé en bas et observa autour de lui. La coupole dans laquelle il venait de poser les pieds était particulièrement large, mais l'eau chaude qu'elle contenait était toujours aussi peu profonde. Il choisit finalement de continuer dans la même direction, malgré l'humidité et la chaleur pesante.Quelle galère... Ça va être la misère pour ramener des reliques sans mon sac et sans la pioche... Rien que pour installer un campement potable, en fait...
Onalyo soupira de nouveau, agacé. Son Voyage ne s'était pas déroulé comme il l'aurait voulu. D'abord, son sac et ses reliques étaient restées à Losterian, parce qu'il n'était pas censé repartir dans l'immédiat. Il n'avait pu emmener que son épée de glace et sa sacoche, cette dernière contenant seulement une lanterne sans flamme (relique de classe 5, aurait complété Onalyo), ses carnets, un couteau de chasse et une relique appelée puits de milles hommes, qu'il avait oublié d'enlever de sa dernière excursion... Un bien maigre attirail. Ensuite, et enfin, il s'était réveillé ici. Un décor plus qu'aberrant. D'immenses coupes couvertes d'un lierre géant, remplies d'eau chaude... Une ambiance chaude et très humide. Étouffante. La vapeur le cachait, mais elle pouvait cacher des dangers.Il grommela. On ne pouvait pas faire plus catastrophique comme Voyage...
Perdu dans ses pensées moroses, il ne perçut pas immédiatement la forme qui se découpait dans la vapeur, quelques mètres devant lui.
Émergeant de la brume, une créature de cauchemar se dévoilait lentement au jeune homme, qui s'était brusquement arrêté.
Une épaisse fourrure blanche recouvrait la créature, malgré la chaleur oppressante qui régnait. Elle avait une allure d'immense porc-épic, plus grande qu'un homme, au dos couvert d'aiguillons qui semblait prolonger les touffes de fourrure. La créature n'avait pas d'yeux ; à la place se tenait un organe à peu près rond, d'un rouge qui contrastait avec le blanc de la bête, percé de cinq trous. On pouvait deviner une bouche juste en dessous des orifices, mais c'était de loin le danger le moins important.Onalyo fixa la créature d'un air terrifié. Il l'avait reconnu. Elle ne figurait que dans ses carnets, mais il avait compris immédiatement le danger.
Un perceballe...
Le perceballe était classifié en danger cinq étoiles. Autrement dit : irrationnel.
L'affronter était irrationnel. Mortellement fou. C'était une erreur fatale. Et Onalyo le savait. Chacune des aiguilles de la créature était capable de transpercer l'acier et portait un poison mortel, sans remède connu, qui tuait en moins de deux heures.
Il ne réfléchit même pas. Il fit volte-face et courut aussi vite que ses jambes pouvaient le porter. Derrière lui, le perceballe se campa sur ses quatre pattes et émit une sorte de grognement nasal. Il bondit à une vitesse ahurissante et Onalyo le sentit. Il fit un bond sur le côté pour esquiver l'assaut fulgurant, voltigeant par-dessus le bassin. Son premier pied toucha l'eau alors qu'il retombait agilement. Pas le second.
Le perceballe semblait avoir compris l'intention d'Onalyo et avait bondi légèrement plus à droite que lui, de manière à le toucher à l'instant même où il retomberait au sol. Ça ne manqua pas : ses aiguillons s'enfoncèrent dans le fond du bassin, et l'un d'eux vint traverser le mollet du jeune homme. Il étouffa un hurlement de douleur et tomba lamentablement dans l'eau, roulant sur lui-même. Il se redressa avec difficulté, dents serrées, regard fixé sur le perceballe. La peur fit doucement son chemin et il se mit à trembler.
Le poison...
Il fut incapable de se remettre debout dans l'immédiat. Il fixait la créature, qui grondait, ses aiguillons pointés vers lui. Il baissa les yeux vers sa jambe ensanglantée. L'eau autour d'elle s'assombrissait lentement, virant au rouge. Il grimaça et recula en rampant. Face à lui, la créature grondait. Ses aiguilles se mirent à frémir, le monstre se préparait à bondir. Onalyo n'avait plus beaucoup de temps pour réagir. Il aperçut, dans sa sacoche, la relique oubliée... Peut-être que le puits de milles hommes pourrait l'aider : on dit qu'il confère la force de milles hommes. Il eut un frisson à l'idée de devoir enfoncer ça dans sa chair, mais la douleur et la peur prirent le dessus sur l'appréhension. Il voulait vivre, même si ça impliquait de souffrir atrocement.
La main tremblante, il attrapa le petit objet. Il mordit dans la sangle de sa sacoche et posa doucement le puits de milles hommes sur son poignet, en appuyant légèrement. La réaction de la relique ne se fit pas attendre : elle enfonça lentement ses crochets et ses pointes dans la chair du bras d'Onalyo. À travers sa mâchoire serrée et toujours face au perceballe, il hurla. Jamais quelque chose ne l'avait autant fait souffrir : il avait l'impression que des milliers d'aiguilles transperçaient son bras et remuaient à l'intérieur, en arrachant tout au passage. En baissant les yeux sur son bras, il se rendit compte que tout s'était brutalement assombri autour de lui. Le poison se répandait. Les hallucinations émergeaient.
Il finit par faire abstraction de la douleur, du poison et de sa blessure par une incroyable détermination à vivre. Porté par la force du puits, il se redressa et se mit à courir. Le plus loin possible du perceballe et de ses aiguilles mortelles, le plus loin possible du danger.Il ne savait pas depuis combien de temps il courait lorsqu'il s'effondra au pied d'une coupole. Tout tournait autour de lui ; l'eau était rose et les plantes devenaient bleues, puis noires... Affalé sur le sol, gémissant de douleur comme un animal à l'agonie, il baissa les yeux vers sa jambe blessée. Au milieu d'une marre de sang, sa peau était devenue violette. Elle était gonflée et le faisait atrocement souffrir. Il fit une tentative de garrot en tentant de combattre la douleur, mais elle échoua. Puis une seconde, sans succès. Et une troisième. Peu à peu, ses gémissements se transformèrent en hurlements de douleur. La blessure était douloureuse, certes, car le muscle avait été traversé par l'aiguille et le poison l'avait faite enfler et gonfler. Mais le puits de milles hommes lui lacérait le bras à chaque mouvement. La douleur était insupportable et prenait peu à peu toute la place dans l'esprit enfiévré du jeune homme. Se tordant de douleur, la voix cassée à force de crier, il parvint à saisir fermement le manche de son couteau de chasse. La folie rongeait peu à peu son bon sens, et il se releva brusquement sans cesser de hurler. Sa voix éraillée ne lui permettait que de geindre faiblement à force de crier, mais il posa sans peine brutalement le bras portant le puits sur le sol. Ses yeux semblaient sur le point de sortir de leurs orbites et la main tenant le couteau tremblait horriblement. Une grimace déformée par la douleur et la folie du poison se forma sur son visage, et il abattit brutalement le couteau sur son bras, au niveau du coude.
Une fois.
Un hurlement parvint à briser les limites de sa voix.
Deux fois.
Son bras pendait lamentablement, il sentait ses forces l'abandonner lentement, mais il devait absolument trancher une dernière fois...
Trois fois.
Son bras se détacha du reste de son corps alors qu'un soubresaut l'agita. Il lâcha son couteau et serra son bras tranché contre lui, hurlant son dernier souffle, comprenant que plus rien ne pouvait le sauver. Il allait crever ici, seul, dans la douleur, le poison et les hallucinations. Sans avoir trouvé son trésor...
Il parvint cependant à glisser une main dans sa sacoche en se tordant sur le sol. Il en sortit une petite sphère en verre, ronde, légèrement lumineuse... Il rassembla ses dernières forces et la broya entre ses doigts.
Et le noir tomba brutalement.
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Croquis d'un perceballe fait par un ami anonyme
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Les carnets d'Onalyo
AdventureLes carnets d'Onalyo sont plein de curiosités... Des reliques découvertes, des croquis de monstres et de créatures, de personnes, des descriptions de cultures... Le jeune homme Voyage de monde en monde et y vit des aventures très différentes. En voi...