Luth suivit Stan à travers un dédale de couloirs qui ne semblaient mener nulle-part. Visiblement, l'enfer attendrait. Le patron salua brièvement quelques personnes sur leur passage. Les relations entre ces types ne semblaient pas sortir du cordial. Elles étaient, à vrai dire, presque froides. Les rares personnes qu'ils croisaient n'accordaient au nouveau venu qu'un bref regard, et peu d'empathie. S'ils manifestaient une quelconque curiosité à son égard, celle-ci restait dissimulée sous un visage de marbre. Luth se dit que leurs gueules de survivants devaient très certainement être un facteur important de la morosité de leurs expressions. Après quelques minutes de marche, les quatre hommes bifurquèrent vers un chemin plus étroit et arrivèrent devant une porte en métal. Stan toqua trois coups brefs, ajusta sa cravate, et attendit patiemment.
La porte s'ouvrit et dévoila un visage, digne d'un film d'épouvante. L'homme qui leur avait ouvert abordait deux entailles énormes qui tentaient de se frayer un chemin de son menton à son œil gauche. Quant à la partie droite de sa figure, elle était à moitié brûlée. Sur son crâne, quelques dizaines de cheveux blancs se partageaient un vaste espace peuplé de croutes et de peau rouge vif.
« Mon garçon, commença Stan, je te présente Ted. » Luth tenta de contenir sa stupeur. Il avait déjà fait preuve de faiblesse plus tôt, lorsque le directeur l'avait interrogé sur son identité. Il n'était plus question d'avoir peur. Plus question de se laisser impressionner.
« Bonjour collègue. », lança Luth avec le calme qui était encore à sa disposition. Le garçon s'habilla d'un sourire qu'il voulut chaleureux. Son interlocuteur le toisa de la tête aux pied, interrogea rapidement le directeur du regard, et finit par répondre :
« Salut gars. »
Pas très classe, mais toujours mieux que merdeux ou le nouveau. Ted tendit une main que Luth serra avec énergie. Il espérait s'habituer au plus vite à ce visage à demi humain. Stan se frotta les mains, s'excusa brièvement, puis pris congé. Les deux soldats qui les avaient accompagnés le suivirent mollement. Ted s'assit et pria Luth d'en faire de même.
« Eh bien, les présentations sont faites, on va passer aux choses sérieuses. Avant tout, y a-t-il une question qui te tracasse ? » L'homme s'exprimait clairement et simplement, ce qui contrastait assez fortement avec son « visage ». Sa voix trahissait même une pointe de tristesse, de mélancolie.
Une ? pensa Luth, Il veut dire des milliers. Le garçon se racla la gorge et articula :
« Il y a pas mal de choses qui me tracassent - Il insista particulièrement sur ce dernier mot -. Tout d'abord, comment arrivez-vous à vous financer en pillant des épiceries et en demandant des rançons ? Ensuite, pourquoi vais-je devoir ramener mon cul sur un champ de bataille avec des balles à blanc ? Et enfin... où avez-vous trouvé toutes ces informations sur moi ? » Luth reprit son souffle. Il estima que c'en était assez. Il regarda son interlocuteur avec insistance, droit dans les yeux, dans l'attente d'une réponse convaincante. Ce dernier se redressa, l'air nullement surpris.
« Ça va être long, commença-t-il, donc accroche-toi. Je vais commencer par les grandes lignes du tableau. On est soixante-treize, ici, à Calgau. Cet endroit, c'est à dire l'intégralité des locaux, s'appelle la tranchée. Et on représente une unité de fonctionnement Nazcare. Il y en a, si mes souvenirs sont bons, cent-quatre sur le continent. Chaque unité est dirigée par un directeur, et assure, suivant son effectif, un rayon de plus ou moins cent kilomètres. On réalise, en moyenne, deux interventions par semaine. Il faut en effet qu'on maintienne le quartier en état de guerre, ne me demande pas pourquoi, c'est assez complexe. Et puis ça ne te concerne pas. Toi ; tu viens, tu fais ce qu'on te dit de faire, tu touches ta paye, et t'écrases en silence. Ça suffit largement. Bref, pour en revenir au sujet, une vingtaine de Bras, les "soldats" quoi, sont mobilisés à chaque intervention. Ils suivent des directives bien précises, et crois-moi, tu n'as vraiment pas envie de savoir ce qu'on... ce qu'ils font à ceux qui désobéissent... »
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Double-Veste.
General FictionLes histoires d'amour qui sillonnent le monde de Wattpad vous ennuient ? Alors plongez dans un monde où manipulation est la mère loi. Un monde où la frontière entre criminels et politique est de plus en plus faible, et où Luth Karrër, 28 ans, va app...