Me voilà, encore, dans ce lieu étrange que je ne connais que trop bien à présent. C'est exactement la même scène : je me tiens là, dans ce qui me semble être une pièce noire, il fait trop sombre pour que je puisse distinguer quoi que ce soit qui pourrait m'indiquer où je me trouve, lui aussi il est là, toujours à l'heure au rendez-vous. Comme toujours, il est vêtu d'une cape avec une capuche. En fait, on dirait plus une sorte de poncho, mais le tissu est aussi léger et opaque qu'une cape noire. Je regarde droit dans sa direction, et aperçoit un point bleu qui vient ajouter de la couleur à cet endroit trop sinistre à mon goût. Alors j'imagine une scène colorée et, je confirme il peut lire dans mes pensées car au moment où je me vois dans une forêt verte au printemps, avec des parterres de fleurs de milliers de couleurs sur le point d'éclore, le paysage change et je me retrouve dans le lieu extravagant et incompréhensible d'Alice au pays des merveilles. Alors, vite, je me mets à regretter le sentiment de confort et de sûreté du morbide. Puis, le paysage se remet à changer, dans le même manège précédent : la scène semble tourner autour de moi, ses traits s'étirent, deviennent des vagues d'ondes de couleurs défilant devant moi et je me retrouve prise dans un tourbillon que j'en ai la nausée. Je ferme les yeux pour ne pas gerber et quand je les rouvre, je suis dans ma forêt, durant la nuit bien-sûr, juste en-dessous de mon arbre, dans le creux du tronc dans lequel je viens me réfugier si souvent. Je me souviens de la première fois que je suis venue ici, sa beauté m'avait particulièrement frappée et sa majestueuse et imposante carrure m'avait offert un réconfort que nul autre pouvait. Et jusqu'ici il avait gardé ce rôle, jusqu'à ce que je rencontre cet être étrange qui me rends visite lorsque je suis le plus faible. Peut-être vient-il me consoler, ou peut-être se sert-il de moi. Une chose est sûre, la noirceur de son âme et l'obscurité de sa personne me font ressentir quelque chose, de fort, de puissant, qui comble ce trou que mon cœur et cet arbre possèdent en commun. Je lève la tête, il est là, à une vingtaine de mètre de moi. Il est trop loin, j'ai besoin de sa présence imposante et chaleureuse. En un flash, il fuse vers moi tel une balle de révolver venant heurter sa cible sauf que lui s'arrête, sa tête à quelques centimètres de moi - suffisamment éloignée pour que je ne puisse pas distinguer son visage à travers l'obscurité. Une rafale de vent qui accompagne son arrêt brusque se lève, produit un tourbillon de feuilles mortes autour de nous et fait voler mes cheveux dans tous les sens. Nous restons coincés dans cette tornade pendant une éternité, mais j'ai la net impression que personne n'a envie d'en sortir.

"Qui es-tu ? "

Ma bouche a parlé toute seule, mais je ne distingue pas de peur dans ma voix, j'ai simplement demandé. En attente d'une réponse, je regrette d'avoir posé cette question, mais mon cerveau n'avait en aucun cas commandé cette action.

Ça fait une bonne dizaine de minutes que j'attends. Qu'est-ce que je suis bête : espérer une réponse, qu'il me dira son nom alors qu'il ne me laisse même pas voir son visage. Puis, contre mon gré, je m'entends reposer la question.

"Je t'ai demandé qui tu es "

Je sens une pointe de colère passer dans mon intonation, mais peut-être est-ce de l'impatience. Néanmoins, je reste calme. Je suis vexée qu'il ne m'ait pas répondu, qu'il ne veuille pas que je sache qui il est. Il connait tout de moi, j'en suis sûre. Soudain, un vent froid se lève et me fait frissonner. En quête de réconfort, je me mets à scruter son visage pour voir son œil bleu, la seule chose qu'il veut bien que je sache de lui. La seule chose qui pourrait laisser paraître ce qu'il ressent. Alors je le vois, il me scrute, m'observe, m'examine. Comme s'il lisait au plus profond de mon âme. Son regard me transperce, tel la lame d'un couteau. Je sens quelque chose tapoter contre ma jambe et je sursaute. Je baisse les yeux : ma main tremble, ça m'arrive quand je suis anxieuse. Je me rassure et relève les yeux. Je ne me trouve plus dans mon refuge, mais de retour dans la pièce noire. Sauf qu'elle n'est plus pareille, il manque quelque chose, ce qui la rendait calme voire rassurante... il n'est plus là.

Death LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant