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  Il était la nuit tombée lorsque Matt se réveilla en sursaut. Encore un cauchemar l'ayant hanté durant ses rares phases de repos. Il voyait encore souvent le visage de cette jeune fille, essayant de l'attraper alors qu'une des créatures avait fini par lui mordre le mollet et refusait de lâcher. Il n'y a rien qu'il aurait pu faire pour la sauver, elle était condamnée dès l'instant où la créature avait enfoncé ses crocs dans sa chair. Il suffit d'une morsure, se mit-il par murmurer, assis sur son lit de fortune, composé d'un matelas, d'une vieille couverture et de son sac à dos en guise d'oreiller. Une morsure, et c'est la fin. Matt était à peine réveillé, mais se leva brusquement. Sa silhouette était bercée par la lumière de son téléphone, seul objet de valeur qu'il avait encore avec lui. Lorsque le monde se mit à changer, lorsque les gens se mirent à se transformer, lorsque cette écho résonna dans le monde entier...Il était déjà trop tard pour l'en empêcher, mais par chance cela n'avait eût aucun impact sur les réseaux et les satellites, laissant ainsi la possibilité aux hommes et aux femmes peuplant encore la Terre de communiquer entre eux. Tout du moins, sur le papier, car le réseau se mit à saturer très rapidement, bloquant les communications pendant près de 3 semaines. Après ces trois semaines, le réseau se mit à revenir. Il était certes plus lent et moins stable, mais il était possible d'envoyer et recevoir des messages. Matt avait une hypothèse à se sujet, mais était terrifié à l'idée que celle-ci se révèle exacte. Alors qu'il était bercé dans ses pensées, son portable se mit à vibrer. Un message.


« Danny – 5h33 : T'es debout ? J'arrive pas à dormir. Je les entends en bas de l'immeuble essayer d'ouvrir la porte. Ils savent que je suis à l'intérieur. »


C'était un message de Danny, un de ses amis d'enfance.


« Matt – 5h38 : Je viens de me réveiller, j'ai quasiment pas dormi. Fais attention à toi, je vais partir dans la matinée histoire d'être certain de ne pas être en retard.

Danny – 5h39 : J'ai peur mec.

Paul – 5h44 : T'en fait pas mec, avec Arthur et Clara on est plus très loin non plus. Quand on sera tous ensemble, le pire sera derrière nous.

Danny – 5h45 : Je suis tellement désolé de vous emmerder comme ça.

Matt – 5h46 : Arrête mec. La raison pour laquelle on se parle par message tous ensemble, c'est qu'on a tous peur. Mais ce soir on sera tous ensemble. Tenez bon. »


La conversation prit brusquement fin, Matt devait absolument observer les alentours avant de faire le moindre pas à l'extérieur. Il se souvenait des films de genre qui passaient au cinéma et à la télévision, ceux dans lesquels un homme seul était capable d'affronter une armée de morts sans trépasser. C'est bien ce que c'était : des fictions. Matt n'avait encore jamais tué une seule créature, il ne savait même pas si cela était possible. Cette petite fille était morte par sa faute, car il pensait pouvoir contrôler la situation, mais il en était bien incapable. Dans les films il y a toujours une armurerie, de multiples armes blanches, des véhicules à foison...Mais il n'y avait rien de tel dans la vraie vie. Il n'avait jamais vu une arme à feu en personne et même s'il trouvait un véhicule abandonné, il ne savait pas conduire et cela impliquait de prendre des risques probablement inconsidérés. Matt se souvenait aussi du mythe du zombie, créature d'une force surhumaine, mais avec un point faible. La réalité était tout autre. Il avait essayé d'attaquer le crâne de ces créatures, mais rien n'y faisait. Même sans tête, elles continuaient toujours à avancer, à tendre les bras dans sa direction. Il en était venu à la conclusion qu'elles ne pouvaient pas passer l'arme à gauche. L'humanité serait alors condamnée à l'extinction, car il était évident pour lui que la raison pour laquelle le réseau était rétabli était qu'il n'était plus saturé...Et donc qu'il y avait de moins en moins de gens comme lui encore vivant.


C'était en tout cas son explication. Mais il n'en avait aucune pour expliquer cet écho ayant été entendu aux quatre coins du globe. Il n'en avait aucune pour expliquer les tremblements de terre à Belfast ou à Berlin. Il était pourtant évident qu'il y avait un lien avec la situation actuelle, il ne pouvait en être autrement. Perdu dans ses pensées, Matt remuait machinalement une tasse de café à moitié vide et totalement froide qui lui restait de la veille. Pendant qu'il avalait cette substance peu appréciable, il écartait le rideau de la petite pièce dans laquelle il se trouvait afin de voir l'extérieur. Il ne semblait pas y avoir le moindre signe de vie...ou de mort. Matt était logé dans un petit immeuble surplombant le plus grand boulevard de la ville, il pensait que se terrer ici quelque temps était la meilleure façon de s'en sortir sans trop de dommage. Les premiers jours, la ville était un véritable champ de guerre, l'armée ainsi que la police avait été envoyée pour protéger la population des créatures, mais ils ne pouvaient strictement rien faire, les créatures étaient plus nombreuses, et rien ne semblait les ralentir, pas même les balles. Une semaine plus tard, et la ville était semblait maintenant pratiquement déserte. Bien sûr il voyait passer de temps en temps des créatures, mais celles-ci n'avaient plus de proies à chasser, et il semblait maintenant acquis que la vaste majorité de ces choses avaient poursuivi les rescapés qui s'engouffraient vers les campagnes. Une bénédiction, mais à quel prix ? Matt regarde pendant de longues minutes le boulevard, tentant de discerner le moindre signe suspect, mais rien ne semblait l'empêcher de poursuivre sa route. Sa tasse désormais vide, Matt rangea ses quelques affaires dans son sac et vérifia qu'il n'avait rien oublié. Il ne lui restait plus que quelques jours avec ses provisions actuelles, c'est pourquoi il était maintenant nécessaire pour lui de changer d'endroit et se rapprocher des quelques amis avec qui il était encore en contact.


Son sac sur le dos, Matt ouvrit la porte menant vers l'extérieur de l'appartement. Il prit bien soin de ne pas faire de bruit et se dirigea vers la porte de l'escalier, qu'il referma aussitôt derrière lui, afin qu'elle ne fasse aucun bruit. Après plusieurs étages, la trappe menant vers le toit se dressait devant lui. Il n'avait jamais été très sportif, alors il lui fallut plusieurs essais avant de finalement parvenir à l'escalader. La ville de Saint-Denis se dressait devant lui, et pour la première fois depuis le début de la catastrophe, il sentait sa chance tourner. Ses amis n'étaient qu'à quelques kilomètres, et le point de rendez-vous fixé se trouvait à Saint-Ouen, la ville la plus proche de là où il était. Pour cela, il n'avait qu'à marcher environ deux kilomètres, et il connaissait suffisamment bien cette ville qui l'avait vu grandir pour estimer ses chances de réussites importantes. Le point de rendez-vous lui aussi n'était pas laissé au hasard puisqu'il s'agissait de l'université dans laquelle il avait étudié durant de nombreuses années.


Il ne savait pas exactement à quoi s'attendre une fois face à cet édifice, mais l'université était un endroit largement plus sécurisé que n'importe quel autre lieu de la ville, et les grilles, bien que hautes, étaient faciles à escalader. Matt regarda une dernière fois le boulevard et se mit en route.

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