Le Gibbon

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New-Seattle, Quartier A.6, Quartier Général de l'Héxaédron, 3 mai 2314



Quinze heure passée de cinq minutes, Cèdre ne disait rien mais Christale se demandait comment elle avait pu espérer voir Amarante à temps. Elle arriva enfin, assez équipée pour 4 bretteurs.

— Bon, je suis à l'heure, non ? Et sobre surtout, grimaça-t-elle en se frottant les poignets puis les coudes.

— Mouais. Pourquoi tant d'armes, remarqua la benjamine.

— Ah, oui. J'ai pensé que Cèdre devait impressionner donc j'ai pris des grosses armes qui vont avec sa stature.

— Je refuse d'utiliser tes outils, être vert c'est à vie, répondit cette dernière d'un ton outré.

— On a la preuve que non, sourit Amarante avec moquerie avant d'enchaîner. Je ne te demande pas de les utiliser. Juste de les porter pour faire bonne figure. Pour la petite.

La grande femme saisit avec colère les armes et les passa avec une aisance déstabilisante vu ses propos. Christale se mit en route sans rien dire. Elle expliquerait en chemin comment se tenir à un entretien de l'Ordre. Elle espérait surtout que les deux ne se battent pas sur place. Ni avant. Ni au retour, tant qu'à faire.

La route n'était pas longue mais, à pied, elles en eurent tout de même pour deux heures. Cèdre critiqua plusieurs fois les talons de la femme rouge qui les ralentissaient, cette dernière rétorqua que l'accusatrice avait de l'embonpoint et n'aurait pas tenu une cadence supérieure. L'héritière désespérait.

Elles parvinrent en vue de l'entrepôt sans qu'elles en viennent aux mains et Christale les arrêta le temps d'évaluer le périmètre. Puis leur fit traverser la rue et ouvrit une porte secondaire de l'entrepôt désert. Elle referma avec soin, huma l'air comme s'il regorgeait des souvenirs de ses "cousins".

En attendant la venue du seigneur des singes, elle pouvait placer ses acolytes mais aussi fureter et ne s'en priva guère.

***

Toutes les trois se figèrent alors que le soleil se faisait rasant et qu'un bourdonnement se fit entendre. Son oncle n'avait qu'un grand défaut : il adorait les vieilles voitures à essence. Et les voitures à essence pétaradaient, elles ne bourdonnaient pas. Christale se glissa derrière une caisse de munitions avec Amarante alors que Cèdre se baissait derrière des tonneaux de rations de survie.

La grande porte s'ouvrit et un aéroglisseur d'une trentaine d'années entra en râpant légèrement le sol avant de s'y poser de travers. Armoiries simiesques mais vaisseau de seconde zone. L'adolescente vit son intuition confirmée lorsqu'un homme bedonnant mais imposant en sortit côté passager pour ordonner que l'on referme au plus vite l'entrée principale. Lorsque le grand échalas assis à l'arrière eut refermé ladite porte, le Gibbon haussa la voix.

— J'espère que tu es là, ma fille. Ça a été un vrai calvaire de tromper la vigilance du Conseil avec ce tas de boue pendant que je confiais ma voiture à Anna.

— Vous l'en remercierez, mon oncle, répondit Kris' d'une voix volontairement ampoulée avant de gâcher l'effet d'un grand rire.

Elle sortit de sa cachette en époussetant ses vêtements et le Gibbon lui indiqua une petite table accompagnée de chaises simples. Amarante et Cèdre firent face aux gardes du corps. Christale peina à reconnaître ses cousins, tous deux très semblables à leur père, un tiers de poids en moins.

Gherardo, toujours aussi sûr de lui était imperceptiblement plus grand que son demi-frère en taille, comme si la nature voulait prouver qu'il était légitime malgré ses yeux bleus. Aldo, son aîné de 5 mois avait les yeux brun de son père même s'il était un enfant naturel. La paire était la plus grande source de fierté du seigneur des singes mais aussi sa plus grande honte. Son épouse de l'époque ne lui avait jamais rien reproché et la situation était devenu encore plus gênante lorsque le Gibbon avait officialisé une seconde union avec Anna, la mère d'Aldo, sans reconnaître à ce dernier le statut d'héritier.

Mais tout cela n'était que de la poudre aux yeux. Le Gibbon avait demandé, en présence de Christale pour qu'elle apprenne les ficelles du pouvoir, à ses fils s'ils étaient d'accord pour que Gherardo reste l'héritier. Aldo, amoureux d'une servante à l'époque, n'en avait cure et son cadet avait été mieux formé. Toute cette histoire servait au Gibbon à occuper ses opposants.

Christale les salua d'une courte révérence. Puis elle et son oncle firent signe aux autres d'aller faire le guet comme convenu. Ils s'assirent à table et se regardèrent pour savoir quel ton adopter.

***

L'adolescente savait que son intronisation n'avait pas eu lieu, mais elle ne fut pas surprise. Juste ravie.

— Donna, commença son oncle. Voilà bien la première fois que ce titre ne me sert pas juste à saluer la femme d'un conseiller. Je suppose que tu préfères le tutoiement.

— Entre nous .. oui Don di Scimmie, répondit-elle avec un sourire enchanté.

— Bien. Tu as donc trouvé des amis dans la rue. C'est rassurant. Nos alliés en seront ravis.

— Nos alliés n'en sauront rien pour l'instant. Je dois rester une inconnue dans l'équation tant que nous ne savons pas où sont les autres pièces, lâcha-t-elle en prenant un air plus contrit.

— Tu mimes mieux tes expressions que lorsque tu étais chez moi. L'Héxaédron a déjà dû te donner une cape pour que tu puisses sortir mais je ne la vois pas. Tu es bleue j'espère, pas rouge.

Elle fit une moue gênée.

— Christale ! Verte et tu sors sans autorisation ! C'est un jeu dangereux, s'exclama-t-il.

Il fit un geste pour renvoyer ses fils sans même les voir. Elle fit de même en voyant Amarante se rapprocher sur une caisse. Pas du tout sa position.

— Le jeu en vaut-il la chandelle, demanda-t-elle prestement comme pour chasser le sujet.

— Ton grand-oncle assume officiellement l'intérim mais il se voit déjà intronisé. La Chimère le comptes comme un puissant allié mais les dragons sont assez mécontents qu'il n'ai rien fait pour venger ton père. Il prétend même que la mort de ton père et de 4 hommes de mains pourrait être de ton fait et que ce ne soit pas un kidnapping. Sinon une rançon aurait été demandée. L'idée est intelligente, sûrement de la Couleuvre.

— Assez de mauvaises nouvelles. De notre côté ?

— Don di Cani se sent trop vieux pour vraiment se mêler à ça mais son fils, ton oncle, a signé un pacte avec moi et les Tori ...

— Les Tori se joignent à nous, l'interrompit-elle, surprise. C'est inespéré. Mais pourquoi ?

— avons signé le pacte des Dragons, poursuivit-il comme si de rien n'était. Oui, des dragons même si nous n'avons aucun dragons à notre bord. L'idée vient de Fulvio puisque c'est pour te retrouver. Le seigneur des taureaux nous a rejoint car il n'a pas pardonné la mort d'Il Manzo et que plusieurs gardes de ton père avaient eux aussi eu les canines arrachées.

— Il Dinofeli ?

— Il y a fort à parier.

— Mais ... l'intrusion a été discrète. Ce n'est pas son genre.

— Je sais, mais que veux tu. Il se fait vieux, peut-être que la sagesse a finit par recouvrir une part de sa folie.

Elle respira et réunit les informations qu'elle détenait pour faire un plan avant d'en débattre avec celui que la majorité s'accordait à voir comme le plus intelligent de l'Ordre ou au moins du Conseil.

Ils débattirent près d'une heure avant de s'entendre puis se saluèrent et elle rentra accompagné de ses deux acolytes dans la pénombre étoilée du début de la nuit.

Les Achroniques - 2314, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant