Jeanne n'a pas décroché un mot. Complètement tétanisée, ses petits yeux restent figés sur sa tâche noire qui mesure trois bons centimètres. Les six petits traits sont ondulés et remontent vers le long de son poignet.
La mâchoire crispée, le coeur en colère, je rabaisse sa manche d'un geste rageur, et saisis sa main pour la mettre debout.
Le fait qu'elle ne pleure pas me fait paniquer. Mais je suis incapable de prononcer une phrase cohérente car un ouragan noir a pris possession de mon âme.
Je cherche aussi calmement que je peux sa veste, et dès que je la trouve par terre au pied du lit, j'en profite pour aussi ramasser la capote et la ranger dans mon jean.J'enfile la doudoune à Jeanne, j'attrape ma veste dans une main, et le coeur palpitant comme un fou dans ma cage thoracique, je serre le petit corps de ma femme contre moi.
—On va trouver une solution, je souffle en lui plantant un baiser sur le front.
Muette, elle approuve des yeux, avant de se laisser entraîner dans mes bras pour sortir de sa chambre.
On descend les escaliers en silence, jusqu'à qu'on tombe sur son père assis dans le salon.—Vous sortez en amoureux ? lance-t-il d'un regard souriant.
—Oui Monsieur, je réponds le plus sereinement possible. On doit...lui acheter un portable.
Mon ange garde la tête blottie contre mon épaule, sûrement pour que son père ne constate pas l'effroi qui l'anime en ce moment-même.
Je la garde précieusement contre moi, dans un geste que je veux le plus protecteur possible.—Je vous la ramène ce soir, je déclare à son père avant d'ouvrir la porte d'entrée.
—Amusez-vous bien, s'enthousiasme-t-il.
S'il savait...
Je fais asseoir mon ange silencieux auprès de moi dans la voiture, puis je démarre en trombe.
Direction le QG, en espérant que la team puisse nous aider.Vingt minutes plus tard, je m'engouffre dans le parking souterrain sous le « Black Horse ». Il est 11 heures passées et je sais qu'à cette heure-ci toute l'équipe est en haut. On n'a plus de mission en cours. La dernière s'est une nouvelle fois soldée par un succès. À ce que j'ai appris, le gars qui harcelait la jeune fille pour qu'elle paye ses loyers en retard, a été écroué en début de semaine. Il lui faisait des avances sexuelles de plus en plus poussées, et heureusement les Players sont intervenus à temps pour éviter un viol.
C'est notre lot quotidien : aider les plus démunis, les plus fragilisés, dont les keufs n'écoutent pas. Notre district prend de plus en plus d'importance, et depuis la trahison de Matt, le boss a intégré trois nouvelles recrues.
Pourtant je reste persuadé que quelqu'un d'autre de l'équipe était dans le coup avec Naume. Le premier gars cagoulé qui cherchait Jeanne dans le couloir des Durand, avait un air familier qui me tracasse encore.
J'ai toujours pas réussi à comprendre à qui appartenait ce regard que j'ai entraperçu à travers l'obscurité pendant deux secondes. Mais le fait qu'il se soit jeté à travers la baie vitrée me prouve qu'il ne voulait pas que son identité soit découverte.J'ai de forts doutes sur Clémire, mais aucune preuve. J'en ai parlé à personne car j'attends juste un faux pas, un geste maladroit de sa part pour...
—Tu peux me tresser ?
La petite voix de Jeanne me sort de mes pensées.
Je me gare à l'emplacement habituel, avant d'éteindre le contact pour la regarder. Recroquevillée au fond de son siège, elle ressemble à un petit lapin apeuré.
—Maintenant bébé ?
Elle hoche la tête avec un petit sourire.
Viens.
Je recule le siège pour qu'elle vienne s'asseoir à califourchon sur mes genoux. Toute tremblante, elle me fixe avec ses petits yeux encore remplis de terreur.
—Ça va aller bébé, je la rassure en la prenant dans mes bras. Ça se trouve c'est rien de grave, c'est pour ça que je suis venu ici. Pour avoir l'avis de Mitch. Tu sais il est infirmier...
Elle me fait un petit signe de la tête, et voyant l'heure passer, je grimace.
Ça peut attendre ce soir ?
Non.
Ses yeux chocolats me supplient que je lui fasse les deux tresses comme le jour de notre union dans la putain de cave de Naume. Apparemment ce rituel l'a marquée, et si ça peut la soulager et lui rendre son si beau sourire, je peux consacrer cinq minutes à ma femme pour qu'elle se sente mieux.
Les yeux fermés, elle se laisse faire, et je m'applique en douceur à tresser ses deux extrémités. Nos souffles s'alourdissent, un flot de souvenirs viennent nous envahir face à ce geste pourtant anodin mais tellement symbolique pour nous.
Quoi qu'en pense Warwick et les autres, je sais qu'on a reçu la bénédiction du Saint esprit, et que par conséquent on est déjà mari et femme devant Dieu. La preuve en est que mon ange est assise sur moi, plus belle et resplendissante que jamais.—C'est bon bébé, je murmure d'une voix troublée.
Elle ouvre délicatement ses yeux, et j'y trouve une certaine forme de sérénité. Mon cœur se réchauffe de retrouver une lueur de vie dans ses belles prunelles, et je peux pas m'empêcher de l'embrasser pour lui montrer mon amour. Mes lèvres fondent sur les siennes, nos bouches forment un doux ballet amoureux. Je noue mes bras derrière son dos pour approfondir nos baisers lumineux mais empreints de tragédie.
J'ignore ce que cette tache noire avec les six traits signifie, mais je sais au fond de moi que ça présage rien de bon.
Putain de malédiction.
Lorsque nos lèvres se détachent, on sort de la caisse dix fois plus détendus qu'avant. Je dois avouer que l'idée de la tresser était parfaite pour faire retomber les tensions.
Main dans la main, on avance le long du parking souterrain, et j'en profite pour m'en griller une.
—Pourquoi t'es pas venu hier ? demande mon ange les sourcils soudain froncés.
Je tire sur ma clope en soupirant en même temps.
—J'ai essayé de trouver un moyen avec les autres pour briser la malédiction.
—Et alors ?
—Et alors on cherche toujours, je réplique un peu agacé.
Je sens sa petite main se crisper dans la mienne, et pendant qu'un bref silence s'installe entre nous, je continue de fumer un peu plus nerveusement.
J'espère vraiment que cette tache relève du médical, et qu'elle est dû au fait qu'on a séjourné quatre jours dans une cave humide aux conditions d'hygiène déplorables.—Il parlait de quoi Alex avant ? lance-t-elle.
Je jette mon mégot pour ouvrir la porte qui mène au bâtiment.
—De rien.
On se dirige vers l'ascenseur, quand tout d'un coup elle lache ma main pour me lancer un regard noir.
—Je veux la vérité, maintenant !
—Quelle vérité ?
Elle croise les bras contre sa poitrine, et je comprends pas pourquoi son comportement devient soudain si agressif.
—Je sais très bien qu'il ne parlait pas de la malédiction, Sam. Et je veux savoir ce que tu me caches.
Merde.
Heureusement l'ascenseur arrive à temps, et j'en profite pour la tirer à l'intérieur pour vite monter au QG.
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« Il y a des circonstances où le mensonge est le plus saint des devoirs. »
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Just Play 2 (Terminé)
Ficção Adolescente• SUITE et FIN de « Just Play » • ___ { On a tous besoin de croire en quelque chose. Moi je crois que je vais rentrer chez moi. } ___ Just Play tome 2 : R...