Les chaînes froides me retenant au mur ne sont pas prêtes d'être brisées : j'ai beau les secouer dans tous les sens, elles ne bougent pas. La pièce suinte de sang : partout sur les murs, les cadavres fraîchement éventrés s'évident de leurs entrailles. Le liquide vermeille s'écoule abondamment, allant jusqu'à former une petite mare au niveau de mes chevilles. Si ça se trouve, je mourrai noyée, noyée dans le sang de ces filles que j'ai tant haïes.
L'humidité de la cave et l'ampoule grésillante ne m'aident pas à retrouver mon calme ; au contraire, elles attisent mon anxiété. Je suis transis de froid : je n'ai sur moi qu'une jupe et un T-shirt à manches courtes. Bâillonnée, je ne peux crier ; prisonnière, je ne peux m'échapper. Je sais, je n'aurais pas dû m'emporter ; mais c'était la fois de trop. Trop de pression au lycée, trop de conflits à la maison. Alors, quand ces filles m'ont demandées pour la énième fois de leurs donner de l'argent pour qu'elles se payent leurs doses ; cette fois-ci, je n'ai pas fait ce qu'elles souhaitaient : j'ai refusé. Elles m'ont battues, battues au point de ne plus pouvoir me relever. Ce sont les pompiers, alertés par les passants, qui m'ont retrouvée ensanglantée en plein milieu de la rue, couverte de bleus.
En face de moi, un escalier insalubre manque de s'effondrer. Ca m'arrangerait s'il pouvait vraiment s'écrouler : "il" ne pourrait ainsi pas descendre pour m'achever. Mais pourquoi, pourquoi j'ai fait appel à lui pour me venger de ces garces? En même temps, s'adresser à un détective privé bon marché pour retrouver mes agresseuses était une proposition alléchante... Mais jamais, ô grand jamais, je n'aurais pensé que cela finirait en un grand bain de sang...
Quand j'ai sonnée à son cabinet, il m'a ouvert : j'avais devant moi un jeune homme trentenaire, propre-sur-soi et bien coiffé. Il accepta immédiatement ma requête, et je dus le payer d'avance. Cependant, aussitôt le nom de mes bourreaux donnés, il changea d'attitude : il commença à me faire des avances, que je repoussais, naturellement. Mais il faisait preuve d'une telle force et d'une telle brutalité que je commençai à en avoir peur. Soudainement, il me menaça à l'aide d'un couteau et me fis descendre dans sa cave. Attachée, apeurée, je ne pouvais me mouvoir ; et même si j'en avais eu l'occasion, je ne me serais pas libérée de son étreinte brutal, par frayeur d'être tuée.
Quelques heures plus tard, après m'avoir laissée seule sans connaissance ; il revint dans cette sinistre pièce avec deux gros sacs poubelles. Je compris à sa façon de les traîner sur le sol qu'ils étaient lourd ; mais par naïveté ou refus de compréhension, je ne voyais pas ce qu'il pouvait y avoir dedans. Je compris seulement lorsqu'à force d'être constamment en contact avec le sol, un trou apparu dans un des deux sacs, et qu'une tignasse blonde en sortit. Ces cheveux, je le savais, appartenaient à Laëla, une de mes tortionnaires. Un sentiment d'épouvante m'envahis brusquement : subirais-je aussi le même traitement?
Il enfonça la peau du cou des deux corps sur des crochets accrochés au plafond. Puis, il prit un malin plaisir à les torturer. Bien que les sachant déjà morte depuis une vingtaines de minutes à peu près grâce à la raideur cadavérique, je ne pouvais m'empêcher de trouver ça inhumain. Il leurs enlevaient leurs globes oculaires avec une petite cuiller, puis les mettaient un par un dans sa bouche et les recrachaient dans de petites boîtes en ivoire qu'il fermait minutieusement avec une petite clef en argent. Il leur découpaient des bouts d'oreilles qu'il faisait frire dans une poêle avant de les manger devant mes yeux horrifiés. Il continua ainsi pendant des heures et des heures ; jusqu'à se lasser, sûrement épuisé de ce petit jeu qui lui pompait toute son énergie. Alors, pour achever en beauté, il les éventra et leur enleva leurs pancréas qu'il mit soigneusement dans un grand congélateur près de moi. Ensuite, il s'en alla, me laissant seule avec les deux cadavres.
Ai-je eu ce que je voulais, au final? Après tout, on ne peut faire meilleure vengeance ; peut-on? Elles ont été punies, mais l'on t-elles méritées? Cette situation ne me convient pas : jamais ça ne me serais venu à l'idée de les punir de la sorte. Mais le destin en a décidé autrement : je mourrai sûrement ce soir, parmi ces corps meurtris par un homme inhumain et sadique. Rien ne me garantis une fin aussi douce que je puisse rêver : après tout, il me réserve peut-être la même torture qu'aux deux autres, mais de mon vivant? Rien que d'y penser, je manque de m'évanouir. J'ai voulue piéger les souris, mais je me suis moi-même faite manger par le chat.
Le silence meurtrier de la pièce est soudain rompu par des bruit de pas à l'étage du dessus. Ils se rapprochent de la porte de la cave, de plus en plus rapidement. Une angoisse indescriptible m'envahis : il arrive. L'ampoule s'éteint, les ténèbres morbides s'emparent de la pièce. Un liquide chaud coule entre mes jambes ; j'ai peur. La lourde porte en fer de la cave s'ouvre dans un grincement assourdissant...
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Prisonnière
HorrorL'histoire d'une jeune fille enfermée dans une cave, et d'un bourreau toujours plus fou...