Quand il partit se coucher, affreusement tard ou abominablement tôt, il ne put s’empêcher de sourire malgré le manque et la douleur dans sa poitrine. Avec un peu plus d’efforts, elle aurait peut-être pu se trouver à ses côtés ? Non ?
Combien de fois lui avait-elle dit qu’elle n’était pas une fille facile ? Et combien de vents devrait-il se prendre avant d’enfin prendre ça en compte ?
Il n’avait pas répondu à son message et avait passé une bonne partie de la soirée à discuter avec Camille, il lui avait dit qu’elle était sublime, rayonnante, il lui avait fait d’innombrables câlins et beaucoup de bisous. L'autre, il n’avait cessé de penser à June. Étrangement, ça l’avait plus fatigué que tout le concert qu’il avait donné et toute l’énergie qu’il y avait dépensée.
Des tas de questions l’empêchaient de s’assoupir. Il était plus de 4h du matin, est-ce qu’elle dormait, elle ? Probablement, qui ne dormait pas à cette heure-ci ? Était-elle bien rentrée ? Seule ? Qu’est-ce qu’elle avait pensé de la soirée ? Est-ce qu’elle allait bientôt lui reparler ?
Il aurait tellement aimé la voire, pas forcément passer du temps avec elle, mais au moins l’avoir pleinement dans son champs de vision pour l’observer sans qu’elle ne s’en rende compte. Voir comment elle était habillée, maquillée, coiffée. Si elle était heureuse, ou non. Il avait gagné cette faculté de percer son masque pour capter les émotions qu’elle s’efforçait de camoufler.
Des trucs bêtes. Quand elle était vexée. Quand elle mentait. Quand elle ne se sentait pas bien. Quand elle était en colère. Triste. Et surtout, quand elle était heureuse.
Vous vous êtes déjà arrêté de vivre plusieurs minutes simplement pour contempler la personne que vous aimiez, quand cette dernière est occupée ? Juste pour apprécier un peu plus douloureusement tous les détails qui la définissent ? Ça peut être la manière dont elle baisse les yeux sur le sol, la manière dont elle regarde son interlocuteur/rice. Le moment où elle se frotte le visage, la seconde avant qu’elle ne rigole, et celle d’après, quand son visage redevient sérieux. Puis, quand elle hausse les épaules et secoue la tête de droite à gauche pour répondre à une question. Quand elle sourit. De l’esquisse discrète au coin des lèvres, à l’éclatement sur ses traits tout entier.
Il se roula dans le lit jusqu’à attraper son téléphone sur la table de nuit plus loin. Harry inspira si fort que ce fut la seule chose audible dans la chambre d’hôtel. Il supportait de moins en moins la solitude, et le contraste entre sa vie de chanteur populaire et son manque de vie sentimentale le troublait. Il avait l’impression de passer de tout, à rien. D’être en face de milliers de filles en train de crier son prénom au stade où il était prêt à crier celui d’une seule d’entre elle.
Il déverrouilla son écran en moins d’une seconde, et, connaissant la manipulation par cœur, il arriva dans son répertoire à la lettre B. Bébé. Jamais, il n’avait été prêt à le modifier en un simple ‘June Cooper’, parce qu’en notant enfin ça, il aurait accepté le fait qu’elle soit qu’un énième contact, qu’une connaissance, qu’une étrangère. Il aurait accepté le fait qu’il devait tourner la page et passer à autre chose.
Hésitation.
×××
Le bruit strident de son portable vibrant contre la table de nuit l’a tira brutalement du sommeil dans lequel elle s’était volontiers laissé happer. Elle l’attrapa du bout des doigts, épuisée, et fut surprise d’y découvrir un message qu’elle n’aurait jamais pensé lire maintenant.