Forget me not

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Les rayons du doux soleil de mai éclairaient le salon du 12 Grimauld Square d'une lumière orangée. Dehors, le ciel hésitait encore entre l'été et l'hiver, entre clarté et ombre, comme un reflet parfait de l'état d'esprit de l'homme assis sur le rebord de la fenêtre. Ses yeux verts perdus dans la contemplation des nuages, il profitait pour quelques instants encore du calme de la maison. Une larme solitaire roula doucement le long de sa joue, terminant sa course en une petite flaque salée sur la jointure entre le verre et le bois de la fenêtre. Il se demandait souvent ce qu'elle aurait fait, ce qu'elle serait devenue si elle avait eu le temps de vivre mais certains jours de l'année comme ce jour redouté de mai, il se demandait surtout ce que lui serait devenu si elle avait été à ses côtés. Était-elle fière de lui ? Pouvait-elle le voir ? Bien sûr il l'avait revue à l'aube de la bataille finale mais tant de questions restaient encore sans réponse. Sans qu'il n'y prenne garde, d'autres larmes perlèrent de ses yeux, descendants le long de ses joues laissant des sillons pâles sur sa peau et s'écrasant tantôt sur le bois, tantôt dans le tissu confortable de son pyjama. Il était tellement perdu dans ses pensées que lui qui, depuis des années désormais, vivait, selon la formule d'Alastor Maugrey, dans un état de « vigilance constante », fut surpris lorsqu'une petite main s'empara de ses lunettes avant d'essuyer du bout d'un mouchoir blanc ses larmes. Une fois que les verres correcteurs eurent retrouvé leur place sur le nez de l'homme aux cheveux bruns, il put distinguer la longue chevelure blonde de sa consolatrice. Celle-ci était, ce matin-là, parsemée de myosotis. Il sourit en comprenant l'allusion. Ne m'oubliez pas. Comment auraient-ils pu ? La jeune femme aux yeux clairs grimpa elle aussi sur l'appui de fenêtre, appuyant sa tête sur l'épaule de son ami. « Moi aussi elle me manque tu sais. Elle est fière de toi. » Il lui lança un regard interrogateur et pour seule réponse, elle pointa, au milieu de la pelouse, une branche de lys blanc en fleur. Il sourit, les larmes menaçant de s'échapper une fois de plus. Serrant la jeune fille dans ses bras pour la remercier, il resta silencieux mais, cette fois, au lieu de contempler le ciel, c'était la fragile et délicate fleur qu'il couvait de son regard.

Quelques instants passèrent avant qu'ils n'entendent un pas délicat dans l'escalier. Ses amis, invités pour le week-end, commençaient à se réveiller. Ils tournèrent de concert la tête vers la porte du salon d'où émergea une chevelure brune passablement emmêlée. Un rapide coup d'œil lui fit comprendre que l'état d'esprit de ses amis était proche du sien. Affichant un léger sourire mélancolique, elle s'approcha d'eux et se laissa glisser le long du mur « Il y a des jours où c'est encore plus difficile » commença-t-elle doucement. Elle, elle n'aimait pas la mélancolie silencieuse. Parfois, elle devait même avouer que le silence lui faisait un peu peur. Elle préférait parler, ou raisonner, parce que, lorsque son cerveau tournait à plein régime, le silence lui paraissait un peu moins assourdissant. « Pour moi, ce sont leurs anniversaires et les jours comme celui-ci, Noël, Pâques, on avait l'habitude de les passer en famille. Je me dis que j'ai de la chance, ils sont encore vivants, un jour, peut-être ils me reviendront. Mais tous les matins, et surtout ceux comme aujourd'hui, ils me manquent. Je me pose toujours des centaines de questions. Je me demande s'ils vont bien, ce qu'ils font, où ils sont. Je me demande parfois aussi s'ils ont eu d'autres enfants. Mais surtout, je me demande si, malgré le fait que j'aie oblitéré tout souvenir me concernant, parfois, je leur manque quand même un peu. Et puis je me demande tout simplement s'ils sont heureux. Je sais, ça fait beaucoup de questions mais je ne peux pas m'en empêcher. » La jeune fille blonde se décolla de son ami et commença à jouer délicatement avec les boucles brunes de leur amie. Souriant doucement sous cette caresse, elle se calma quelque peu et le groupe retomba dans le mutisme. Le brun sorti doucement un objet de sa poche. C'était une lettre scellée d'un cachet de cire avec un cœur d'or sur fond rouge. Il la fit tourner dans ses mains un instant. Il aurait tellement voulu qu'elle puisse lire tout ce qu'il lui avait écrit. Avec précautions, il remit la missive dans sa poche, décidant qu'il enterrerait une petite boîte au pied du lys blanc et que, désormais, chaque année, il y déposerait une lettre pour elle. Sa décision prise, un sourire naquit sur ses lèvres.

Le silence fut, une fois encore, rompu par un bruit de pas, cette fois sur le parquet tapissant le sol du hall d'entrée. Un adolescent fit son entrée. Les trois jeunes adultes levèrent la tête vers lui et la brune, un sourire chaleureux aux lèvres, tapotant le sol à côté d'elle d'un air engageant. Comprenant l'invitation, le jeune garçon aux cheveux bleus se laissa lourdement tomber sur le sol de chêne , appuyant sa tête contre le mur. Les deux femmes passèrent leurs bras autour respectivement de sa taille et de ses épaules, lui offrant un câlin de réconfort. Après quelques instants, quand les larmes de l'adolescent se furent taries, il sorti de sa poche trois paquets colorés. A la jeune femme blonde, il tendit celui dont l'emballage bleu pâle était assorti tant à ses yeux qu'aux délicates fleurs entremêlées à sa coiffure. A la jeune femme brune, ce fut le paquet entouré d'un sachet d'un vieux rose particulièrement qu'il offrit. Enfin, dans ses mains, restait un paquet rouge carmin orné d'un délicat G écrit à l'encre d'or. Un air surpris se peignit sur le visage de celle assise à ses côtés tandis qu'un sourire éthéré apparaissait sur les lèvres de son amie. Rougissant quelque peu, détaillant ses chaussures devenues soudain particulièrement intéressantes, l'adolescent prit la parole d'une voix presque inaudible. « Elle me manque et elle me manquera toujours. Je ne l'oublie pas. Mais vous, vous avez toujours été là pour moi, vous vous êtes occupés de moi alors que je n'étais qu'un bébé et vous, à peine des adolescentes. Cela fait 14 ans que vous prenez soin de moi, alors je voulais vous remercier. » Emues aux larmes, les deux adultes se jetèrent dans ses bras puis, essuyant leurs yeux humides, ouvrirent doucement le petit paquet. À l'intérieur, une chaine délicate avec, au bout, un pendentif en forme de cœur gravé d'une simple phrase By choice not by duty, By heart not by blood résumant les sentiments de l'adolescent à l'encontre de trois des femmes les plus importantes de sa vie.

Elle venait tout juste de terminer de s'extasier sur le cadeau de l'aîné des enfants de cette grande famille un peu étrange, accrochant la chaîne à leur cou, quand soudain, avec la délicatesse d'un troupeau de buffle, le reste de la maisonnée, s'éveillant, se lança à l'assaut des escaliers dans l'espoir de déguster un petit déjeuner de celle qui avait été renommée Nanny Molly. Aux côtés d'un homme roux à l'air passablement ensommeillé et de son ami brun pas plus réveillé, une jeune fille aux cheveux de feu sourit tendrement à l'homme aux yeux verts, toujours adossé à la fenêtre. Le troupeau d'enfant ne tint pas un instant de plus et ils se jetèrent tous dans la pièce, se précipitant sur leurs mères respectives en hurlant « JOYEUSE FÊTE DES MERES !!! ». Le sourire aux lèvres face à cette attaque remplie d'amour, Harry et Luna se décollèrent de la fenêtre tandis qu'Hermione, soulevant son fils dans ses bras, se relevait. Teddy quant-à-lui, décida que, quitte à avoir le pyjama plein de poussière puisqu'il était assis par terre, autant ne pas se relever tout de suite et il fondit sur la jeune Rose pour la chatouiller. Neville, l'air un peu plus réveillé éclata de rire devant cette scène matinale bruyante tandis que Ginny câlinait James pour le remercier de l'adorable collier de nouilles colorées qu'elle venait de recevoir. Ron, quant-à-lui, avait l'air passablement ensommeillé et il fallut qu'Harry lui tape l'arrière du crâne, regardant avec insistance Molly Weasley qui venait de faire son apparition dans la pièce pour qu'une lueur de compréhension apparaisse dans son regard et, qu'après une sourire compatissant à son ami, il file embrasser sa mère et lui souhaite une merveilleuse fête des mères.

Harry, quant-à-lui, laissa ses deux iris d'un vert profond se perdre encore une fois dans la contemplation de la douce et fragile fleur blanche, murmurant doucement « Joyeuse fête maman ».


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