Les Achroniques - 2314, tome 1

Nuit

New-Seattle, Quartier A.6, Quartier Général de l'Héxaédron, 4 mai 2314

Le débit rapide de Christale en faveur de la guerre lui avait fait remonter des souvenirs désagréables. Elle détestait surtout remarquer qu'il y avait des trous. Par réflexe elle réarrangea une série de mèches. Puis elle se leva de sa paillasse pour aller voir Acacia. Il devait être minuit à une dizaine de minutes près mais Acacia ne dormait pas.

— C'était nécessaire, la rassura-t-elle.

Acacia releva vers elle un visage ravagé par la tristesse.

— Et si le dosage n'était pas parfait ? demanda l'ancienne.

— Il l'était, tu y veilles trop depuis ...

Elle chercha un moyen de ne pas évoquer la mort de son enfant puis laissa la phrase en suspens. Elle saisit le baluchon et le passa en bandoulière en plus de l'autre. Acacia le remarqua.

— C'est pour plus tard, expliqua la plus jeune. Je pense que je vais devoir passer chez Amarante.

— Elle ne se laissera pas faire.

— On ne sait jamais.

Elle dut se retenir d'esquisser un sourire devant l'omission titanesque qu'elle avait réussi à placer. Acacia ne devait vraiment pas être en forme. Il fallait la distraire.

— Tu veux venir pour le géant ?

L'ancienne grommela mais tendit une main pour être aidée à se relever. Sa cadette l'aida et lui passa sa cape avant de remonter la capuche de la sienne pour cacher ses traits.

Ensemble, elles passèrent la grotte où se trouvait Green, seul pour une fois. La voûte qui donnait sur les couloirs propres à la gare étaient couverts de symboles qui ne pouvaient être vus que par un œil averti mais qui rendait hommage à ceux qui étaient tombés, qu'ils aient été vert ou non.

La marche jusqu'aux appartements blancs fut ralenties par la démarche d'Acacia encore que pour son âge elle se déplaça bien. Enfin, elle arrivèrent dans le couloir. De part et d'autre se dressaient deux portes, face à face. À gauche le plus petit studio était celui de l'albinos, elles entrèrent à droite sans toquer et allumèrent la lumière après s'être assurés que les jumelles n'étaient pas dans des tenues trop légères.

***

Light était présent lui aussi et semblait méditer au pied du lit de Sénestre. Les jumelles sortirent de leur torpeur peu après alors que les vertes s'affairaient auprès d'Éthan, allongés sur l'autre couchage. Il était sur le flanc gauche et faisait face à l'autre lit. Son dos était nu, le tissu synthétique brûlé avait été retiré mais un petit ourlet fondu sur la peau demeurait sur le pourtour de la plaie.

La plus jeune verte posa le baluchon au pied du lit et son aînée passa le bout du doigt sur les bords de la plaie.

— Light, met-le sur le ventre.

— Hein ? s'exclama-t-il en sortant de sa transe à demi-consciente. Tu n'as pas peur de le tourner dans cet état ?

— Mes vieilles mains ne sauraient l'opérer sans être à plat.

— Et C...

— Nous sommes anonymes lorsque nous portons nos capes, grogna Acacia en lançant un regard mauvais au géant qui se levait.

L'autre soupira en remerciant mentalement l'ancienne.

— Acacia est bien meilleure chirurgienne que moi de toute manière. Et puis dans son état il ne sentira pas grand chose, mentit-elle.

Light céda et saisit d'un bras le sommet de épaules de celui qui avait sauvé sa fille adoptive. De l'autre, il saisit ses hanche et le tourna avec soin. Puis il le souleva sous le ventre pour dégager un bras. Il marmonna des excuses en lui tournant lentement la tête pour qu'il puisse respirer sans avoir la nuque brisée. Il dut masser la nuque pour qu'elle se décrispe. Enfin le jeune se mit à inspirer avec hâte puis toussa lourdement projetant une petite tâche de sang sur l'oreiller.

Sans s'émouvoir, Acacia déballa son matériel et se mit à découper l'ourlet alors que son acolyte massait les zones brûlée avec un baume cicatrisant et un analgésique de contact. Le corps sembla presque s'affaisser à mesure qu'il se décontractait.

Elles finirent à peu près en même temps et Acacia laissa en évidence un kit de suture avant d'aller inspecter la tache de sang puis ses yeux. Ils répondaient bien aux stimuli mais le jeune homme dormait profondément. L'ancienne récupéra son nécessaire dès que la plus jeune des deux vertes eut finit de recoudre les bords de la plaie puis elle se retira. Elle était toujours aussi grincheuse mais bien plus détendue.

L'autre donna quelque consigne et produits pour s'assurer que la plaie cicatrise bien puis s'esquiva à son tour.

***

Les quartiers rouges étaient encore actifs malgré l'heure et la verte fit de son mieux pour éviter les plus brutaux du lot. Elle finit par abandonner et contourna plus franchement les quartiers pour arriver par un ancien couloir de service. Sa cape était trempée en bas, passablement envahie par les toiles d'araignée en haut mais au moins elle n'avait pas eu d'altercations avec un guerrier.

Elle arriva devant le grand studio de Mûrier puis se corrigea en pensant "Amarante". Après tout, elle avait été accueillie chez les verts ; soignée et pardonnée après son combat ; appréciée pendant deux ans ... Puis elle avait trahie et étanché sa soif de vengeance dans un bain de sang. Un long soupir se fit entendre dans le couloir silencieux.

La femme en vert finit par entrer après s'être assurée qu'aucun bruit ne sortait de la pièce. Il devait être presque trois heures du matin ; elle allait avoir du mal à restée éveillée le lendemain. Elle alluma une petite lampe électrique qu'elle avait sorti de son petit baluchon. Quelques armes traînaient au sol donc Amarante s'était endormie la première.

En s'approchant du lit elle vit que cette dernière était menottée aux montants du lit. Contre son sein droit, la tête de Lierre ronflait très légèrement. La femme verte inspecta d'abord le corps de la plus jeune, ravie de ne voir que très peu de plaie.

Approchant la lampe de l'autre, elle vit que la plaie avait été nettoyée avec rigueur et recousue avec les moyens du bord. Elle hésita longuement puis se laissa influencée par le sommeil. Elle vida son baluchon sur le bureau puis partit rejoindre son lit.