"OÙ EST-ELLE!"
Je débarquai en furie dans l'enceinte de l'hôpital et brisai un silence bien installé. Les yeux mécontents d'un grand nombre de personne me fixaient rageusement. Sans même leur considérer la moindre importance, je passais devant la file d'attente et entamai moins fort mais tout aussi rageusement :
"- Dites-le-moi! Où est-elle, où est Kira?
-Je vous prierais de bien vouloir attendre votre tour. De plus on ne reçoit aucune visite à cette heure-ci, me succéda la jeune femme à l'accueil dans tout son professionnalisme sur un ton qui avait le don de m'agacer.
-Je vous ais posé une simple question, alors répondez! reprenais-je en envoyant les documents posés là voltiger dans tous les sens."
Sa réponse fut coupée par un médecin qui arrivait d'une porte à deux battants. Il retirait à l'instant ses gants, teintés de rouge foncé aux extrémités des doigts, et son masque d'hygiène bleu turquoise. Il rejoignit la jeune femme :
"-Sa vie n'est plus en danger, l'hémorragie s'est arrêtée. Elle a eu beaucoup de chance. Je ne sais pas comment ses blessures sont arrivés sur son corps, mais celui ou celle qui a fait ça devait vraiment lui en vouloir.
- Bien, j'informe le service de soin qu'elle est sauve, annonça-t-elle en composant un numéro sur son téléphone de bureau"
Après sept ou huit secondes, son interlocuteur décrocha.
"La jeune fille blonde n'est plus en danger, vous prenez le relais en ce qui concerne ses soins. Je vous envoie son dossier et les médicaments nécessaires. Oui, chambre 13, c'est ça."
Puis elle raccrocha et se retourna vers moi, visiblement mécontente.
"Quant à vous, vous pouvez disposer! Personne suivante s'il vous plait, annonça-t-elle directement pour m'empêcher de répliquer."
Mais j'avais bien assez de renseignement pour me rendre ou je voulais. Je lui souhaitais une bonne journée, dans toute mon ironie, et fis semblant de m'éclipser. Lorsqu'elle ne regardait plus dans ma direction, j'empruntais, l'air innocent, le couloir menant aux chambres. J'accélérais le pas, traversais ce dédale, porte après porte, pas après pas. Tout se ressemblait ici, c'était insupportable! Chambre 10, je ne devrais pas être loin, pourquoi je ne la trouvais pas! Chambre 11, ça n'en finissais jamais, que ça cesse, vite! La lumière vive des néons brouillait mes sens, tout me semblait tourner. Chambre 12, qu'étaient cet infini inatteignable? Pourquoi mon but était-il toujours aussi loin, vite, vite, plus vite! Encore! Plus je forçais la marche, plus cette maudite chambre s'éloignais de moi. Reviens! Reste ici! Ne t'enfuis pas! Je vais te rattraper pour de bon, je dois le faire!
Chambre 13 ...
Un frisson me parcourut l'échine lorsque je posai la main sur la poignée glaciale. Je n'avais aucune idée de l'état dans laquelle j'allais la trouver. Je pressai la poignée lentement et mis un pied dans la chambre, puis le deuxième. Je refermai la porte en silence. Comme coupée du monde, la pièce n'émettait que le son répétitif du cardiogramme. Son pouls était stable, le médecin n'avait pas menti. Je me rapproche à pas saccadés du lit sur lequel elle était allongée sous assistance respiratoire. Je tournais la tête de tous côtés et posai les yeux sur les photos de ses blessures, accrochés aux murs : Tout son dos était meurtri de stries profonds, sa chair en lambeaux se mêlait à la quantité astronomique de sang. Ce n'était plus le dos d'une jeune fille mais celui d'un cadavre en décomposition partielle. Une profonde haine devait animer celui qui à fait ça.
A moins que...
Je plissais les yeux et remarqua que les blessures étaient d'autant plus importantes au niveau de ses omoplates, sa peau semblait avoir été charcutée par un grattoir aiguisée. Je m'approchais d'une des photos et la pris entre mes doigts pour l'examiner plus en détail. J'y remarquai des sortes de poils noirs au milieu de cette chair arraché et du sang qui a coulé. Non, ce n'étaient pas des poils, c'étaient des plumes! Son agresseur aurait donc vu ses plumes? Non, ça ne collait pas! Lorsqu'elle arbore ses ailes, aucun humain ne peut la voir, de la même manière que le démon. Il n'y a qu'une seule possibilité : elle s'est infligée ça elle-même. A quel point avait-elle souffert moralement pour s'infliger de telles marques? C'était atroce, ignoble.
Je lassai tomber la photo et revins vers Kira. Je la regardais en silence, comme on regarderait un mort à un enterrement. Je soulevai partiellement ses draps pour dévoiler son bras et lui prendre la main. En le ramenant de quelques centimètres vers moi, une trace rouge tâchait tout le matelas, une trace rouge dégradée qui s'assombrissait en dessous de ses omoplates. Au même moment, le cardiogramme s'emballa, les "bip" strident résonnaient dans ma tête comme un glas de fin, sa fin.
Paniqué, je reculai d'un bond, les yeux grands ouverts à me les exorbités. J'ouvris mes paumes et les amenai à mon visage. En les voyants, je m'arrêtai... La solution, elle était là, devant mes yeux, en moi! Je serrais un poing et pose mon autre main sur le ventre de Kira. Je fermai les yeux et me concentrais.
"La nuit, tu me domine, tu es plus fort que moi... Mais le jour tu n'es rien, tu n'es personne! Je te domine en présence du soleil, tu es à ma merci!" pensais-je en parlant au démon, si tant est qu'il pouvait m'entendre.
Je ressentais une énergie dont je ne saurais expliquer la provenance quitter mon corps et s'accaparer celui de Kira. Au fur et à mesure, le cardiogramme reprenait de son rythme normal, le sang de ses plaies s'arrêtait de couler, sa respiration repris son cours.
Toutefois, je sentais mes forces s'évaporer au rythme de cette énergie. Je sentais mon esprit partir, mes jambes trembler, mon souffle se briser.
Un bruit de porte qui s'ouvre...
Une voix féminine...
Elle m'appelle...
"Kay!"...
Une chute...
Du noir...
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Déchus
ParanormalL'ennui ... voilà ce qui rythme la vie monotone de Kay, un lycéen de 19 ans qui vit seul dans une maisonnette miteuse. Il a toujours eu des difficultés à s'exprimer avec les autres, paraissant arrogant sans le vouloir envers les personnes qui vienne...