Hide In The Dark Room [Terraink]

3.

"Allez, debout !! Allez !!"

J'ouvre les yeux, le lit sur lequel je me trouve bouge dans tous les sens. La lumière se répand dans la pièce lorsque mon acolyte tire les rideaux. Je m'assoie et me frotte les yeux, ayant du mal à  sortir des bras de Morphée. 

"On se réveille, Damien !
  - ... Il est quelle heure..?
  - Dix heure et demie ! Je suis déjà lavé, à ton tour ! Comme ça, après, on peut sortir et aller manger à la planque !"

Je baille et soupire. Décidément, je ne sais pas comment il fait pour être de bonne humeur comme cela. Il farfouille dans les placards et en sort une serviette. Il me la jette et quitte la chambre.

"Je vais préparer des sandwichs pendant que tu te laves !"

Je l'entend dévaler les escaliers rapidement. Je me lève et m'étire, regardant autour de moi. Cette chambre, je ne la connais que trop bien. Des photos sont accrochées sur le mur avec de nombreux posters. Sur le bureau, il y a une plante qui n'a pas été arrosée depuis quelque jours, je présume. Il n'est pas très doué pour s'occuper des plantes, si je n'étais pas là, elles seraient probablement toutes desséchées. Malgré tous mes efforts, beaucoup ont succombé à la négligence de mon ami. Je me dirige vers cette azalée, elle est déjà bien fleurie. 

"Eh bien, on dirait que ton propriétaire t'a encore oubliée, toi."

Je l'arrose avec le reste de ma bouteille d'eau. C'est drôle , il adore les plantes, pourtant, il oublie souvent de s'en occuper. Lorsqu'elles meurent, il en fait tout une histoire, je l'ai déjà vu pleurer pour une des ses plantes qui avait fané. Je soupire. Il m'avait promis de s'occuper de celle-ci lorsque je la lui ai offerte.
Je jette ma petite bouteille d'eau dans la corbeille.  En me baissant, je vois une pièce sur le sol. Je la prend. En me redressant, je la mets dans le bocal étiqueté " Trip with Damien. We cross our fingers". Thomas et moi faisons quelques économies pour partir en voyage ensemble, lorsque nous aurons notre permis.

Je prend de quoi me changer dans mon sac et sort de la chambre. La salle de bain est au bout du couloir, j'avance. Quelqu'un monte à l'étage. Je me retourne et vois Sandra. Elle me sourit timidement, les joues rosies. Je lui souris également, espérant ne pas avoir la dégaine d'un zombie. Elle entre dans sa chambre en regardant le sol. J'ai toujours l'impression de l'intimider, pourtant je ne suis pas méchant. Je souris en haussant les épaules et entre dans la salle de bain, puis dans la douche après avoir retiré mes vêtements. Je fais couler l'eau. C'est si agréable de la sentir ruisseler sur mon torse et dans mon dos de si bon matin. Je regarde autour de moi, je vais emprunter le gel douche de Thomas. Je l'attrape. Je l'aime bien, malgré sa senteur plutôt féminine de jasmin.  
Quelqu'un toque à la porte. 

"Damien, tu veux combien de sandwichs ? 
 - Quoi ?
 - Tu en veux combien ? 
 - Vas-y, entre, j'entends rien !"

La porte s'ouvre doucement, il entre et la referme derrière lui.

"Je disais : Tu veux combien de sandwich ? 
 - Trois, ça devrait le faire ! 
 - Ok nice ! Et je mets quoi dedans ? 
 - J'te fais confiance là-dessus ! 
 - Ok !"

Il se prépare à sortir. 

"Thomas, je t'ai emprunté ton gel douche !
  - Ouais comme d'hab, quoi ! Façon, prends ce que tu veux !
  - Merci ! T'es gentil !
  - Oh, si tu savais !"

Il referme la porte et retourne en cuisine. Je me dépêche de me laver puis je sors de la douche. Je m'essuie et m'habille en vitesse. J'attrape ma brosse à dent. Ses parents ont fini par m'en acheter une à force de me voir traîner ici. 
Une fois prêt, je descends les marches et rejoint Thomas. Il m'attend devant la porte. J'enfile mes chaussures, que j'avais laissées devant la porte d'entrée. 

"T'es prêt ?
 - Ouaip !"

Il prend le sac à dos et m'en donne un deuxième. 

"Comme t'es grand, c'est toi qui prend celui avec les boissons !
  - Le plus lourd quoi !
 - Ouais, tu me dois bien ça, c'est moi qui ai tout préparé !"

Il ouvre la porte et me laisse passer. Je sors. Il prévient ses parents de notre départ et me rejoint dehors. 
Nous marchons tranquillement dans son village, empruntant des petits chemins nous permettant de le quitter au plus vite. Nous voilà perdus en pleine campagne au milieu de nul part.
Thomas marche devant moi, ses bouclettes brunes virevoltent avec la brise d'air frais qui souffle sur la plaine. Il sautille comme un enfant.

"J'ai volé des bières pour toi ! 
  - T'es sérieux ? Fallait pas ! 
  - T'inquiète, ils verront rien, j'en ai chopé que deux !
 - Une chacun !
  - Nan, moi, je bois pas.
  - Allez une, pour m'accompagner !
  - J'ai pas l'âge de boire, tête de con !
  - Bah moi non plus, en plus je suis plus jeune que toi !
  - Mais toi, t'es un délinquant ! Seize ans, et déjà être un voyou c'est chaud ! 
  - Tu sais ce qu'il te dit le voyou ?
  - Je pense savoir !"

Il me bouscule doucement et continue d'avancer son appareil photo autour du cou. Lorsqu'il voit un beau paysage, il ne peut pas s'empêcher de le prendre en photo. Il en a des tonnes dans des cartons qu'il regarde parfois lorsqu'il se sent seul. Ses préférées décorent les murs de sa chambre. Il m'en a déjà donné pas mal, je les ai également fixées au mur. 

Nous arrivons devant une petite cabane en brique au milieu de rien. Personne ne vient jamais ici. Tout n'est qu'un tas d'ordures pour eux. Des carcasses de voiture, des vieux jouets cassés, des vieux objets rouillés. Nous, ça nous amuse de déambuler au milieu de tout ça. De chercher une histoire à toutes ces choses. Parfois, les gens jettent des objets qui fonctionnent encore ou pourraient encore le faire. Alors je m'amuse à les réparer pendant que Thomas prend des photos. Il nous arrive de nettoyer certaines choses et de les ramener chez nous sous les regards ennuyés et désapprobateurs de nos parents.

Nous entrons dans la petite cabane. Thomas se jette dans le vieux fauteuil que nous avons installé dans un coin de la pièce. Il soupire et s'allonge. Je pose mon sac dans un coin, je me dirige vers lui, soulève ses jambes et m'assoie à ses côtés. Il replace ses jambes au dessus des miennes. 
Je sors un briquet et mon paquet de cigarettes de ma poche. J'en propose une à Thomas par politesse. Il refuse comme à chaque fois. Il me dit pour blaguer "qu'il vaut toujours mieux que ça". Je soupire en souriant et allume mon bâtonnet de nicotine. 

"Tu veux pas arrêter de fumer une bonne fois pour toute ?
  - Je sais pas.
  - Tu le ferais pour moi ?
  - Peut-être ! Mais j'ai quoi en échange ?
  - Mon amitié pour la vie !
  - Alors j'y réfléchirais !"

Il me sourit, l'air vainqueur. Il sort son téléphone pour mettre un peu de musique de fond.

"Tu penses qu'on pourra bientôt partir ? 
  - Je sais pas ! Sûrement. Déjà, cet été, on peut toujours demander à nos parents pour partir seul en vacances. On prendra le train vu qu'on a pas le permis. 
 - Ouais... En tout cas, mon bocal se rempli !
 - J'ai vu ça ce matin, t'avais fait tomber une pièce sur le sol, je l'ai remise dans le bocal. J'ai vraiment hâte de me casser. 
 - Pareil."

On a tellement hâte de voyager, Thomas et moi. On ne parle que de ça. On veut se sentir libre, pouvoir enfin vivre. Au début, c'est moi qui ai parlé de ça, mais j'ai vite vu Thomas s'investir à fond dans cette idée de voyage entre potes. J'étais hyper heureux de voir que je n'étais pas seul à en avoir marre de vivre ma vie sous la tutelle des autres. Je veux pouvoir faire ce que je veux, être enfin mon propre maître. Maître de ce que je suis, de ce que je veux faire. 
Je n'ai pas beaucoup d'amis, et parmi ceux que j'ai, rares sont ceux qui pensent comme moi. Mais Thomas, il est différent d'eux. Thomas ne me juge pas, il est drôle, gentil, intelligent. Thomas me permet de souffler, de prendre du recul, de retomber en enfance. C'est mon meilleur pote, depuis peu, mais mon meilleur pote pour toujours. Jamais je ne veux le perdre. 
Je sais qu'il me suivra dans mes délires, dans mes idées folles.

"Thom ?
 - Ouaip, c'est moi !
 - Tu me suivras toujours dans mes délires ? 
 - Bah ouais ! 
  - Et même si je fais une connerie ?
  - Ouaip ! Partner in crime bro !
 - Partner in crime mec !"

Il me tend la main avec un petit sourire, je la serre, confiant. 
Thomas et moi sommes potes, et pour toujours.