Chapitre 29 - Mystérieuse disparition

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Hugot avançait dans le couloir d'un pas décidé, ses semelles claquant sur le marbre dur et froid. Il avait toujours été un garçon sage et timide, peureux... Mais les choses allaient changés. S'il gardait et garderait toujours son grand cœur, il mettait de côté pour l'instant sa peur, sa timidité et sa sagesse. Ses parents avaient toujours été fiers de leur fils, ce garçon modèle, intelligent, même s'ils ne manquaient une occasion de faire remarquer à Hugot son manque de courage. Il marchait pourtant toujours, ce soir-là, le visage fermé, impassible, serrant les poings et s'apprêtant à violer pour la première fois de sa vie le règlement. Il conservait son masque de timidité, mais, au fond, il sentait la bravoure enfler dans sa poitrine, accompagnée d'un profond sentiment de révolte, une soif de vengeance et de justice.

Il avait rapidement deviné que Céleste leur cachait quelque chose. Elle avait la tête ailleurs, et le plis soucieux sur son front n'avait pas échappé à son ami. Et le jeune garçon savait ce que signifiait porter seul sur ses épaules le poids d'un secret. Car si la jeune fille le leur avait conté, lui ne disait jamais ce qui pesait sur son cœur.

Hugot arriva dans le hall d'entrée et poursuivit son chemin en s'engageant dans le bâtiment est. Il gravit l'escalier et déboucha dans le couloir du quatrième étage. Fort heureusement, il était désert, aussi le garçon put-il pénétrer dans l'escalier de bois réservé au personnel de l'établissement sans être vu.

Il bénit intérieurement leur formation de Gymnastique Magique en Terrain Réel qui lui permit de gravir les marches une à une sans que le bois n'émette le moindre grincement. Enfin, après une ascension qui lui sembla interminable, Hugot franchit le seuil d'une porte de bois vernie, sur laquelle une plaque d'or indiquait : « Appartements de l'Intendant ». Le jeune Archiviste se mordit la lèvre, retenant un cri de fureur lorsque ses pensées dérivèrent vers Maître Ovicham. Il refoula les larmes qui envahissaient ses yeux et menaçaient de couler, se décidant à mettre ses sentiments de côté le temps d'effectuer la tâche qu'il s'était lui-même attribuée.

Il traversa donc le bureau qui s'étendait devant lui et ouvrit la seconde porte se découpant sur le mur de droite. Derrière celle-ci se trouvait un luxueux salon, un feu crépitait doucement dans la cheminée, mais la pièce était déserte. C'est alors que des voix se firent entendre, provenant de la pièce qu'il venait de quitter. Le corps tremblant, Hugot s'accroupit derrière le buffet, priant pour qu'on ne le remarque pas.

Un homme et une femme entrèrent alors dans la pièce. L'un possédait des cheveux grisonnants, des yeux sombres et cernés, il était vêtu d'une toge dorée, et le jeune homme le reconnut comme étant l'Intendant, Maître Ovicham. La femme possédait des cheveux blonds et des yeux gris, perçants, effrayants, une lueur folle dans le regard. Folle, mais décidée. Ils étaient visiblement plongés dans une discutions importante.

— ... excellent, disait la femme. Vraiment excellent. Les tests sont positifs, mais il nous faudrait effectuer plus de prélèvement si nous voulons y parvenir. Car nous ne sommes tout de même pas encore sûrs du résultat...

Hugot se consumait sous le coup de la fureur. Une fureur terrible, meurtrière, qui lui rongeait le cœur. Il ferma les yeux un court instant, bercé par la voix de cet homme qu'il détestait tant. Il revit l'éclair de douleur qui l'avait traversé, le visage de l'Intendant, ce visage cruel, et ce sentiment, un sentiment plus fort encore que la colère, un sentiment qui avait rendu Hugot fou, qui lui avait donné une envie de meurtre. Au fil du temps, il avait appris à le maîtriser, il avait appris qu'il était possible de vivre en ignorant la douleur, mais la blessure était si récente qu'il la sentait encore à vif.

— Mmm... fit Ovicham. C'est... Bien. Mais c'est insuffisant, Madame, totalement insuffisant.

Sa voix était lente, son ton las. Ses paroles firent disparaître le sourire de la jeune femme, qui arborait désormais un air dépité. Hugot fronça les sourcils, en oubliant presque la présence de l'Intendant. Le visage du personnage féminin lui procurait une intense impression de déjà vu, mais il avait beau se creuser la mémoire, le garçon ne parvenait à se souvenir du lieu où il avait bien put l'apercevoir auparavant. Il en était pourtant sûr ! Ces yeux, ce regard, ce visage... Il les connaissait, c'en devenait une évidence. Il reporta son attention sur leur discussion lorsqu'ils reprirent la parole :

— Mais, voyons, bredouillait la blonde, nous faisons tout ce que nous pouvons...

— Et bien vous pouvez peu, ma très chère madame, reprit le second avec un geste dédaigneux. Pour moi ce n'est pas suffisant.

— À mon avis...

— Seul mon avis compte. Et si vous continuez à vous montrer aussi incapable à l'avenir, notre marché sera rompu. Ai-je été suffisamment claire ?

La femme acquiesça gravement, et suivit son supérieur hors de la pièce. Resté seul, Hugot était de plus en plus perplexe. Il ne parvenait à saisir le sens de ces paroles. Qu'est-ce que cela signifiait ? Ils avaient parlé d'un marché... Mais de quelle sorte de marché s'agissait-il ?

Il quitta les appartements de Maître Ovicham en silence, plongé dans de profondes réflexions. Mais si profondes qu'il ne remarqua pas l'Intendant, qui l'attendait à la porte.

Hugot poussa un hurlement tandis qu'il sombrait dans les ténèbres...

***

Céleste se dirigeait d'un pas vif vers le bâtiment ouest. Comment avait-elle pu dormir si longtemps ? Elle n'avait pas entendu la cloche sonner le réveil, trop épuisée par la mission de la veille, où elle avait continuer à éviter la maison d'Arthur. Elle en avait même manqué les premières cessions de formation et le petit-déjeuner.

La jeune fille pénétra prestement dans la salle de cours où les élèves s'installaient en bavardant gaiment.

Le cours d'Histoire fut aussi long et ennuyeux que d'habitude, mais la jeune fille n'eut tout de même aucun mal à remarquer l'absence inhabituelle d'Hugot. Elle fronça les sourcils en se promettant d'aller le trouver lors de la pause méridienne. Peut-être était-il simplement malade...

Mais après un fameux déjeuner, la jeune fille et ses amis eurent beau passer les Archives au peigne fin, le garçon demeurait toujours introuvable. Ils se décidèrent donc tous à se rendre dans le bureau de leur superviseur principale afin de lui faire part de leurs inquiétudes. Mais lorsqu'ils arrivèrent dans le couloir du quatrième étage du bâtiment est, ils demeurèrent dépités devant la porte close du bureau, désespérés et ne sachant vers qui se tourner étant donné l'absence de Mme. Loriana. Alors qu'ils allaient retourner vaquer à leurs occupations, bien qu'ils soient rongés par l'inquiétude de ne point trouver leur ami, Mme. Séliary, leur mystérieuse inspectrice générale, arriva. Elle les dévisagea un à un, s'arrêtant longuement sur Céleste, avant qu'un sourire éclatant n'illumine son visage.

Ah ouais ? Tu crois nous avoir avec ton petit air mielleux ? Mais ça marche pas comme ça, ma vieille, pas avec nous. Je ne sais pas comment tu as pu apprendre tant de chose sur ma famille avant moi-même, mais je le découvrirai sans tarder, et alors tu pourras bien...

— Ah ! s'exclama-t-elle, coupant court Céleste dans ses macabres ruminations. Allez-vous bien ?

La femme sembla alors remarquer leurs airs égarés et inquiets, car son sourire déserta son visage.

— Qu'y a-t-il ?

Les quatre jeunes gens échangèrent un regard méfiant. Pouvaient-ils faire confiance à cette femme si mystérieuse ?

Non non non ! voulut leur intimer silencieusement Céleste.

Mais après tout, se dirent les autres, la disparition d'Hugot ne passerait pas longtemps inaperçue.

— Notre ami Hugot a disparu, se lança Roméo. Nous ne l'avons pas vu depuis hier soir.

— Voilà qui est fâcheux, fit Mme. Séliary.

Mais sa feinte empathie ne dupa personne.

— Vous n'avez vraiment aucune idée de l'endroit où il peut se trouver ? insista Lætitia.

— Pas la moins du monde. Mais vous ne devriez pas vous inquiéter...

— Ne pas nous inquiéter ? s'étrangla Amælie. Notre camarade vient de disparaître sans laisser de traces et vous nous dîtes de ne pas nous inquiétez ?!

— Écoutez, à mon avis, il n'y a pas lieu de paniquer. Si nous ne possédons aucune piste, la seule chose que nous puissions faire est d'attendre. Et si nous laissons la panique s'emparer de nous, alors nous sommes perdus. C'est d'accord ?

Le quatuor acquiesça en silence, brisé par ces paroles plus qu'inquiétantes.

Le syndrome des cœurs de pierre I - PupilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant