4.

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Les souvenirs du passé reviennent sans cesse. Et c'est comme ça, un point c'est tout.
La lenteur de cette semaine fût un supplice. Damien semblait avoir perdu toute lueur d'espoir. Thomas ne voulait plus le voir, lui parler. Et même si c'était déjà le cas depuis un moment, lorsque le bouclé lui avait jeté ces mots dans la face, cela avait éteint la petite lueur optimiste qui brillait dans le cœur du grand.
Il avait passé tant de temps avec le bouclé, avait passé tant de temps blotti dans ses bras. Cette chaleur lui manquait. Plus rien n'était pareil. Avec Sandra, rien n'était aussi doux, aussi plaisant qu'avec Thomas. Mais Damien était profondément amoureux de Sandra, et cette dernière l'aimait de tout son cœur. Au début, tout était beau, tout était rose. Elle était drôle, ravissante, elle rayonnait. Jamais il ne l'avait vu comme cela. Cependant, au fil des mois, elle semblait perdre sa lueur. Damien la voyait s'assombrir. Des nuages cachaient désormais ce joli soleil. Mais Sandra ne perdait pas sa lueur, c'est Damien qui perdait la sienne. Damien était l'étoile qui s'éteignait peu à peu, toujours visible mais détruite. La jeune femme était toujours heureuse, bien qu'elle se remettait de plus en plus en question, et son petit ami portait ce lourd fardeau sur ses épaules. Il avait réussi à se persuader que tout était de sa faute. Il se sentait nocif. Pour lui même et pour les autres. Et pourtant, Dieu sait qu'avant il n'avait jamais ressenti ça. Son meilleur ami ne ternissait pas à ses yeux, il brillait chaque jour un peu plus. Chacun de ses sourires valait tout l'or du monde, mais tout l'or du monde ce n'était probablement pas assez.

Il se demandait s'il avait bien fait. Damien l'avait trahi, certes, mais il n'était pas non plus un ange. Lorsque son meilleur ami s'était épris d'amour pour sa sœur, Thomas s'était senti remplacé. Il avait l'impression de sentir son cœur se briser en mille morceaux. Il savait ce que tout cela impliquerait, et malgré tout les efforts qu'avait fait Damien, le drame n'avait pas été évité.
Il donnerait tout pour remonter le temps, revenir au temps où tout allait bien. Au temps où ils s'amusaient comme des fous, sans jamais se lasser de la présence des autres. Ou tout simplement, avant que sa sœur ne se retrouve complètement folle du plus grand. Comment aurait-il pu empêcher cela ? Il avait des pistes, mais finalement le destin s'est peut-être accompli ce jour là. Le jour où leur amitié avait pris fin.

Il se lève, soupire. Le week-end, enfin. Il aime et déteste le week-end. Pendant ces deux jours, il ne voit pas sa sœur, cependant savoir où elle se trouve lui donne la nausée. Il ne préfère même pas y penser. D'ailleurs, elle doit déjà être partie. Il se dirige vers son bureau tout en s'étirant. Il se laisse tomber dans la chaise et allume son ordinateur. Son regard dérive sur la plante qui siège sur ce bureau depuis un moment déjà. Elle est sur le point de faner. Il oublie souvent de s'en occuper, personne n'est là pour lui rappeler à présent. Il prend sa bouteille d'eau et vide le contenu dans la plante. Comment faire pour la sauver ? Il y tient à cette plante malgré tout. Il ne doit pas lui faire subir les conséquences des erreurs qu'a commis celui qui l'a acheté.
Il s'appuie sur ses coudes, regarde par la fenêtre en soupirant. Et même s'il y a un soleil rayonnant dehors, dans le crâne de Thomas, c'est l'avalanche, la tornade, le tsunami. Il se lève, se dirige vers sa commode et cherche quelque chose dans le fond d'un tiroir. Il sort un paquet de cigarette et un briquet. Il s'avance vers la fenêtre et allume son bâtonnet de nicotine. Il s'était promis de ne plus fumer, mais qu'importe. Les promesses sont faites pour être brisées, d'après son expérience.
Une fois fini, il prend ses affaires et sors de la chambre. Il entend des pas. Son cœur semble s'arrêter subitement lorsqu'il voit Damien monter les marches. Ses pieds sont cloués au sol, il ne peut plus avancer. Le grand lève ses yeux azurs vers le bouclé. Damien le regarde, finit de monter les marches et s'arrête devant lui. Aucun des deux ne sait comment agir. Ils restent là, debout, se fixant. Même si les garçons se voient tous les jours, se voir ici chez les Itturalde semble les déstabiliser. Il s'est passé tellement de choses dans cette maison, tout ces souvenirs semblent leur revenir en mémoire une fois de plus.

Le grand entrouvre la bouche pour dire quelque chose, mais il s'arrête brusquement en entendant Sandra monter les escaliers. La jeune femme s'avance vers eux mais n'a pas le temps de prononcer un mot, Thomas s'est déjà enfui dans la salle de bain.

Le bouclé avait réussi à courir et à s'enfermer loin des deux autres. Son cœur bat à la chamade alors qu'il y a quelques instant il semblait s'être arrêté, tout comme le temps. Pourquoi étaient-ils là tous les deux ? Ils ne viennent jamais ici d'habitude.


Mes parents ont dû s'absenter aujourd'hui, ils ne voulaient pas nous laisser seuls Sandra et moi. Personnellement, ça m'était égal mais Sandra a insisté pour que l'on se voit quand même, malgré ma proposition de se voir le week-end suivant. Du coup je me retrouve à faire mon sac à dos pour passer le week-end chez elle.
J'entend mon père crier mon nom. Je me dépêche de descendre les escaliers et de le rejoindre. Il m'emmène chez les Itturalde avant de partir.
Je monte dans la voiture. Je me demande si Thomas va oser sortir de sa chambre. Sandra ne l'a peut-être pas mis au courant après tout. Je l'imagine mal aller le voir pour lui annoncer ça.
Je suis tellement angoissé à l'idée de passer deux jours là-bas. Avant j'adorais y aller, j'étais tellement impatient... Mais maintenant, c'est plus un supplice qu'autre chose.

Mon père me dépose devant la maison et repart aussitôt. Je toque. Sandra m'ouvre immédiatement et m'invite à entrer. Elle me dit que ses parents ne sont pas encore là et que Thomas doit encore dormir. Elle m'invite à monter dans la chambre pendant qu'elle prépare de quoi manger. Elle s'éclipse dans la cuisine me laissant dans l'entrée. Rien n'a changé depuis la dernière fois. Les cadres sont toujours là, le hall est identique à celui que j'ai connu. Je me dirige vers le salon, ici non plus rien ne semble avoir bougé. À ma grande surprise, sur le buffet, il y a encore une photo de Thomas et moi. Sandra doit vraiment avoir envie de la brûler ou de faire tomber le cadre "par accident", surtout que celui-ci est au bord du meuble. Je soupire en souriant et me dirige vers les escaliers. Je monte les marches doucement, je me traîne. Ma motivation est absente et j'espère que Sandra n'a rien remarqué. Je lève la tête, alerté par un petit bruit. Un hoquet de surprise. Je tombe nez à nez avec Thomas. Il me fixe, semble tétanisé. Je monte les marches sans détourner le regard, je me retrouve face à lui. Ses joues sont rosies, ses cheveux en bataille. Il a dans les mains un de mes vieux t-shirt oublié ici il y a longtemps et un de ses jeans préférés.
J'ai tellement envie de le prendre dans mes bras, même de lui parler. Je ne suis pas sûr qu'il veuille avoir une discussion avec moi, mais je vais tenter le tout pour le tout. Je prend une grande inspiration et sépare mes lèvres. Malheureusement, j'entends Sandra monter les escaliers. Aucun son ne veut sortir de ma bouche désormais. Elle avance à côté de nous et me regarde les bras croisés.
J'entend des bruits de pas et au moment où je me retourne, Thomas a disparu.

"... Je peux savoir ce que vous étiez en train de faire ?
- Rien du tout. On a rien fait.
- Mais bien sûr.
- Sandra, me saoules pas s'il te plait.
- Tu sais que je n'aime pas vous voir ensemble."

Je soupire et entre dans la chambre sans lui répondre. Je pose mon sac dans un coin, je l'entends s'approcher.

"Damien..?
- Quoi ?
- Tu sais pourquoi j'aime pas te voir avec Thomas ?
- Oui et non.
- Parce que tu étais plus proche de lui que tu ne l'es avec moi. Et je sais qu'entre vous il s'est passé quelque chose."

Je la regarde bouche bée.

"Je ne veux pas que vous vous parliez. Je ne veux pas que tu me quittes pour Thomas !
- Thomas veut plus me parler. Je pense qu'il n'y a aucun risque."

Elle se jette dans mes bras. Je la serre contre mon torse mais je ne sens rien. Rien.

Hide In The Dark Room [Terraink]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant