Je repense à mon année de seconde que je viens de passer.
Je repense à mes choix.
Je repense à tous ces gens qui voulaient devenir mes amis.
Je repense à tous ces gens dont je me suis volontairement éloignée.
Je repense à ma prise de conscience.
Je repense... A mon jeune frère. Mon si jeune frère... Combattant, fort, endormi. A la fois vivant, à la fois mort.
J'y repense...
L'obscurité de mes paupières précédemment closes laisse place à une lumière aveuglante. J'entends la mer, elle est agitée.
Je referme les yeux, sûrement mal réveillée.
J'entends des cris,
Le vent,
Des enfants.
La lumière est juste au-dessus de moi. Le soleil me fait face. Cette étoile m'ébloui.
Soleil... Au-dessus... MIDI ?!?
Je me redresse précipitamment, mes cheveux châtains m'envoient du sable sur le visage, je m'essuie, observe le monde qui m'entoure : des fleurs, des plantes, des queues-de-lièvres, d'habituelles hautes herbes. A cette hauteur, je me sens inaccessible, cachée, en sécurité, dissimulée, amusée. Je me lève doucement en caressant quelques plantes, fleurs, plus qu'attirantes.
Il est midi.
La plage est maintenant remplie. Les enfants occupent une grande partie de cet espace sablé. Je prends un temps pour tous les regarder, pour secouer mes vêtements remplis de sable et pour vérifier les appels en absence sur mon téléphone.Mon père...
Il est plus...Coincé, réservé voir sur-protecteur que ma mère. Elle, voudrait me voir sortir, avoir des amis, passer mes journées dehors... Mon père, tout l'inverse. Je crois qu'il aimerait m'enfermer... ça fait peur.
Finis de rêvasser. J'envoie un message à mon père pour dire que je rentre et commence à redescendre de la petite bute où j'étais cachée, comme une enfant.
Je cours, sautille, pour aller plus vite. Je jette un rapide coup d'œil vers la mer dont je me rapproche et m'arrête nette.
Quelques-unes de mes mèches de cheveux passent devant mes yeux immobiles.Dans un coin isolé, près d'énormes rochers où aiment jouer les enfants, une jeune femme est là, debout, les cheveux brun dans le vent, le dos droit, la tête haute, face à la mer mouvementée, agitée, occupée. Elle est silencieuse, seule. Son dos me fais face. Elle a un pantalon blanc, un débardeur jaune pastel, quelques bracelets et probablement un collier, une chaîne.
Je ne sais pourquoi... Mais la perfection de son corps m'attire, m'hypnotise, m'éblouie. Sa taille est fine, ses jambes grandes, ses bras bronzés. Ses formes au niveau de la poitrine, des cuisses et des fessiers sont parfaites tout comme sa taille.Je reste là, dix mètres derrière elle, mon regard noisette plongé dans son dos parfaitement sculpté, ses cheveux si longs et si resplendissants. C'est quand je vois des personnes qui, même de dos, sont des perfections que je me rend compte à quel point je suis ordinaire.
Elle est belle. Elle est grande. Elle attire les regards.Moi, je suis si fine qu'une brise m'emporte...
Je complexe non seulement de mon visage mais de mon corps tout entier ! Quand j'avais quatorze ans, des vergetures ont fait leurs apparitions sur mes fesses et mes cuisses, maintenant elles se voient moins, mais c'est le genre de choses que je ne pourrais jamais montrer. Finis les expositions en bikini comme toutes les femmes de XXIe siècle !
Et puis d'abord, je n'ai jamais compris le principe d'autant se dénuder pour se baigner. Surtout les filles quoi ! Pourquoi les garçons ne se couvrent pas les pectoraux aussi ?En la regardant j'oublie l'heure tardive qui m'a forcée à descendre de ma cachette. J'allais partir mais elle se retourne soudainement vers moi, elle me regarde.
Je m'immobilise de nouveau.
Si ça n'avait pas été quelqu'un avec une conscience et si on ne risquait pas de me prendre pour une dangereuse psychopathe, je l'aurais prise en photo.
Ses yeux azurs pénètre mon cœur, sa bouche rose, entre-ouverte, laisse voir ses dents blanches et légèrement mal alignées, ses joues regroupent quelques légères tâches de rousseurs, ses boucles noires dansent autour de son visage, figé. Elle me regarde, sans aucunes expressions excepté la surprise.Je me rend compte de ce combat de regard insensé, baisse les yeux, fait semblant de chercher quelque chose dans mon sac et part en direction de la villa qui nous sert d'abris.
J'ai enfin trouvé mon inspiration.
Une beauté sans nom, des yeux d'une force inconnue, une bouche....
Je rentre chez moi, au pas de course, déboule dans la maison non sans précipitation, ignore ma famille déjà à table, pars dans ma chambre en criant :
"Oui tout va bien ! Non j'ai pas faim ! J'ai quelque chose à faire maintenant, à tout' !"
Et claque ma porte.
Là, je m'assoie à mon bureau, trop concentrée pour remarquer quoi que ce soit, sors un crayon, mon carnet, une gomme et commence à reproduire ce que j'ai vus.Je ne sais pas comment l'exprimer avec des mots, mais c'est comme si elle m'avait forcé à m'arrêter. Je ne pouvais ni bouger, ni parler. Son regard m'avait traversé, il m'avait inspiré. Ca aurait été une insulte de passer simplement sans regarder. Cette femme, cette scène ressemblait à une peinture de Johannes Vermeer.
Un océan régnait dans ses yeux.
Des fruits rouges ornaient forcément sa bouche.
La nuit avait prit possession de sa chevelure,
Et le soleil de sa peau.
Comment dessiner ça ?? J'adore... Je vois cette beauté humaine comme un défis.
Que faisait-elle face à la mer ? Immobile ? Silencieuse ? Et surtout seule ?? Peu m'importe, j'ai quelque chose de nouveau à dessiner, une inspiration.
Je défais mon habituelle queue de cheval, secoue la tête pour que mes cheveux reprennent leurs positions originel et replonge dans mes pages blanches.Je vois encore son corps se retourner vers moi.
J'imagine ses yeux, leur couleur azur, en boucle dans ma tête.
Quelqu'un toque à ma porte.
Je ne lève pas le nez de mon carnet."Mmh..."
Ma mère entre.
Je ne lui accorde aucuns regards. Je l'entends s'assoupir sur mon lit."Inspirée ?
-Mmh... Très... J'ai rencontré un physique avantageux aussi bien pour la personne que pour mon coup de crayon...
-Un beau jeune homme ?
-Une belle jeune fille.
-A quelle heure es-tu partie ce matin ? me demande-t-elle intriguée après un silence pesant, voire gênant.
-Vers 9h00 je crois... Je voulais profiter de la fraîcheur et du calme de la matinée.
-Et tu reviens à...12h27 précise ?
-Je me suis assoupie.
-Je vois, rigole-t-elle..."Les silences entre ma mère et moi sont les pires. Ce sont les pires parce qu'ils sont aussi rare qu'une éclipse. D'habitude elle a toujours quelque chose à me dire, et quand ce n'est pas le cas, elle ne vient pas me voir directement comme actuellement. Je me retourne donc vers elle, prête à endurer ses possibles futurs reproches, et les regarde. Elle et son sourire.
"J'ai fais quelque chose ?
-Non ! rigole-t-elle de ma réponse et de la situation... Non grand Dieu non... C'est juste que je sais que ce que je vais te dire ne vas pas te plaire...-T'as rien à perdre. Vas-y, répondis-je en me retournant vers ma feuille.
-Comme tu veux... Ce soir, rit-elle en insistant bien sur CE SOIR, il y a une soirée pour adolescents dans la salle polyvalente de la ville."Vous vous souvenez de ce que j'ai dit il y a quelques heures ? Enfin... De ce que j'ai pensé ?
Je ne vais rien pouvoir lui refuser sinon elle va me rappeler mon hibernation sans faille de 303 jours.
Je soupire, fais la moue et reprend mon dessin.
Quel monde cruel.