Chapitre 32 - Lettre noire

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NDA : Bonjour ! J'ai enfin réussi à terminer ce chapitre ! J'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire et il me tient particulièrement à cœur. J'espère donc qu'il vous plaira également et que vous continuerez de lire cette fiction. En tout cas, merci infiniment pour tous vos votes, commentaires et votre soutien qui me donnent le courage de continuer. Merci et... Enjoy !

— Euh... Céleste ?

— Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je suis un peu occupée, Minéa, répliqua Céleste en mordillant distraitement son index.

En face d'elle, Roméo s'impatientait. Cela faisait près de cinq minutes qu'elle fixait le plateau de jeu d'un regard intense qui aurait pu l'embraser. Le garçon était sur le point de remporter la partie d'échecs mais Céleste n'était pas prête à le laisser remporter la victoire. Elle finit par déplacer son fou de trois cases et prit, avec un petit cri de victoire, un cavalier adverse. Mais Roméo haussa un sourcil, un petit sourire espiègle sur le visage, et avança son unique cavalier, qui détrôna le roi de Céleste. Celle-ci lui décocha un regard assassin, rapidement trahi par son sourire. Elle se tourna enfin vers sa Prophète qui lui adressait de grands signes de l'aile.

— Qu'y a-t-il, encore, Minéa ? demanda la jeune Pupille sur un ton excédé.

— Oh ! Céleste est redescendue sur Terre ! Mais à l'avenir, peut-être devrait-elle revoir son sens des priorités ! lâcha la perruche d'un ton cinglant. Je disais donc : Étoile essaie de communiquer !

Céleste baissa les yeux vers le sol et constata que, en effet, la petite Soléria fixait sa maîtresse de ses grands yeux larmoyants et tenait, entre ses mâchoires fermées, un bout de papier. La jeune fille tendit la main et l'attrapa entre ses doigts. Il ne s'agissait pas exactement d'un simple bout de papier, mais d'une lettre. Un éclair vrilla à l'intérieur de ses iris. Un éclair de colère. Ses mains tremblaient tellement qu'elle en lâcha l'objet qui tomba lentement à ses pieds. Aussitôt, Astor, le Prophète faucon pèlerin de Roméo, le saisit entre ses serres.

— Papier à grains, vingt sur quinze centimètres, vieux de trois ans, imbibé de magie stupéfiante, récita-t-il d'un ton atone.

Céleste jeta une œillade interrogatrice à Roméo qui haussa les épaules.

— Astor est très doué en analyse matérielle, expliqua-t-il.

— Tu as bien dit "imbibé de magie" ? demanda Céleste.

— De magie stupéfiante, oui.

— De quoi s'agit-il, Céleste ? interrogea Amælie.

— De la cause de la transformation de ma mère. Sais-tu qui est l'envoyeur, Astor ?

— Mmm... Encre noire... Empreintes... Écriture fine légèrement penchée... Je dirais qu'elle vient de celui que l'on appelle l'Homme Noir.

Céleste s'y attendait, mais elle ne put empêcher la fureur de faire brûler ses veines, la consumant de colère contenue contre celui qui était à l'origine de tous ses malheurs. Et elle allait enfin savoir pourquoi il avait attaqué son premier et grand amour de jeunesse. Elle récupéra la lettre et s'apprêtait à la lire lorsque Winko, l'aigle d'Hugot, l'arrêta.

— Elle est imbibée de magie stupéfiante, comme vient de le dire Astor, et tu risques d'être également statufiée si tu la lis ! fit-il remarquer d'un ton las.

Il n'était pas dans son assiette depuis la disparition d'Hugot, et son plumage d'habitude si soyeux avait viré en une teinte terne. Cela faisait presque deux mois que leur ami avait disparu, et Céleste ne pouvait y penser sans que la douleur ne lui broie la poitrine.

— D'accord... fit-elle en reposant délicatement la lettre sur son lit. D'accord... Mais comment vais-je faire pour pouvoir la lire dans ce cas ? Si je ne découvre pas ce que mon père lui a écrit, je ne saurai probablement jamais pourquoi il l'a métamorphosée.

— Un formateur ou un inspecteur pourra sûrement t'aider, proposa Roméo.

— Hors de question que je la confie à un adulte ! Il ne me la rendra jamais, et je ne veux pas qu'ils découvrent que l'Homme Noir est mon père. Tout cette histoire ne les concerne pas, qu'ils le veuillent ou non.

— Mais que vas-tu faire, dans ce cas ? demanda Amælie. C'est la seule et unique solution !

Céleste réfléchit quelques instants. Cela ne pouvait pas être sa "seule et unique" option. Il y avait forcément une autre issu possible. Seulement, elle devait la trouver, et pour ça, commencer par la chercher. La jeune fille se mit à faire les cent pas de long en large dans sa chambre, effectuant des allés-retours entre son lit et la commode. Elle ne devait pas désespérer, elle allait trouver quelque chose... C'est alors qu'une lumière se fit dans son esprit.

— Non, dit-elle, non ce n'est pas la seule solution. Il y en a une autre. J'avais lu un passage à ce sujet...

Elle saisit le livre de Maître Fowl et l'ouvrit sans attendre. Elle tourna sans précaution aucune les pages jaunies et amochées par le temps et tomba enfin sur celle qu'elle attendait.

— Voilà !

Les Magiciens possèdent le pouvoir d'imprégner un objet de magie afin qu'il puisse avoir un effet sur la personne qui le possède. Les plus courants sont des sorts de mémorisation qui permettent à celui qui empoigne l'objet imprégné de se souvenir d'une chose particulièrement importante. Évidemment, il existe une infinité de sorts dont on peut imprégner un objet quelconque. Le seul moyen d'empêcher ce sort d'agir est d'effectuer un sort particulièrement complexe appelé « Sort d'épuration ». Il faut, pour l'effectuer, presser ses deux mains à plat sur ledit objet et se concentrer sur la chaleur qui en émane. Le vide doit se faire dans l'esprit du Magicien qui emploi le Sort d'épuration afin qu'il puisse pleinement se concentrer sur la matière. Il doit ensuite fermer les yeux et visualiser l'objet dans son ensemble. Il est fort conseiller de se placer au centre d'un cercle formé d'une quelconque source lumineuse.

— Mmmh... Céleste, commença Roméo, tu ne peux pas...

Mais son amie ne l'écoutait déjà plus et s'affairait à rassembler toutes les bougies et chandelles qu'elle put trouver dans sa chambre. Elle les alluma une à une, les disposa en cercle autour d'elle, puis appuya ses deux mains à plat sur le papier. Elle ferma les yeux et entreprit de faire le vide dans son esprit – ce qui n'était pas peu dire en prenant en compte toutes les émotions dont elle était sujette –, se concentrant sur sa respiration, sur les battements excités de son cœur qui se calmaient petit à petit, sur le silence qui bourdonnait à ses oreilles. Elle pouvait parfaitement sentir le papier légèrement froissé sous ses paumes moites, l'encre noir effectuant un très léger relief. Sous ses paupières closes, l'obscurité était zébrée d'éclairs de lumière, créés par la lueur émanant des lampes à gaz qui éclairaient la petite chambre. Ce léger détail empêchait le sort d'agir, et Céleste tiqua. Pourtant, elle ne ressentait aucun agacement, ni aucun autre sentiment. Elle était paisible, repliée dans cet espace hors du temps, espace qui n'appartenait qu'à elle et dans lequel elle évoluait en toute liberté. Cette pensée lui donna des ailes, lui procurant l'impression qu'une fois recluse dans ce non-lieu de la pensée, elle était capable de tout. La jeune fille parvint donc sans difficulté à s'isoler complètement du monde extérieur, et les lueurs dansant sous ses paupières disparurent. Alors, émergeant du néant, la lettre lui apparut dans son intégralité. Céleste pouvait sans peine déchiffrer l'écriture fine et penchée de son père adoptif. Pour la première fois depuis des mois, aucun relent de haine et de fureur ne l'atteint à l'évocation de l'Homme Noir. Dans ce lieu psychique, plus rien ne pouvait l'atteindre.

— Je peux la lire, dit-elle enfin à voix haute pour ses amies, en conservant ses yeux clos. Alors...

Lisæ,

Tu auras beau le nier, tu auras beau mentir à ta fille, je sais pourquoi tu es revenue. Je sais que tu veux l'Oiseau. Mais tu ne l'auras pas. Il est mieux là où il est, je te l'assure. Ce que tu désires effectuer lorsque tu auras mis la main dessus est si ignoble que je ne peux pas le coucher sur papier. Et c'est également ignoble de cacher la vérité à Céleste. Elle te voue une confiance aveugle, mais tu sais aussi bien que moi qu'elle ne te le pardonnera jamais si tu lui fais tes aveux.
    
Tu as tort, Lise, tu as tort de poursuivre sur cette voie. Rejoins-moi, et poursuivons ce que nous avons commencé. Ensembles. Nous pouvons mettre un terme au règne des Magiciens. C'est ce que nous souhaitions avant que tu ne rencontres cet Éric. Je sais ce que tu es entrain de manigancer, et je sais aussi comment Céleste me voie.
    
Comme un monstre. Mais je ne suis pas un monstre, Lisæ, et tu le sais parfaitement. Il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les mauvais. Je ne suis pas le méchant et tu n'es pas la gentille. Tant que tu n'auras pas compris cela, Lise, tu échoueras. Et tant que tu n'avoueras pas tout à notre fille, je serais dans l'obligation de t'empêcher de nuire et de continuer ainsi de lui faire un lavage de cerveau. Filæ elle-même se fait prendre au piège, mais je sais la faire passer à travers les mailles du filet. Ce moyen radical peut te paraître cruel, injuste et terrible, mais il me permet de la maintenir à mes côtés et de la faire intervenir comme mon "ambassadrice".
    
Je ne désire pas te tuer, Lise, simplement te maintenir à l'écart le temps que j'agisse. Tu n'auras jamais l'Oiseau, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t'empêcher de le récupérer. Et tu as déjà perdue, Lisæ. Tu as déjà perdu car je mettrais très bientôt un terme à tout ce cirque.
    
Il est temps d'en finir.
    

Le message était signé d'un pentagone noir.

Le syndrome des cœurs de pierre I - PupilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant