Chapitre 19

96 12 3
                                    

J'ai refusé son appel. Ainsi que les trois suivants. Et maintenant que je suis seule dans ma chambre, j'hésite à le bloquer. Il n'a pas mon numéro de portable, seulement mon adresse Facebook. Tout ce qu'il me reste à faire, pour qu'il ne puisse plus me contacter c'est d'appuyer sur le petit bouton virtuel sous mon doigt. D'une pression de l'index je pourrais être tranquille.   

Oui mais voilà, j'hésite. 

Est-ce que j'ai vraiment envie de tirer un trait définitif sur ce pan de ma vie ? J'ai fait le deuil de notre amitié depuis longtemps, mais après la fête, je me suis prise à espérer. J'ai cru que, à défaut de redevenir les meilleurs amis du monde, nous aurions pu au moins entretenir des rapports cordiaux.
Il faut croire que là aussi j'ai fait erreur, puisque de toute évidence Cooper n'est pas capable de passer ne serait-ce qu'une petite journée sans se montrer désagréable envers moi. Elle aura été dure à assimiler, il m'aura fallut presque quatre ans en tout, mais cette fois c'est bon, j'ai compris la leçon. Lui et moi n'avons plus rien en commun, si ce n'est notre passé. Et il me faut le laisser derrière nous, pour pouvoir avancer. Enfin. 

Et puis après tout, ce n'est peut-être pas plus mal que les choses se terminent ainsi. Même si nous avions réussi à recoller les morceaux, à quoi bon ? Nous aurions été forcés de nous séparer à la rentrée. Cooper ira probablement étudier dans une grande fac qui accorde de généreuses bourses aux sportifs prometteurs, quand moi, je me contenterai de l'université la plus proche. 

Finalement, c'est pour le mieux. 

C'est ce que je me dis en apposant mon doigt sur l'écran pour ouvrir notre fenêtre de discussion. Je lui envoie la photo que nous avons pris ensemble dans le placard, celle qu'il m'avait demandé de lui envoyer, puis rédige le message suivant " Ça aura été sympa le temps que ça aura duré. A jamais. ". Je jette un dernier coup d'oeil à cette photo et à Cooper qui se tient tout contre moi, le visage illuminé par un sourire qui semble pourtant sincère, et j'appuie sur bloquer le contact, certaine que c'est le bon choix. Parce que ça l'est. Peu importe ce que mon coeur qui se serre dans ma poitrine peut en penser. Ou mes yeux brûlants. Ou ma cage thoracique comprimée. 

J'ai fait ce qu'il fallait, je le sais. Alors pourquoi je regrette ?

Je me laisse tomber sur mon lit, les yeux fermés et silencieusement, j'invoque la présence de Luc. Lui aurait su m'aider à y voir plus clair. Il semble toujours déconnecté de la réalité, comme s'il gravitait dans un autre système que le notre - jamais très loin, mais jamais là non plus - pourtant quand il s'agit d'analyser une situation, il fait  preuve d'une clairvoyance hors norme.
C'est peut-être cette distance qu'il maintient qui lui permet d'être aussi lucide, toujours est-il que j'aurais bien besoin de son sixième sens pour m'aider à décrypter les émotions qui me vrillent les entrailles.

Mais je suppose qu'il va falloir que je m'habitue à son absence. Nous ne sommes que dans les premières semaines de l'année scolaire, aussi, j'imagine que son groupe de soutien va l'accaparer davantage encore au fil des mois à venir, puisqu'ils s'entraînent pour participer à des concours. Enfin, d'après ce qu'il m'a dit. 

Est-ce que je dois m'attendre à ce que ce soit toujours comme ça, entre nous, à l'avenir ? 

Depuis que nous nous sommes rencontrés à l'anniversaire de Jonah Mosbacker, au jardin d'enfant, Luc et moi sommes inséparables. Il a été là pendant toutes les phases importantes de ma vie. Mon entrée dans l'adolescence. Les disputes de mes parents. Le départ de ma mère. La fuite de Cooper. Et à chaque épreuve, il se tenait à mes côtés. C'est lui qui m'a aidé à voir le bon quand tout me semblait mauvais. Parce qu'il est comme ça, Luc, il est fondamentalement positif. Et être capable, en moins d'une fraction de seconde, de capter tout le potentiel d'une situation, c'est un de ses plus grand talent. Mais il va falloir que je m'entraîne à le faire seule à partir de maintenant. Nous ne sommes qu'en dernière année de lycée, et il n'a déjà plus de temps à m'accorder, comment pourrait-il en être autrement lorsque nous entrerons à la fac ? Dans deux filières différentes. 

F*ck it ListOù les histoires vivent. Découvrez maintenant