Tourmentée par mes rêves, je m'étais tournée et retournée dans mon lit pendant de longues minutes sans succès. Les draps froissés collaient à ma peau que la sueur avait rendue poisseuse malgré la brise fraîche qui se déversait de la fenêtre ouverte. Après avoir essuyé ma nuque d'un geste agacé, je me renfonçai dans l'oreiller et pris une profonde respiration. Les pensées qui m'accablaient défilèrent à nouveau devant mes yeux grands ouverts sur le plafond sans que je ne puisse les arrêter, impuissante.
Seul le silence répondit à mes prières de récupérer quelques précieuses heures de sommeil. Les bras de Morphée m'avaient, encore une fois, quitté trop tôt. La monotonie ennuyeuse de mes insomnies avait installé en moi une lassitude que je ne connaissais pas auparavant. Devenue familière, amicale même, elle m'accompagnait presque chaque nuit depuis mon départ. La fatigue m'annihilait de son énième vague, profitant de mon incapacité à la combattre et restait à l'affût d'un regain d'énergie.
Délivrant mes jambes de l'étau des draps emmêlés, je me levai avec discrétion pour ne pas réveiller mes amies. Un frisson me parcourut de la tête aux pieds, le tissu ne recouvrant plus mon corps dénudé. À la lueur de l'aurore, les minuscules poils translucides se dressèrent sur mon épiderme comme à l'accoutumée avant que je ne me frotte vigoureusement les bras en cherchant quoi me mettre sur le dos.
Je choisis des vêtements confortables qui traînaient çà et là par terre. Le rangement n'était pas vraiment ma tasse de thé. Sautillant silencieusement sur place, je manquais de tomber à plusieurs reprises en enfilant une jambe de mon pantalon. Mais cela ne m'empêcha pas d'atteindre mon objectif et je fus enfin prête. Et ce, sans avoir réveillé qui que ce soit dans la résidence, ce qui est un exploit admirable.
Je me dirigeai vers la porte à pas de loups et l'ouvrit sur mes gardes. Étonnement, elle ne grinça pas sur ses gonds et mes compagnes de chambre endormies ne bougèrent pas d'un poil. J'étais jalouse de leur sommeil de plomb. Earwen, en position foetale, rêvait sans bruit, paisiblement. Quant à Laurelìn, elle était couchée à moitié sur le ventre au-dessus de sa couette, le bras pendant dans le vide et émettait des babillages dignes d'un bébé. Telle une ninja je me faufilai dans le corridor, mon mode furtif activé, retenant la poignée jusqu'à la dernière seconde.
Les portes des chambres de mes camarades se succédaient tandis que je les dépassai, la respiration paisible et les battements de mon coeur rythmés par mon pas calculé. La pointe de mes pieds nus sur le parquet recouvert d'un tapis en lin ne faisait pas un son. La discrétion incarnée. Seuls les souffles sages des étudiantes encore endormies dérangeaient le silence d'or. Bon, pas que les souffles, divers ronflements aussi ... Mais à part ça, tout était calme autour de moi dans l'épaisse pénombre de ce début de matinée.
À travers les fenêtres, les silhouettes des arbres se découpaient difficilement dans le contre-jour naissant. L'aube prudente, comme manquant d'audace, peinait à dépasser leurs cimes et les teintait d'une couleur ébène. Cependant, la faible lumière de l'aurore éclairait assez les couloirs du manoir pour que je puisse m'y diriger sans problème.
Ma vision nyctalope me permettait même de distinguer les objets disposés avec élégance le long des murs. Je voyais bien Mme Artamis aligner les babioles d'un air hautain, le petit doigt levé pour plus de concentration, interdisant quiconque d'approcher. Il ne faudrait pas que quelqu'un abîme sa précieuse collection. Une idée farfelue traversa mon esprit et un sourire machiavélique se forma sur mes lèvres.
Le spectacle saisissant d'un mélange hétérogène de genre me confirma que la décoration présente ici ne se retrouverait chez moi sous aucun prétexte. J'aimais les choses simples et non alambiquées comme ces drôles d'artefacts. Un tableau représentant la mer, sûrement pas loin d'Ärendìl, un texte sacré en ancienne écriture elfique, un vase de porcelaine et je ne sais quelle relique sous verre agrémentaient entre autres l'espace vide.
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Olympe d'Esméra
FantasiJe ne suis pas dangereuse. Mon cœur est pur, mes intentions sont bonnes. Je ne suis qu'une elfe d'Alantya à la recherche de la vérité. Celle-là même qui lors de mon périple confirma le doute à propos de mes origines. Au commencement, je ne connais...