Les Larmes Rubis

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Je courais. Je courais de toutes mes forces sans me retourner. S'arrêter signifiait mourir, alors je courais avec cette peur au ventre qui donne de l'énergie dans les moments critiques. Une larme jailli de mon œil droit et roula sur ma joue. Elle fut vite emportée par le vent de printemps, qui apportait en même temps les douces effluves des cerisiers du parc où je me trouvais. Seule la lune éclairait ma course désespérée à travers les arbres.

Une immense fatigue s'empara soudainement de moi : cela faisait maintenant plus d'une demi heure que je courais droit devant moi voulant m'éloigner un peu plus à chaque pas de l'Horreur elle-même. Les larmes jaillirent en nombre à cette évocation. Comment avais-je pu me retrouver dans cette situation ? Pourquoi moi ? Pourquoi mettais-je retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment ? Le désespoir me submergea tandis que mes larmes me brouillaient la vue, m'obligeant à m'arrêter. La lune était maintenant cachée par les arbres de plus en plus nombreux, et je discernais mal les prochains obstacles. La fatigue pris le dessus et je m'écroulai à terre. Alors que je tentais de me relever je pris conscience de l'endroit où je me trouvais, un rire nerveux sorti de ma gorge : Ils ne risquaient pas de me retrouver si j'étais moi-même perdue au milieu de l'obscurité de ce parc gigantesque dans lequel j'avais décidé de fuir dans un moment de panique. Je me senti comme absorbée par la pénombre. Apeurée, je me recroquevillai sur moi-même au pied d'un gros arbre. D'ordinaire je n'avais pas peur du noir mais en ces circonstances le moindre mouvement d'une innocente feuille me mettait sur mes gardes. Je deviens paranoïaque, soupirai-je dans un sanglot, mais il y a de quoi !

Un frisson me parcouru : l'air s'était radicalement rafraîchi. Il devait être aux alentours de 22h30 et l'épuisement m'écrasait. L'esprit de plus en plus embrumé, je sombrai doucement dans un sommeil sans rêve.

Je me réveillai brusquement saisis par un sentiment d'urgence. Les premières lueurs de l'aube pointaient au loin à travers les arbres. Des aboiements se firent entendre. Je restai figé, désemparée par ce réveil brutal, puis les événements de la veille me revinrent en mémoire. Le désespoir laissa place à un vide béant ; de toute façon je n'avais plus de larmes. Un aboiement sur ma droite me fit prendre conscience de ma situation : Ils m'avaient retrouvé. Je m'adossai au tronc rugueux de l'arbre et restai immobile, résignée et ne sachant que faire et où aller. Un bruit de pas sur ma droite attira mon attention. Lasse, je levai la tête dans sa direction ; Il était là et ses copains ne devaient pas être loin. Il tenait un gros chien noir et gris au poil ras par le collier. Calmement, il sorti un pistolet et le braqua sur moi. S'était donc ainsi que j'allais mourir : seule au milieu d'un parc, d'une balle dans la poitrine, emportant dans la tombe ce secret si bien gardé. Sa main se crispa lentement sur la crosse et son index se plaça sur la détente. Il prenait son temps...
Et puis il y eu une détonation... Un bruit sourd... Un impact... Une douleur... Immense...
Et tandis que je sentais ma vie me quitter, je versais quelques larmes, quelques larmes aux reflets rouges rubis.

Recueil de NouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant