VII : Pour le bien des enfants.

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DEAN

J'ai l'impression que ma vie est un piège, j'entends par-là, ma jambe coincée dans un monceau de fer qui déchire ma chaire. Une seconde plus tôt et j'échappe au pire, mais pris sur le fait, je suis coincé et bien obligé de déclarer forfait.

Au petit matin, lorsque je m'assois sur mon lit, déjà habillé et prêt à partir, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule pour apercevoir Camille nue et enroulé dans les draps blancs du lit. Toujours endormie et l'air apaisé. Ses cheveux roux sont en bataille, éparpillés sur les coussins et elle a l'air plus détendue que jamais. Dans des rares moments comme celui-ci, je me dis que je ne regrette rien. Rien de ce qui a pu se passer. Parce que dans de rares moments comme celui-ci, je me dis que je l'aime pleinement. Sans colère, rancœur ou amertume. Je n'ai aucun doute, aucune peine et pas d'appréhension. Sûrement, parce qu'ainsi endormie, inoffensive et paisible, elle arrive à me faire baisser ma garde. Pendant quelques instants infimes, mon cœur bat plus vite et plus fort comme au premier jour où je l'ai rencontrée. Je sais pourquoi, malgré tout ce qu'elle m'a fait, je garde le même amour pour elle. J'ai une affection pure parce que c'est moins à elle que j'en veux qu'à moi.

Lorsque je me relève pour passer dans la salle de bain et me regarder dans le miroir, les mots de Spencer me reviennent en tête.

« n'oublies pas de retirer l'étiquette de bouffon qui tu as collé sur le front. »

Elle a raison parce que si j'avais assez de cran, peut-être que rien de tout cela ne serait arriver. Peut-être que j'aurais pu faire plus et peut-être que j'aurais dû me sortir de là bien avant. Alors quand je me vois, tout ce que je peux éprouver n'est que d'égout et déception. Je laisse Camille se faire du mal et m'en faire également. Je la laisse nous détruire, même si je prétends tout essayé pour nous sauver parce que bien évidemment j'ai ouvert les yeux trop tard. J'ai laissé passer ses fautes, je l'ai laissé gagner du terrain, du droit et du bon vouloir et aujourd'hui je me trouve déposséder de moyen, d'option et d'autorité. J'ai sans doute perdu ma dignité, mais je ne sais pas lequel de nous deux en est responsable. Est-ce elle pour m'avoir déshonoré sous mon nez ? Ou moi pour l'avoir laissé faire et pour en plus profiter de son état de faiblesse ? J'ai l'impression que ma vie est un piège, j'entends par-là, ma jambe coincée dans un monceau de fer qui déchire ma chaire. Une seconde plus tôt et j'échappe au pire, mais pris sur le fait, je suis coincé et bien obligé de déclarer forfait.

Lorsque je reviens dans la chambre et que je jette un dernier coup d'œil au lit, je soupire et me dis que je n'aurais pas du coucher avec elle, une énième fois. Je n'aurais pas dû céder et ça n'aurait pas dû me plaire autant. J'aurais dû dire non et j'aurais pu, mais je ne l'ai pas fait. Pour ça, sûrement, je suis pire qu'elle. Instantanément une migraine pointe et je passe une main sur mon front. J'ai bien d'autres problèmes également.

À commencer par le principal Clint et son ordre à la con. Il faut que je trouve un moyen de le contourner car je ne vais pas y renoncer. Comment pourrais-je continuer d'enseigner si je n'arrive même pas à aider mes élèves ? C'est une chose que ma vie sentimentale soit détruite, et en partie par ma faute, mais je ne vais certainement pas laisser la même chose se faire pour ma carrière. Il doit bien y avoir un moyen de faire ce dont j'ai envie pour une fois, d'arrêter d'être entravé de toutes parts, à tout point de vue.

À qui m'adresser ?

C'est la première pensée qui me vient quand je franchis les portes du lycée. Les élèves ne pourront rien faire, le principal est contre moi et pour en parler directement au conseil, je vais avoir besoin de bons arguments. Hors pour l'instant, le seul que j'ai ne risque pas de les faire accepter mon projet : « pour le bien des élèves. » Ce ne sera pas suffisant pour eux. Alors qui ? Les professeurs peut-être ? S'ils me soutiennent et qu'on s'y met tous, on a peut-être une chance de l'emporter. Je réfléchis donc à la meilleur tactique pour les convaincre. Mobilisé leur aide alors que je n'ai jamais daigné m'intéresser à leur matière où à eux-mêmes ne risque pas de m'accorder gain de cause si je les réunis. On va donc se contenter d'entretien particulier.

Again and More [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant