Le Chant de la Sirène

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Depuis le matin, la Cité d'Eel était emplie d'une effervescence qui ne la quittait pas. Les purrekos s'étaient levés encore plus tôt que d'habitude afin de préparer leurs étals qui semblaient ne jamais désemplir de leurs marchandises. Purriry et sa boutique de vêtements étaient particulièrement prisées, chaque gardienne cherchant à dénicher l'accessoire parfait pour la soirée qui débuterait dès que les lampions s'allumeraient.

Aujourd'hui était un jour spécial sur Eldarya, une fête célébrée sur Terre et que les faeliens avaient emportée avec eux : la fête de la musique.

D'ailleurs, plusieurs scènes avaient été installées partout dans le Quartier Général ainsi qu'à l'extérieur, jusqu'à l'orée de la forêt. Déjà, certains groupes ou artistes solitaires prennaient place pour faire naître la mélodie de leurs instruments dans une agréable symphonie. A midi, on ne pouvait se rendre d'un endroit à un autre sans être accompagné de musique et cela plaisait particulièrement à Yunoki. Étant à moitié sirène, elle avait un rapport particulier à la musique et aux sons en général. Ses oreilles de créature des fonds marins ne lui permettaient pas d'entendre comme un appendice humain ou animal. Elles captaient les vibrations de l'air pour lui permettre d'entendre ce qui se trouvait tout autour alors que la jeune femme avançait doucement, les yeux clos. Un léger sourire courba ses lèvres purpurines alors qu'une orgue de barbarie traduisait la partition d'une mélodie populaire.

Avoir tant d'instruments et de voix autour d'elle donnait à la jeune femme l'envie impérieuse de mêler son propre chant à ceux déjà ambiant. A cette pensée, son sourire se ternit quelque peu. Yunoki pouvait chanter, il n'y avait aucun doute là-dessus. Ce qui lui posait problème, c'était qu'elle était incapable de maîtriser sa voix ; et là où les contes et légendes n'avaient pas tort, c'était que la folie qui prenait les créatures qui écoutaient le chant d'une sirène était bien réelle. Ce n'était pas comme si elle pouvait s'entraîner non plus, le QG regorgeant de personnes jour et nuit. Alors, la sirène garda cette envie qui lui brûlait la gorge au fond de son coeur, dans l'espoir qu'un jour, il lui serait permis de chanter sans envoûter personne.

Le son d'une flûte de pan la tira soudainement de ses pensées moroses et elle se dirigea vers la petite scène pour écouter un peu plus longuement. Ses yeux d'or s'ouvrirent enfin pour se poser sur le jeune homme qui jouait habilement de l'instrument à vent. Les mains agiles déplaçaient chaque tube sous la bouche qui s'y déposait à peine pour souffler à l'intérieur. Le flûtiste fut rejoint par une vieille femme et son ocarina, ses doigts ridés mais rapides se soulevaient et s'abaissaient au rythme des notes enchanteresses. Yunoki resta longuement devant le duo, la musique qu'ils produisaient réchauffait agréablement son coeur. Une larme d'émotion finit par glisser lentement le long de sa joue et elle l'essuya d'une main distraite alors que l'autre venait se glisser dans sa longue chevelure de jade pour entortiller une mèche autour de son index.

- Bah Yuno, tu pleures ?

Surprise, la jeune femme se détourna pour se retrouver face à Chrome. Le loup-garou la fixait avec une moue perplexe et interrogative, se demandant ce qui lui prenait. Habituellement, Yunoki l'entendait toujours avant qu'il n'arrive auprès d'elle. Penchant légèrement la tête de côté et l'air soucieux, il lui demanda :

- Ça va pas ?

- Je vais bien, lui sourit-elle. Toutes les larmes ne sont pas de tristesse tu sais, c'est simplement que je trouve la mélodie très belle.

L'adolescent la fixa quelques secondes, déterminant en son fort intérieur s'il devait la croire ou non. Chrome leva discrètement le nez pour tenter de capter quelque chose mais, aucun relent de tristesse ne s'échappait de la sirène. Il claqua la langue contre son palais et déclara :

Le Chant de la SirèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant