Chapitre 1 : Billy

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Chapitre 1

Je m'appelle Billy. Mes parents m'appellent Bill, les potes m'appellent Billy la rage. Et les filles ne m'appellent pas. Pas que je ne sois pas beau garçon. Mais je les traite comme de la merde, et je ne m'en cache pas.
Récemment j'ai fait une connerie. Et aujourd'hui je viens vous la raconter. On était dans la voiture. Je ne donnerai pas leurs noms. Une vieille merde de plus de vingt ans, on était tous contents qu'elle roule, avec un soupir de soulagement quand elle arrivait enfin à démarrer. Bref on était dans la chiotte, tous les quatre à attendre. On ne sait même plus qui était le propriétaire. Pas de papiers ni d'assurance, évidemment. C'était silencieux. On avait pas besoin de dire quoi que ce soit. De temps en temps l'un de nous disait une connerie qui faisait rire les autres. La tension était vraiment présente à ce moment là. Mon genoux tressautait. J'avais vérifié mon arme une dizaine de fois et pourtant je continuais à le faire encore et encore. Ils m'avaient dit d'en prendre une fausse, que ça ferait le même effet mais qu'on aurait moins de risques si on se faisait prendre. Je ne sais pas pourquoi j'ai voulu prendre un vrai pistolet, et je m'assurais justement qu'il était chargé et opérationnel.
On attendait l'heure parfaite. C'était le genre de plan foireux qu'on avait réussi à préparer. A l'arrache certes, mais on savait tous quoi faire. Je m'en étais assuré en leur gueulant dessus. C'était simple: J'entre en premier en pointant le flingue vers le vieux à la caisse. Le second fonce pour choper le fric, le troisième reste à côté de moi pour me couvrir et le quatrième reste à la porte et empêche les gens d'entrer. Tout devait se passer rapidement. Quatre était largement suffisant mais on avait tous besoin d'argent. Et faut dire qu'on avait trouvé l'idée en se défonçant la gueule un soir chez moi. Au début on disait ca pour rigoler puis c'est devenu une idée sérieuse. Aucune raison que ça foire. C'était facile. Une minute avant l'heure d'ouverture. On avait les yeux rivés sur l'entrée. On avait tous besoin de thunes, putain fallait que ça réussisse.
On sort de la voiture. On s'avance tous d'un pied ferme vers le magasin J'entre le premier. En un regard et en voyant ce que j'avais dans la main le pauvre homme a compris pourquoi on était là. J'ai vu la peur sur son visage. Pour en rajouter, et surtout pour le plaisir, j'ai gueulé ma phrase que je m'étais répétée en tête "lève les mains et bouge pas espèce de petite merde". En une fraction de seconde mes trois girouettes se sont mises en position. Le second a foncé derrière la caisse, a commencé à tout prendre, la caisse était déjà ouverte, le vieux n'a pas bougé. Le troisième, sur ma droite, restait là à sourire et à se marrer. Je vous dirai pas son nom, mais c'est le genre de type à faire le caïd quand on est avec lui. Mais c'est un faible. Un faible incapable de se prendre en main et d'avoir une personnalité. Mais il était là à côté de moi, à sourire, à se sentir fort comme si c'était lui qui avait le flingue. Je pourrais le plomber après tout? Il ferait surement moins le malin.. Mais je n'étais pas là pour ça. Une fois la caisse entièrement vidée, nous sommes tous sortis et partis aussi vite que l'on était venus.
Alors où est le problème me direz vous? Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire? Un vol totalement banal, sans blessés? Pourquoi je donnerais des détails si ce n'est que pour m'incriminer? Je le suis tout simplement déjà, car ça, c'était le plan idéal. Mais j'ai déconné. J'ai tellement déconné que je suis recherché. Moi plus que mes trois acolytes. Pour quelle raison? Et bien j'ai montré ce matin là pourquoi on m'appelait Billy la rage. J'ai fait taire cette haine, cette voix dans ma tête. Et pour ça j'ai du faire une belle connerie. Et le plus triste c'est qu'elle est très vite revenue. Beaucoup plus forte qu'avant..
Je suis sorti de la voiture comme une furie. Ils m'ont demandé ce que je foutais, mais je ne les entendais pas. Je n'entendais que cette voix, ces murmures. On avait vu le vieux entrer mais garder le verrou fermé vu que ce n'était pas encore l'heure d'ouvrir le magasin. Alors d'un coup d'épaule après ma marche rapide j'ai tenté de l'ouvrir. Le coup de pied qui a suivi a détruit le verrou. Je sentais ma force décuplée. Mais ce n'était pas la mienne. Il n'avait pas bougé de son comptoir, et me regardait depuis cinq secondes m'acharner sur sa porte. Pétrifié, terrorisé, et pourtant ce n'était que le début. Ou la fin pour lui. J'ai pointé mon arme sur lui. Il a doucement levé les mains en l'air. Mais je n'ai rien dit. Je n'avais rien à dire. Je levais les sourcils et souriais. Un sourire mesquin, démoniaque.. dangereux. Mes potes sont ensuite entrés et se sont mis à faire ce qu'ils devaient. Un sursaut. Un silence. Les yeux rivés sur moi. Tout le monde qui s'arrête.. et le canon de mon arme fumant.. Je ne m'étais même pas rendu compte. J'étais surpris. Je ne savais pas quoi ressentir. La vie de cet homme ne m'inpportait pas mais pas point de la lui ôter. Comment avais-je pu faire quelque chose sans m'en apercevoir? Cette haine envahissante en moi.. avait pris le contrôle de mon corps pour faire cette chose horrible. Je n'arrivais pas à le croire. Mais je me sentais bien. J'étais craigné, puissant, pendant un instant je n'étais plus le petit branleur rempli de haine qui fait sourire les gens.
Celui qui montait la garde est parti en courant en voyant ça. Mon pote à la caisse prenait tout l'argent en me fixant, horrifié. Il tremblait, et faisait des gestes rapides. Il faisait tomber la moitié du butin. Il ne m'a pas quitté du regard. Le dernier qui était censé rester à côté de moi ne faisait que me secouer, me criait dessus à coup de "qu'est-ce qui t'a pris bordel de merde? t'es taré?!" et j'en passe. Je n'avais pas bougé. Je n'avais même pas baissé mon bras. J'étais devenu un tueur. Un tueur de gérant de magasin de merde pour un butin à trois chiffres. Tout l'argent avait été sorti. Il est passé devant moi pour sortir et.. je me rappelerai toujours son regard. Il était triste, il avait pitié de moi. Je l'avais déçu au plus haut point. J'ai été le dernier à quitter le magasin. Je n'ai pas pu m'empêcher de regarder le comptoir une dernière fois. Je ne pouvais pas voir ce qu'il y avait au sol mais j'imaginais le corps de cet homme, les yeux ouverts et vides, un trou dans le crane et des litres de sang sur le sol. C'est à ce moment là que j'ai compris la chose horrible que j'avais faite. Je me détestais. J'avais honte de moi. Je voulais crever pour me faire pardonner mais cela n'aurait servi à rien. J'avais envie de m'excuser, de me rendre à la police, de partir loin sans laisser de trace, de téléphoner à toutes mes exs pour leur dire à quel point je regrette d'être un connard, d'enlacer ma mère en pleurant dans ses bras, de gueuler des injures sur une place publique, d'insulter une mamie qui me fait un sourire quand je la regarde. De la haine, des remords, c'était dur à supporter. Mais je le méritais. Les voix avaient fait place à un sifflement intense. J'entendais mal tout ce qu'il y avait autour. Dans la voiture ils n'ont rien dit. Pas un mot. Ils avaient peur de moi, de la réaction que je pouvais avoir. Je voulais leur parler, leur dire que ce n'était pas ma faute, que je ne voulais pas. Mais ils ne m'auraient pas cru. Même moi je n'y croyais pas. C'étai bel et bien moi qui avait assassiner ce type. J'avais pourtant bien démarré la vie, dans une famille sans problèmes, j'étais juste voué à réussir et pourtant j'ai tout gâché dans ma misérable vie. Mes relations familiales, amoureuses, mes projets professionnels. J'en étais à devoir braquer un magasin pour pouvoir bouffer.
Ils m'ont déposé en bas de la piaule minable où je vivais. Il m'a tendu le sac sans même me regarder dans les yeux. L'argent n'avait plus d'importance pour eux, j'étais allé trop loin, tout ça n'avait plus de sens. Ce n'était plus un petit braquage entre potes mais une véritable tragédie. Je voulais m'excuser, refuser de le prendre, leur dire encore une fois à quel point je regrettais. Mais je crois qu'à ce stade là j'en avais plus rien à foutre. Je l'ai pris d'un coup sec en soupirant et suis rentré chez moi. J'ai passé le reste de la journée à repenser à ce matin là. Je n'ai pas dormi de la nuit, les voix de mes potes raisonnaient, le regard de cet homme avant de mourir me hantait. Mais il y avait aussi celle là.. cette voix..celle qui me faisait trembler, celle qui m'effrayait au plus haut point. Je la sentais comme si elle était dans la même pièce que moi, et me murmurait des choses dans l'oreille. L'aura. Cette entité qui jusqu'à présent ne venait que de mon imagination était devenue quelque chose de bien réel à mes yeux. Un grand sourire mesquin dans l'obscurité éclairé par deux grand yeux verts lumineux. C'est comme ca que je la voyais. Comme ca que je ressentais les choses, comme ca que je l'imaginais si je devais la dessiner. Elle était là, et sera maintenant une partie de moi pour toujours, que je vais devoir apprendre à apprivoiser pour vivre avec sans perdre complètement la boule.

Maintenant vous savez tout. Et la vie c'est bien de la merde. On comprend jamais rien ni personne. Je ne me comprend pas moi même. Dites toujours la vérité. Ne faites confiance à personne. Si vous êtes quelqu'un de bien assumez le. Si vous êtes un connard assumez le. Mais soyez vous même. Etre soi même c'est se faire exclure par certaines personnes. Etre comme les autres c'est s'exclure soi même. Mais moi je ne serai plus jamais seul.

Chapitre 1 : BillyWhere stories live. Discover now