J'entrais en trompe dans la salle plongée dans l'obscurité. Je reculais dans un coin dos au mur face à la porte. J'attendis. Je sentais avec délice des frissons d'excitation remonter le long de mon échine. Mon cœur battait la chamade et ma respiration était saccadée. La course poursuite avait été longue et intense.
Rentra alors la créature. Elle me repéra immédiatement dans le noir, ses yeux brillants comme ceux d'un chat. Alors qu'elle atteignait le milieu de la pièce, je brandis une télécommande et annonça d'une voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu:
– Au moindre geste, j'ouvre les volets.
La créature se figea prête à bondir et regarda autour d'elle. J'avais bien choisi mon piège. Nous étions en haut d'une tour panoramique dotée de grandes fenêtres. Quelques rayons de soleil filtraient à travers les volets fermés éclairant faiblement la salle. Je triomphais:
– Hé oui! C'est déjà l'aube.
Elle se redressa me toisant de haut en bas avec dédain. Son corps était entièrement enveloppé d'une cape noire. Je ne voyais d'elle que son visage blafard rehaussé par le carmin de ses lèvres charnues.
– Je vois que votre intention n'est pas de me tuer. Du moins pour l'instant.
– J'aimerais discuter un peu. Ce n'est pas tous les jours que la mort et la vie se rencontrent.
– La mort et la vie? Rien que ça! Le lyrisme des humains m'amusera toujours.
– Vous êtes morte et je suis vivant. Ne chipotez pas.
Elle sourit. Ses longues canines scintillèrent dans la faible lumière. Instinctivement, je frissonnai de peur.
– Si vous le dîtes.
Nonchalamment elle attrapa un des nombreux fauteuils qui occupaient la pièce et le plaça face à moi. Ce mouvement me laissa voir l'éclat d'un bras pâle strié de veines bleues. Sa main était décharnée, mais délicate. Une fois assise, elle s'enroula à nouveau dans sa cape ne me laissant apercevoir rien de plus de sa chair.
– Bien, de quoi voulez vous parlez?
J'étais décontenancé. Je m'attendais à ce qu'elle paniquât, qu'elle me suppliât d'épargner son existence. Elle ne semblait pas prendre au sérieux ma menace. Après un court silence, je répondis:
– De la vie et de la mort.
– Décidément, c'est une obsession.
– De quel autre sujet plus important peut-on parler avec une créature qui ne peut mourir?
– Ha! Nous y voilà. Vous voulez devenir immortel.
– Non!
– Non?
– Je ne veux pas devenir un monstre comme vous.
– Je vois. Alors pourquoi me piéger ici?
– Pour me sentir vivant! Quelle nuit! Sentir la mort à mes trousses à chaque instant. Ne devoir ma survie qu'à mon instinct et mes aptitudes physiques. C'était excitant! Et là maintenant, je vous tiens à ma merci. Je me sens puissant!
– Je vois.
Le silence tomba. Comme je me sentais un peu ridicule à rester debout, je m'installai dans un siège face à elle. Mise à part son regard qui suivait chacun de mes gestes, elle était parfaitement immobile. Aucune respiration de bouger sa poitrine. Cela aussi me terrifiait. Je lançai :
– Pourquoi tuez-vous?
– Moi?
– Oui, vous les vampires. Pourquoi tuez-vous?

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Piégé [Terminé]
VampireUn homme piège une vampire en haut d'une tour. Il veut discuter avec le monstre. Mais bien vite il est difficile de savoir qui a piégé l'autre.