Le règne des divins - Partie 1

Chapitre 1 : Génocide à minuit

   C'était un voile plus noir encore que les ténèbres eux-mêmes qui recouvrait toute la région cette nuit-là. Cependant, la beauté de ce ciel sans étoiles fut soudain profanée par des lueurs écarlates et ambrées. Elles convergaient toutes vers une butte, sur les hauteurs d'une épaisse forêt. Là se trouvait un village.

   Enfin, plutôt ce qu'il en restait. Il était en proie aux flammes. Un véritable brasier. Les habitants couraient ici et là au milieu des odeurs de chair brûlée pour tenter d'échapper à leurs aggresseurs. Les cadavres jonchaient les ruelles de toutes parts : il y avait ceux que le feu avait rattrapés et d'autres qui avaient été saisis et égorgés.

   Ce feu n'était en effet en rien naturel. Des sorciers l'avaient démarré en lançant des boules de feu. Leur but n'était pas de piller ou de détruire mais bel et bien de tuer ! Ils étaient accompagnés de chevaliers en armures arborant des symboles divins qui capturaient et exécutaient froidemment les rescapés . Au vu de ce massacre, il était clair qu'il ne devait pas y avoir de survivants.

   Dans ce désastre, un garçon de treize ans traînait une très jeune fille à travers les décombres en flammes et les cadavres. Afin d'éviter les meurtriers, ils ont décidé d'abandonner la route principale et ont commencé à courir en d'étroites ruelles. Point le temps d'aider un vieillard piégé dans les gravats car un assaillant poursuivait malgré tout les deux enfants à la hâte.

   L'aîné eut un sursaut d'effroi lorsque l'assassin marqua un temps d'arrêt afin de démembrer le vieillard meurtri de son glaive avant de reprendre sa course. Celle qui semblait être sa soeur, elle, était déjà en sanglots depuis longtemps.

   Ils étaient à bout de souffle après avoir couru ainsi dans tout le hameau mais l'assaillant n'en démordait pas. Il fallait continuer à avancer ! Ils passèrent devant une mère gémissant devant les dépouilles de ses enfants avant qu'elle ne soit abattue d'une flèche dans le coeur. S'ils s'arrêtaient  comme cette mère, ils étaient morts. Mais, à quoi bon ? Ils avaient beau avoir bientôt atteint les limites de la localité, leur poursuivant ne les abandonnerait pas et finirait bien par les rattraper, eux, des enfants.

   C'est alors que le garçon sentit une secousse derrière lui. Il se retourna. Un édifice enflammé s'était effondré sur le passage qu'il venait d'emprunter, emportant leur aggresseur avec lui. Ils étaient sauvés ! C'est alors qu'il vit que la structure en ruines avait aussi écrasé sa soeur, le laissant seul dans ce carnage.

   Il était comme dans une bulle. Mécaniquement, il reprit son chemin et quitta ce qu'il demeurait du village où il avait toujours vécu. Le plus rapidement qu'il pu, il s'enfonça dans la lisière des bois environnants jusqu'à être sûr qu'il ne puisse plus être vu depuis l'extérieur. Il s'assit ensuite sur un long rocher plat et succomba à ses émotions.

   Il ne pouvait guère lui arriver encore plus de malheurs en une nuit : la destruction de sa maison, la mort de ses parents, son voisinage, ses amis et dernièrement sa soeur. Il ne pouvait vraiment pas tomber plus bas.

   Il s'arrêta net de pleurer lorsqu'il entendit un bruit proche. Il s'agissait en réalité d'un couple de survivants. Eux aussi avaient tout perdu, de même que tous ces autres jouets du destin qui les rejoignirent bientôt, formant ainsi un petit groupe de fortune. A la fin de la nuit, ils étaient une quinzaine.

   Malgré cette nuit riche en émotions, ils s'organisèrent rapidement afin de survivre autour d'un meneur : Gustave. Il s'agissait d'un ancien soldat de l'armée divine. Certains rétorquèrent qu'il était évident que c'étaient les dieux qui avaient envoyé leurs troupes pour massacrer la population du village et qu'on ne pouvait donc lui faire confiance. Toutefois, Gustave ne faisait plus partie de l'armée et était le plus adéquat à tenir cette responsabilité du fait de son expérience.

   Gustave commença par prendre connaissance des autres misérables rescapés.
- Tu es le seul enfant ici. Comment t'appelles-tu ?
- Marc
- Tu as vécu des choses qu'un enfant ne devrait jamais avoir à vivre, Marc. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, appelles-moi.
   Et Gustave s'écria alors : " Protéger Marc est notre priorité à tous ! "

   Après plusieurs dizaines de minutes, face à l'évidence qu'ils avaient atteint un point de non retour, le petit groupe s'avança vers l'intérieur des bois.