16/07/2018

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Mon cher ami,

Comment vas-tu depuis la dernière fois ? Pour ma pars beaucoup mieux. Je suis de nouveau allé sous le chêne, dans le jardin de la maison de retraite. Et cette fois je n'ai même pas eu le temps de somnoler que déjà Edgar m'attendait. En me voyant il s'est mis à sourire. Pas d'un sourire rassurant, il avait clairement une idée derrière la tête. Il a gentiment attendu que sa mère vaque à ses occupations pour m'enlever. Oui, tu as bien lu, pour m'enlever ! Il a simplement agrippé mon fauteuil pour m'emmener vers la sortie. Tu n'es pas en mesure d'imaginer mon état à cet instant précis. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il m'arrivait, mon sentiment d'inquiétude était d'autant plus renforcé par le fait qu'Edgar ne me disait rien. A chacune de mes interrogations le jeune homme répondait seulement pars : « Vous verrez bien. ». Arrivé sur le parking il m'a demandé de m'assoir sur le siège du mort et m'a demandé de me bander les yeux. Encore une fois tu as bien lu. Il m'a demandé de me bander les yeux. Je t'avouerai que je me suis exécuté après quelques réticences. Je n'avais qu'une envie et c'était qu'il arrêt ce cirque mais il ne l'a pas entendue de cette oreille là et m'a pratiquement forcé à le mettre, en me disant que plus vite je le mettrais plus vite il me l'enlèverait. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans une voiture inconnue, conduite par une nouvelle connaissance de 58 ans mon cadet, vers une destination elle aussi inconnue et dans l'incapacité entière de voire. Tu dois bien te douter que j'étais encore plus angoissé. Ce n'est pas tout à fait faux, mais pas tout à fait vrai non plus. Je ressentais évidement de l'appréhension, et beaucoup d'incompréhension cela va sans dire, mais également une certaine dose d'excitation. Tu vois, depuis que je suis en maison de retraite, mes journées sont bien monotones et se ressemblent toutes. Et même si en sortir sans ne le dire à personne était effrayant c'était également incroyablement rafraîchissant. Je ne sais pas comment je pourrai mieux te le décrire. C'était réellement comme se prendre une bouffée d'air frais en pleine tête. Je me suis senti excessivement jeune pendant cette petite escapade. D'ailleurs tu ne sais toujours pas pourquoi Edgar m'a sorti et a fait tous ces mystères. Eh bien figure toi que c'était tout bêtement pour m'emmener manger « la meilleure glace à la banane de tout le pays » pour reprendre son expression alors qu'il me débandait les yeux. Tu ne peux pas imaginer le fou rire qui m'a traversé à ce moment précis. Quand j'ai compris à quoi rimait tout ce cirque. Je crois n'avoir pas autant ris depuis bien longtemps. Lui pars contre ne riait pas, il était extrêmement sérieux. Il a sorti le fauteuil du coffre, m'a aidé à mis installer et m'a poussé à l'intérieur du café. Son air sérieux ne la lâché qu'une fois nos glaces servies. Edgar a alors retrouvé son attitude habituelle. Il n'arrêtait pas de me demander si j'avais changé d'avis sur la banane. Je ne lui ai répondu qu'à moitié en lui disant que cette glace était vraiment bonne. Il a eu l'air de se contenter de cette réponse. Pour ne rien te cacher, cette glace était excellente. Mais je suis très mauvais perdant et ce n'ai pas une glace qui pourrait me vaincre. Nous ne sommes pas restés très longtemps dehors, Joelle avait remarqué mon absence ainsi que celle de son fils. Une fois Joelle au courant nous nous sommes dépêchés de retourner au bercail, par peur des représailles. La mère d'Edgar nous attendait d'ailleurs sur le parking, mains sur les hanches, l'air mécontente. Nous nous sommes sévèrement fait taper sur les doigts mais rien de réellement méchant. Je crois qu'elle était surtout contente que son fils n'ait pas fugué. Après cette épisode la fin de journée fut agréable sans néanmoins être mémorable. Edgar cherche un autre moyen pour me faire avouer la supériorité des bananes sans devoir à nouveau me faire sortir de la maison de retraite. Sa mère à bien été claire : refait moi encore un coup comme cela et je te jure que je te ferai regretter d'être venu au monde ! Et c'est sur cette avertissement que je te laisse. Au plaisir immense de te retrouver.

Charles

Adieu mon cher ami Où les histoires vivent. Découvrez maintenant