Un seul papier mais tribut

Chapitre 2

« Tu rentreras et tu réviseras ton examen de mathématiques. »

« Tu as une inscription et Pia en as trois. Vous ne pouvez pas être tirées sur ces milliers de papier. »

« Papa a bien dit que je ne serais pas choisie ».

« De toute façon c'est imp... »

« Annah de Merys. »

C'est moi.

Mon nom.

Je ne veux pas me rendre sur cette foutue estrade aux côtés de Johan Violett. Ma tête tourne mais Pia me rattrape, empêchant mon évanouissement. Elle me chuchote.

- Annah. Je suis désolée pour toi mais...

Sa voix se brisant.

- Vas-y !

Ma meilleure amie m'accompagna en me tenant par le bras à l'estrade. Ma fébrilité et ma peur demeurait immense. Ses mains me lâchèrent face aux escaliers. Ensuite, je les grimpai avec difficulté puis tentai de me tenir droite sur l'estrade. Mon image devait se ternir le moins possible pour que des sponsors veuillent bien de moi malgré mon jeune âge. Désormais, ce sera le tour du jeune garçon. Quel malchanceux se trouvera à côté de moi dans quelques minutes ?

- Il est temps, déclara Johan, de tirer au sort le courageux jeune garçon qui tentera d'amener l'honneur et la victoire sur son District !

Ses doigts caressèrent longtemps les petits papiers. Serait-il meilleur que je connaisse le tribut qui m'accompagnera ou non ? Si je le connais, sa mort m'attristera mais d'un autre côté, nous pourrions être alliés, nous faire confiance et nous entraider durant la semaine qui précède les jeux de la Faim.

- Lawrence Gudge !

Face à moi se dressa alors un homme plutôt musclé. Il avait probablement dix-huit ans. Son visage ne me disait rien mais lui, me regardait méchamment depuis que nos yeux s'étaient croisés. Mais bordel ! Que lui avais-je donc fait à ce pauvre garçon qui vivait à cet instant la même atrocité que moi ?! Il aurait pu faire un effort pour faciliter les choses ! Je ne lui avais rien fait moi ! Je cessai alors de mirer cet inconnu et dirigeai à nouveau mes pupilles vers la foule comme pour la défier du haut de mes douze ans.

Johan Violett prononça un dernier discours dérisoire et stupide à propos de ces foutus quarante-huitièmes Hunger Games puis les pacificateurs me firent entrer dans le palais de Justice puis dans ma pièce de visite. En premier arriva Pia qui se jeta sur moi en me prenant dans ses bras.

- Je suis désolée Annah ! C'est... C'est tellement injuste ! Mais tu vas revenir promets-le moi !

- Je ne peux pas Pia je... J'ai douze ans et jamais touché une seule arme ! Je vais y rester et... tu le sais ! Je ne rencontrerais jamais ton futur mari, tes enfants. On n'ira plus jamais l'une chez l'autre ou à l'école ensemble. Je n'aurai jamais de petit ami, n'embrasserai jamais de garçon, laisserai ma famille sans enfants ! Ma vie est foutue Pia ! Dans deux semaines je... je ne serai plus là !

- Tu peux revenir... Je veux y croire ! Profitons un peu de ces derniers instants.

Ainsi, nous ressassions tous nos souvenirs de notre enfance. Elle parvint même à me faire décrocher un rire lorsqu'elle me raconta la fois où nous avions caché les sous-vêtements suspendus chez madame Burly, notre ancienne et horrible institutrice, dans son pot de fleur plein de terre. Cependant, Pia dut partir car mes parents allaient arriver.

- Pia... Promets-moi de... de vivre même si j'échoue !

- Promis ! Je ne veux pas faire souffrir mon père à nouveau.

Le père de Pia, John Wilder, avait une petite sœur nommée Bonnie. Elle fut moissonnée à l'âge de dix-sept ans lors des seizièmes Hunger Games. A cette époque, il n'avait que dix-neuf ans et la perte de sa sœur dont il était très proche l'avait détruit. S'ensuivit alors de l'isolement de sa part, de multiples insomnies et même quelques tentatives de suicide. Sa rencontre avec la mère de ma meilleure amie le sauva et la naissance de Pia renforça son équilibre mental et le poussa à aller de l'avant. Cependant, son père demeurait hanté par Bonnie. Quand je dormais chez eux, nous l'entendions parfois se réveiller en pleine nuit en hurlant à cause de cauchemars alors qu'il avait plus de la cinquantaine.

Pia me serra une dernière fois contre elle puis laissa place à mes parents. Ils débarquèrent et me prirent dans leurs bras. Contrairement à Pia, je ne me sentais pas capable de prononcer ma souffrance, il fallait que je les protège mes pauvres parents. Eux non plus n'arrivaient pas à dire des choses concrètes, des conseils. Nous fumes seulement capables de nous dire que nous nous aimions, et c'était bien cela, l'essentiel.

Au bout de quelques minutes, ils furent contraints de partir. Je m'en voulais tellement de ne pas être capable de parler, tout demeurait noué en boule dans ma gorge. Les pacificateurs m'amenèrent avec Lawrence à la gare puis dans notre compartiment de train.

En entrant dans le compartiment de train, je reconnus les trois personnes qui y étaient déjà assises. Tout d'abord, bien évidemment, Johan Violett, notre hôte. Ensuite, les deux uniques anciens vainqueurs du District 10 : Connor Zuggy, vainqueur des seizièmes Hunger Games et Jane Margotta, gagnante des trente-sixièmes Hunger Games.

Connor fut moissonné la même année que Bonnie. Il avait dix-huit ans et sa victoire fut permise car les tributs de carrières n'avaient pas pu encore s'entraîner comme à l'heure actuelle aux jeux et lui, il travaillait dans les abattoirs du District et savait par conséquent plutôt bien utiliser des armes et détenait une force physique assez impressionnante.

Jane, quant à elle, fut tirée au sort l'année de ses seize ans. Tout comme Connor, elle travaillait dans les abattoirs. Ce qui la sauva, c'est qu'elle avait compris que le tribut du District 3 allait électrocuter toute l'arène, comme l'avait fait Beetee Latier, le vainqueur de l'année précédente. Elle était restée alors sur une pierre qui ne conduisait pas l'électricité. Une fois que tous les tributs excepté celui du 3 et elle-même furent électrocutés, elle était partie à la recherche du jeune garçon et le charcuta par la suite en raison des compétences physiques très limitées de l'électricien.

La décoration du train m'impressionnait tant elle semblait luxueuse. Malgré le fait d'être la fille du maire de Merys, j'étais originaire du District 10. La vie et ma maison demeuraient bien plus modestes que le véhicule dans lequel je me trouvais. Connor Zuggy me tira de ma rêverie en prenant la parole :

- Je serai le mentor d'Annah et Jane s'occupera de Lawrence. Nous ferons notre maximum pour que vous vous en sortiez et pour cela, nous allons regarder la moisson dans les autres Districts afin de prendre conscience de vos adversaires.

Il alluma alors un téléviseur, plus petit que celui de la place du District 10. Tout d'abord, nous vîmes la moisson du District 1. Deux adolescents, blonds, plutôt forts en ressortirent, mauvaise nouvelle. Dans le District 2, une jeune femme du nom d'Anemary Jones se porta volontaire, suivie d'un gamin qui avait probablement mon âge. Cependant, en raison de ses origines, ses chances de survie demeuraient plus élevées que les miennes. Dans le 3, une fille fut tirée au sort suivie de son petit frère. On les voyait tous les deux pleurer ainsi que leurs parents, horrible ! Deux tributs, également redoutables, étaient issus du District 4. Dans le District 6, un garçon chétif et brun se porta également volontaire alors qu'il ne semblait pas du tout apte à ce type de jeux, étrange. Une fille de mon âge fut moissonnée dans le District 8. Les tributs du District 9 étaient également jeunes. Le tribut mâle du 11 avait probablement aussi mon âge et la fille du District 12 faisait peur avec sa maigreur titanesque.

J'analysais donc cette moisson. La menace, comme d'habitude, les Carrières.

De toute manière, à quoi bon toute cette réflexion ? J'étais une des tributs les plus fragiles ! Alors je me mis à pleurer, comme une gamine de cinq ans.

Mais ce ne fut pas des consolations que j'obtins, mais un cri furieux.