Chapitre 8 - Espoir

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Point de vue de Audrey.

Après m'être confiée à Olivier, il m'a proposé de venir dormir chez lui, son travail étant terminé une demi-heure plus tard. Je n'étais pas en état de décliner son offre, j'ai donc accepté. Il a agi en véritable ami et n'a pas profité de la situation, me laissant dormir dans son lit tandis que lui dormait dans le divan. Pour ma part, la nuit a été mouvementée. Épuisée, le sommeil avait très vite eu raison de moi mais c'était sans compter sur les cauchemars qui m'ont réveillée à plusieurs reprises. À quatre heures du matin, n'y tenant plus, j'ai appelé un taxi et je suis rentrée chez moi non sans avoir pris soin de laisser un mot à Olivier pour ne pas qu'il s'inquiète et surtout pour le remercier.

C'est comme ça que je me retrouve dans cet appartement qui n'est clairement plus le mien mais que je ne peux pas quitter. Toute ma vie est ici et même si mon rôle se limite à celui d'un meuble, ma fille est ici et le peu d'affaires que je possède aussi. Mon portable abandonné sur la table ne marque ni appel en absence ni message. Comme je m'y attendais, ils ne se sont pas inquiétés pour moi. Dans le fond, pourquoi en aurait-il été autrement? La réalité d'hier soir est la même que celle de ce matin.

Il est encore tôt et Sylvie et Tom dorment encore. J'en profite pour me poser un peu et écrire à Lucas. Me confier à Olivier m'a fait du bien et le calme est revenu dans mes pensées me permettant d'y mettre de l'ordre. Cependant, mon cœur me fait sentir que c'est à Lucas que j'aurais dû me livrer et je vais rectifier cette erreur tout de suite.

«Lucas, mon cher Lucas,

D'abord sache que t'imaginer en train d'attendre mes lettres comme un gamin après un cadeau me fait sourire. Je m'imagine très bien la scène d'ici et ça doit être impayable. Je m'excuse encore du temps que j'ai mis à te répondre la dernière fois.

Comment pourrais-je te dire à quel point ce que tu me dis me touche? J'aimerais tellement que ma famille pense comme toi mais malheureusement, nous ne vivons pas dans un conte de fée n'est-ce pas? Si c'était le cas, nous nous serions rencontrés dans des circonstances toutes autres. Tu ne serais pas blessé et je ne serais pas au fin fond du gouffre, engluée dans une vie dont je ne veux plus mais dont je ne sais me défaire. Tu ne serais pas mon secret vis-à-vis de mon compagnon mais pourquoi pas mon compagnon en devenir. Mais là je m'emballe un peu, emportée dans le monde des rêves.

Seulement mon existence n'est pas un songe mais bien un cauchemar. J'ai failli faire une grosse bêtise cette nuit et si un ami n'était pas arrivé, je ne serais probablement plus là pour t'en parler. Je voulais dormir éternellement et pas comme la «Belle au bois dormant», pour me faire réveiller par le baiser d'un homme qui m'aimerait sincèrement. Déjà parce que je ne suis pas sûre que qu'il existe quelque part quelqu'un qui corresponde à ce critère, ensuite parce que je n'y arrive plus. Je ne veux plus continuer mon chemin. À quoi bon?

Mais je suis bête, tu ne connais rien de ma vie et tu ne dois sûrement pas comprendre ce qui m'a poussée à en arriver là. Olivier, mon ami, ne comprenait pas non plus jusqu'à ce que je lui explique. J'aurais préféré me confier à toi en premier mais il ne m'a pas laissé le choix. Ceci dit, au vu de l'état dans lequel il m'a retrouvée, c'est normal. Je vais donc réparer mes torts et te dépeindre le sombre tableau qui représente ma vie.

Il y a sept ans, j'ai rencontré Tom. Ça a été le coup de foudre mutuel. Nous ne nous lâchions plus et on a très vite emménagé ensemble. J'étais persuadée d'avoir trouvé «le» bon. Quinze mois plus tard, notre petite Sylvie est née. Ma grossesse s'est très mal passée. Il ne se voyait pas père et même si nous l'avions décidé ensemble, il m'en a fait subir des vertes et des pas mûres au niveau psychologique. C'est là que nos rapports ont déjà commencé à se dégrader mais tant bien que mal, nous avons su redresser la barre. Ensuite il est tombé gravement malade et je me suis occupée de lui nuit et jour. Je peux te dire qu'entre lui et Sylvie, la vie a été rude et je me contentais d'avancer pas après pas. Un beau matin, il s'est remis et a pu reprendre le travail. Je me suis retrouvée désœuvrée, la petite à l'école, lui au boulot... la solution a été de travailler. J'étais fière de moi d'avoir pu reprendre une activité après de si longues années mais ça n'a pas duré. Ils ont commencé à me tenir à l'écart de tout. Au début c'était de petites choses comme ne pas me tenir au courant pour l'école par exemple. De fil en aiguille, je me suis vue reléguée au rôle de meuble, n'étant là que pour m'occuper du linge, du ménage et de la cuisine. Peu à peu, ma belle-mère a pris ma place auprès de Tom et de Sylvie. Tu ne peux pas t'imaginer comme ça fait mal de voir ta fille te tourner le dos pour une autre. La douleur est sans commune mesure. Tu es broyé de l'intérieur et rien ne peut l'apaiser.

Lettres inavouablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant