Sa vie la quittait. Je le voyais, l'entendais, le sentais, mais je refusais de l'accepter. Elle ne pouvait pas rendre son dernier soupire derrière ce buisson, loin de tous ceux qu'elle aimait. Pourtant, c'était ce qui arrivait devant mes yeux impuissants. Je pris son corps meurtri dans mes bras tremblants. Où que pût mon regard se poser, je ne voyais que cette blessure immense qui scindait sa poitrine en deux. Ses jambes n'avaient pas échappées à l'attaque : une flèche s'était fichée dans sa cuisse droite, et une dague avait entaillé l'autre. Ses yeux fixaient les miens avec obstination, luttant à chaque secondes pour ne pas se voiler définitivement. Elle entrouvrit sa bouche et murmura :
_ Tu... tu dois... il faut... y retournes... désolée... il fallait... désolée.
_ Chut, ne dis plus rien ! Je t'en supplie, ne dis plus rien.
D'une main hésitante, je vins caresser sa pommette, écrasant l'unique larme qui courait le long de sa joue trop pâle. Un bref instant, elle nicha son visage au creux de ma main, comme attirée par ma chaleur, cependant cela demandait plus de forces qu'il ne lui restait. Sa main agrippa ma chemise ensanglantée. Elle gémit une dernière fois, battit des paupières, et tenta d'emplir ses poumons d'air. C'était vain. Son cœur abandonna le combat. Sa bouche se ferma. Sa main retomba mollement sur ma jambe. Et alors que sa cage thoracique s'affaissait une dernière fois, la faible lueur de vie dans son regard disparue à jamais. Sa plaie saignait encore, mais elle ne devait plus en sentir la douleur. Je reposai le corps mort de cette femme qui autrefois était mon amie sur la terre imbibée de sang. Mes doigts fermèrent ses paupières, lui donnant un faux air endormi et je me surpris à réciter les mêmes mots qu'elle m'avait révélé avant que toute cette horreur ne commencât :
_ Ce corps que la vie a déserté n'est plus qu'une enveloppe charnelle sans son âme. Ce corps meurtri qui a souffert profite à présent du repos qu'il mérite, ne le pleurons pas. Quant à cette âme, qu'elle trouve son chemin vers la Lumière, que son dernier voyage soit rapide, définitif et sans encombre. Et quand enfin elle aura rejoint l'Après Vie, elle veillera sur nos personnes jusqu'à la fin, ne la pleurons pas. Chérissons le souvenir de son existence, et remercions-la de nous avoir accordé la chance d'être à ses côtés.
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Le Sentier Lettré
Random"Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse." Rimbaud, "Ma Bohème" Juste un petit recueil dans lequel ranger tous ces bouts d'histoires que des voix sans visages révèlent à mon oreille lorsque je s...