Chapitre 35 : Confrontation

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La sonnerie résonna soudain dans le lycée, rapidement suivie d'un brouhaha dans lequel se mêlaient les discussions des élèves et le raclement des chaises sur le sol. L'air de rien, Unster rangea ses affaires et se dirigea vers la porte de la salle en même temps que ses amis. A peine avait-il posé un pied dans le couloir qu'une voix douloureusement familière l'interpela :

-Hop, hop, hop, pas si vite, Sébastien.

L'adolescent prit une profonde inspiration. Il ne devait rien laisser transparaître. Ses amis lui lancèrent des regards encourageants alors qu'il se retournait pour faire face à son professeur.

-Nous devions parler, toi et moi, lança ce-dernier.

Il jeta un coup d'œil derrière Unster avant d'ajouter :

-Ferme la porte, s'il te plaît.

La main tremblante, l'élève obéit. Il ne savait pas à quoi s'attendre. NT allait-il faire référence à leur relation ? Ou allait-il simplement se comporter en professeur en colère ? La réponse ne tarda pas à arriver.

-C'est quoi ton problème ? S'enquit le musicien en s'approchant de lui.

« Toi. », pensa Unster. Mais il s'efforça de garder le silence pour ne pas avoir de représailles.

-Tu crois pouvoir te venger en foutant le bordel dans mon cours ?

La voix du professeur s'était faite plus sèche, plus brutale, presque menaçante. Il continuait d'avancer face à un Sébastien déjà collé au mur. Il ne pouvait pas s'échapper. Il était prit au piège, enfermé avec son pire cauchemar.

-Allons, Unster, chuchota NT. Tu as vraiment envie que nous passions une nouvelle année ensemble, toi et moi ?

Encore une fois, Unster prit une profonde inspiration. Il ne devait pas se laisser intimider. Le musicien abusait de son autorité.

-Tu as peur de moi Unster ?

-Non, répondit l'adolescent en tentant d'être le plus crédible possible.

-Alors c'est quoi ton problème ?! Hurla soudain NT, le visage crispé.

Unster soutint son regard. Au premier coup d'oeil, il ne vit que les lèvres pincées et les sourcils froncés de son aîné. Mais en observant plus attentivement, il remarqua à nouveau ce doute au fond de ses iris, cette culpabilité dont il semblait être victime. Unster secoua la tête. Il ne voulait pas se bercer d'illusions.

-Réponds ! Hurla à nouveau NT.

-Je t'aime, répondit simplement Unster. Et c'est un problème, ajouta-t-il.

Le visage du musicien se figea. Pendant une fraction de seconde, le doute sembla prendre NT d'assaut, surpassant sa colère. Unster prit soudain conscience de ce qu'il venait d'avouer. Malgré tout le mal que lui avait fait NT, il était encore amoureux. Et cet amour impossible le faisait souffrir plus qu'il ne voulait bien l'admettre.

-Je t'ai dit que ce n'était qu'un jeu.

-J'ai toujours aimé jouer.

Unster choisissait soigneusement ses mots. Il voulait inverser les rôles. Faire douter son interlocuteur, prendre le dessus.

-Je suis marié, Unster.

-Est-ce que Tchaikovsky aimait sa femme, NT ?

Le musicien posa une main contre le mur, à quelques centimètres de la tête de son élève.

-Je ne suis pas gay.

-Alors pourquoi tu me cours encore après ?

-De quoi tu parles ?

-Si tu ne veux vraiment plus me voir... pourquoi prendre le temps de me parler après le cours ?

-Je veux que tu aies ton bac.

-Oh, tu t'inquiète pour moi, comme c'est mignon, lança Unster d'un ton amer, plein d'ironie.

-Je ne veux pas te voir un an de plus.

-Pourquoi ? Tu as peur de tromper une nouvelle fois ta femme ?

-Ferme la ! Je ne l'ai pas trompée.

-Ah bon ? On peut continuer alors parce que...

La rencontre de sa joue avec la paume d'NT l'interrompit. Il leva les yeux pour les plonger dans ceux de son aîné. Les larmes commencèrent à brouiller sa vue mais il s'efforça de les ravaler.

     -Je... chuchota NT, choqué de son propre geste.

     -Le proviseur est dans son bureau ? menaça indirectement Unster.

     -Ne fais pas ça.

     -Pourquoi ?

     -Ne fais pas ça, répéta NT, la gorge visiblement nouée par le stress.

     -Tu as peur de te faire virer ? Comment tu feras pour nourrir ta femme et As2 ?

     Le professeur serra les poings mais garda le silence.

     -Tu peux sortir, dit-il d'une voix éteinte.

     Prenant son courage à deux mains, Unster s'approcha de lui et déposa un baiser sur les lèvres de son aîné qui se crispa.

     -Je suis mauvais perdant, chuchota-t-il avant de tourner les talons.

     En sortant de la salle, Unster constata que ses amis ne l'avaient pas attendu. Seule Pauline Games se tenait dans le couloir, adossée contre le mur. Unster ne remarqua pas la gêne qui semblait habiter la jeune fille et il lui tendit un billet de 5€.

     -Mais... tu me les as déjà donnés aujourd'hui, dit-elle.

     Sans répondre, Unster continua sa route et quitta le bâtiment d'art. En allumant son téléphone, il constata qu'il avait un nouveau message.

[Siph] On t'a attendu mais on ne voulait pas rater le dernier bus... j'espère que tu vas bien, appelle-moi si tu as besoin.

Unster hésita quelques secondes mais fini par remettre son téléphone dans sa poche. Il n'avait pas envie de discuter. Il quitta donc le lycée et rentra chez lui à pied. À cette période de l'année, le soleil brillait encore haut dans le ciel et brûlait la peau. Cette atmosphère estivale lui rappela la présence de plus en plus proche des examens de fin d'année et, pour la première fois, Unster s'en inquiéta réellement. Parviendrait-il a avoir son bac ? Redoublerait-il ? Non, il devait l'obtenir coûte que coûte. Il voulait quitter ce lycée, voir ce que l'avenir lui réservait, entrer dans la vraie vie. Il avait beaucoup de mal à se projeter dans le futur. Sébastien aimait vivre au jour le jour, sans penser au lendemain. Pourtant, ce soir là, sous cette chaleur écrasante, dans le silence seulement troublé par le crissement des gravillons, Unster pensait à l'avenir. Un avenir effroyablement brumeux.

[Unstiteuf] Ça reste entre nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant