Prologue

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L'aura malfaisante de la créature pesait sur la forêt, peu importe où elle passait, l'air devenait lourd et inhabituellement froid. Les animaux, en sa présence, se cachaient dans des buissons denses, dans des arbres morts ou encore sous terre dans des terriers qui n'étaient parfois même pas les leurs. Ils ne pouvaient plus bouger, ou plutôt, ils ne devaient plus bouger. Si ce n'est leurs tremblements incessants provoqués par la peur, le moindre mouvement brusque aurait pu attirer son attention et à terme avoir raison de leur vie. Quant aux arbres, ils restèrent silencieux en attendant patiemment son départ, ils n'étaient pas réellement des proies pour lui mais sa force sur-développée lui permettrait très facilement de les déraciner lorsque l'envie lui prendrait. Cet être à lui seul pouvait plonger la forêt entière dans une noirceur sans égale.

D'un autre côté, le soleil couchant forçait le village à s'éteindre petit à petit, les rares lumières encore allumées apportaient une atmosphère rassurante pour les habitants encore dehors. La tombée de la nuit était toujours synonyme de malheur pour eux et rester dehors à des heures tardives se comparait à un suicide. La bête chassait durant la nuit et laissait toujours une "surprise" macabre que les habitants découvraient au beau matin. Par ailleurs, cette chose  se fichait bien de savoir ce qu'elle mangeait, tant que c'était composé de viande, c'était une proie adéquate.

Tandis que la nuit recouvrait d'un voile sombre le village entier, ne laissant que la lune et ses milliers d'étoiles éclairer faiblement les alentours, deux étrangers, un homme et une femme, habillés d'une grande robe de mage noire détaillée de symboles ésotériques observaient attentivement le village endormi en contrebas ; ils pouvaient chacun sentir la puissante aura de la créature qui dominait les lieux.

"Les ordres de l'Institution sont clairs, ta mission sera d'empêcher les habitants de découvrir la créature. Si ce but n'est pas atteint cela engendrera de lourdes conséquences que ni toi, ni  moi, ni l'Institution ne souhaitons voir naître un jour." dit le vieil homme à sa coéquipière sur un ton strict et autoritaire.

"Est-ce que ce n'est pas un peu tard maintenant ? Si je me souviens bien cela fait des centenaires que le village cohabite avec la créature. Je suis sûr qu'ils ont déjà une vague idée de ce à quoi ils ont affaire, alors pourquoi ne pas juste essayer de transférer la bête autre part et l'effacer de la mémoire des habitants ?" répondit la jeune femme un peu désemparée par cet ordre. Elle avait pitié pour les villageois qui depuis toujours voyaient leurs proches mourir dévorés par quelque chose qu'ils ne comprenaient même pas.

"Suis les ordres jeune fille, ce n'est pas de notre ressort de faire ça. Elle a décidé, il y a longtemps, de s'installer ici, près de ce village qui lui apporte une source abondante et quasiment inépuisable de chair humaine. Nos lois nous interdisent de choisir son style de vie à sa place."

Contrairement à la jeune femme, l'homme n'avait clairement aucune compassion pour les centaines d'habitants morts recensés durant des générations. Les ordres et décisions de l'Institutions ne sont pas discutables et cela condamne le destin de ce village pour toujours. Mais en voyant le doute dans le regard de son acolyte il comprit que cette mission allait être beaucoup plus dure pour elle qu'il ne le croyait.

"Tu n'as pas besoin de réfléchir, fais le, simplement. Oh, dernière chose, une femme au nom d'Elise Stamm a été appelée pour délivrer le village de cette chose. Si tu veux un conseil, essaye de te débarrasser d'elle, elle a acquis une réputation qui pourrait être inquiétante pour toi... Sinon, je te laisse, je reviendrais quand tu auras fini ta mission, bonne chance" L'homme ferma tout débat avant de se détourner, et partit laissant sa collègue seule.

Même après avoir vu son chef partir, la jeune fille resta sur place pour apprécier le paysage. Elle devait avouer qu'outre la malédiction dont souffrait ce lieu, cet endroit était très agréable. La lumière de la lune offrait une atmosphère douce et féerique à la forêt, le chant des insectes accompagné du bruissement des feuilles et des branches des arbres ainsi que les gazouillements d'oiseaux produisaient une mélodie harmonieuse. Alors que la femme profita de ce moment, une biche l'approcha doucement. Lorsque l'animal marcha sur les quelques feuilles mortes qui jonchaient le sol, elle attira l'attention de l'humaine. Les yeux dorés de cette dernière croisèrent ceux de la biche qui continua à s'approcher jusqu'à lui lécher sa main en signe d'affection.

Cette scène qui pour un humain serait surréaliste, fut très vite interrompue par un cri de douleur qui provoqua une panique générale au sein des animaux. Les oiseaux effrayés s'envolèrent et les insectes suivirent, la biche quant à elle décampa à toute vitesse pour s'enfoncer au plus profond de la forêt et se cacher.

Sous le coup de l'adrénaline, elle redirigea son regard vers le cri dans l'espoir de comprendre ce qui se passait. Sa position permettant d'avoir une vue d'ensemble, elle réussit à apercevoir au loin la créature dévorer sauvagement une petite fille encore en vie. La créature la plaquait au sol à l'aide de longues griffes faisant la taille de leur victime, transperçant profondément ses côtes et son épaule droite. Pendant ce temps, elle utilisait sa mâchoire pour lui briser les os et arracher sa chair. La pauvre fille d'à peine 8 ans n'avait aucune chance de survivre. Elle tenta tant bien que mal de continuer à crier mais le prédateur avait tranché sa jugulaire et son sang c'était accumulé dans sa trachée bloquant ses cris, les remplaçant par des bruits d'étouffement à peine audibles.

Cette scène d'horreur continua pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que la fille soit majoritairement dévorée. La femme toujours sous le choc fut prise d'une vague de remords lorsqu'elle vit les yeux vides de la gamine inerte baignant dans une mare de son propre sang. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait vu un humain se faire dévorer, tout comme ce n'était pas la première fois qu'elle voyait ce genre de créature, mais tout paraissait... si injuste.

Tandis qu'elle observa avec peine le corps de la fille, elle se sentit sursauter en voyant le monstre la fixer au loin. En la voyant, ce dernier s'était redressé sur ses deux pattes arrière afin de paraître plus imposant, sa queue osseuse traînait lâchement derrière lui et ses deux pattes avant semblaient désarticulées, laissant ses longues griffes toucher le sol imbibé de sang. L'humaine pouvait également discerner un amas de fourrure noire qui ornait son dos comparable à la crinière d'un lion. Quant à sa tête, qui n'était ni plus ni moins qu'un crâne de cerf, elle était dirigée dans sa direction offrant à la jeune femme une vue incroyable sur les paternes réguliers de ses bois. La créature abordait une posture majestueuse et atteignait presque les 4 mètres de hauteur.

Après plusieurs instants, lors desquels le monstre analysait très clairement le type de personne qu'il avait en face de lui, ce dernier décida de se diriger, à quatre pattes, vers l'inconnue. Le voyant faire, elle ne put s'empêcher de se placer en position de combat ; quand bien même il ne semblait pas agressif envers elle, sa carrure étrangement humanoïde et son torse ouvert en deux, laissant l'intérieur noir de son corps et son squelette à nu, n'était pas une vision engageante, sans compter que le sang dont sa mâchoire était trempée ravivait la douloureuse image de la petite fille dévorée. Il continua calmement sa route sans même réagir à l'hostilité dont elle faisait preuve et une fois arrivé près d'elle il décida de la contourner afin de regagner au plus vite sa tanière. Elle compris très vite qu'elle ne l'intéressait en aucun point.

"Mes salutations, faerista." Il prit tout de même le temps de la saluer d'une voix grave avant de partir.

La faerista en question, ne sachant ni comment réagir ni quoi répondre, resta immobile et silencieuse ; le fait même que la créature puisse parler ne fut pas ce qui l'étonna le plus, ce fut plutôt le fait qu'il lui ai adressé la parole volontairement.

Une fois la créature disparue, l'atmosphère redevint paisible, comme si la nature elle-même avait oublié ce qu'il venait de se passer. En revanche, l'esprit de la jeune femme, lui, était resté livide. Elle tenta tant bien que mal d'enregistrer la position dans laquelle elle se trouvait. Aujourd'hui, deux choix s'ouvraient à elle, soit elle décidait de se plier aux ordres de l'Institution, à tort de causer plus de mort, soit elle décidait d'aider les villageois à capturer le monstre qui les hante depuis toujours sous de lourdes conséquences. Demain matin, une spécialiste arrivera pour tenter d'élucider l'affaire, une fois cette inconnue arrivée son choix devra être fait. En soupirant, elle partit rejoindre le village afin de se reposer pour la nuit.

"Un wendigo... il a fallu que ce soit un wendigo."

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 20, 2020 ⏰

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Everli, la forêt du Mont ÉternelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant