Canapé lit, nouvelle guirlande et planisphère.

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Tu te rappelles cette soirée où on s'est embrassé à ne plus respirer ? Tu te rappelle de quoi on a parlé ? Tu te rappelle que c'est ce qui a déclenché le début de ta quête ? J'en doute, je ne suis même pas sûr que tu te souvienne de moi. Moi je me rappelle, Camille Oryne, ça fait mal mais je me rappelle. C'est pour ça que je pense que tu as oublié. Avec ton passé, ta capacité à oublier les souvenirs douloureux est devenue extraordinaire.

Tu avais enlevé la couverture pailletée de ton canapé. Ton lit était trop petit pour qu'on y dorme à deux, alors tu l'avais déplié. Ça faisait plusieurs semaines qu'on faisait ça, que je venais passer mes soirées chez toi, après les cours. Je dessinais pendant que tu travaillais tes pointes. Tu ne prenais plus de cours ici donc tu veillais à garder ta souplesse et ta force. J'aimais à te voir travailler, ça avait inspiré beaucoup de mes esquisses.

J'étais assis sur le canapé lit, les jambes ramenées en tailleur et mon carnet posé sur mes genoux. Je crayonnais Alice et ses longues mèches lisses penchée sur son sketchbook. J'aimais beaucoup colorer ses cheveux parce qu'à la lumière ils se paraient toujours de reflets ambrés et que l'ambre était de loin une de mes couleurs favorites. Pour une fois, toi, tu étais occupée avec tout un tas de composants électriques dont je ne connaissais l'utilité.

Je ne sais pas ce que tu faisais de tes journées. Je crois que tu travaillais, mais je ne sais pas où. Je n'ai jamais vu de livres de cours traîner chez toi en tout cas, de toute façon tu n'avais pas de bureau donc à part travailler sur ta table basse, tu n'avais pas grand moyen de réviser.

On avait commandé des pizzas, et les boites gisaient sur le tapis bleu. Quand j'ai eu fini mon esquisse, j'ai pris le luxe de te regarder. Tes boucles noires luisaient dans la lumière bleue, ton corps que je trouvais somptueux était droit même si tu travaillais assise au sol. J'ai senti mon cœur gonfler et ma peau me bruler de te serrer dans mes bras.

Alors, sans un bruit, je me suis approché de toi. Je t'ai entourée de mes bras, ai posé mes lèvres dans le creux de ton cou. Tu as souri. Le parfum de jasmin de ta lessive a envahi mes narines et a fait tourner ma tête. Je t'ai enlacée plus fort et j'ai laissé tomber ma tête sur ton sweat, tu sais celui avec écrit Love et Hate en lettres rouges sur chacune des manches.

Tu as brandi ce que tu bricolais. Une guirlande argentée avec des leds éteintes. J'ai compris ce jour là pourquoi ton appart avait des lumières qu'on ne trouvait nul part, c'est parce que tu les fabriquais toi même.

Tu t'es levée, je t'ai regardée avancer, et la grâce féline qui émanait de toi m'a ravi. Je t'ai trouvée magnifique, j'aurais pu te contempler, silhouette délicate dans l'océan bleu électrique, pendant des heures. Tu as remplacée l'autre guirlande par la nouvelle, puis tu l'as branchée.

Une lumière ambrée a drapé l'appart d'une ambiance tamisée que j'ai aimé au premier instant. Tu y étais magnifique, les ombres et les lumières qui sillonnaient ton visage me ravissaient à un point que je ne saurais expliquer. Je me suis levé, je t'ai prise dans mes bras, et je t'ai embrassée.

Tes lèvres avaient un goût mentholé, parce que tu savais que je préférais le goût de ton dentifrice à celui de tes cigarettes et que tu avais fumé après les pizzas. Mes mains ont descendues ton corps pour s'arrêter sur la chute de tes reins. Je ne sais pas comment décrire la fièvre que tu allumais chez moi. 

On s'est embrassé à ne plus pouvoir respirer, à ne plus pouvoir penser à autre chose qu'au corps de l'autre contre le sien, à oublier le monde pour se perdre dans le petit bout d'univers qu'était devenu ton appart ambré. J'ai aimé cet instant tellement fort que m'en rappeler aujourd'hui fait vibrer ma poitrine et saigner mon cœur. Putain Camille Oryne, tu me manque si fort...

Parapluie lumineuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant