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Non, vous ne rêvez pas ! Je suis désolée d'avoir mis tant de temps à écrire cette suite, je n'avais aucune inspiration et... peu de temps pour me poser afin d'y réfléchir. Mais me revoici ! J'espère que cela vous plaira ! ^^

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Rallier Lamannir prit effectivement une bonne semaine. Bien qu'ayant croisé un ou deux villages sur leur chemin, Set et Aurore ne s'y arrêtèrent guère, notamment par crainte que la présence du félin n'éveillât de sombres desseins parmi les habitants. Pour autant, ces derniers leur offrirent suffisamment de vivres pour continuer d'avancer, en plus de ce qu'ils pouvaient récolter sur le chemin.

Les chaumières, souvent modestes mais bien entretenues, reflétaient la profusion de couleurs qui égayait la nature environnante. C'était un véritable arc-en-ciel en toutes circonstances, qui donnait presque mal au crâne à la jeune Alchimiste, par son manque d'habitude. Combien les autres contrées devaient paraître fades et insipides à ceux qui voyageaient hors de ces paysages !

Enfin, Lamannir fut en vue.

La première à l'apercevoir fut Aurore. Non seulement les bateaux et barques devenaient chose plus fréquente sur l'eau à leurs côtés, mais ils n'étaient plus seuls sur les routes. Ils croisèrent quelques gens au retour de la cité.

Puis elle leva les yeux au ciel, et remarqua, juste au-dessus d'un saule pleureur jaune citron, une flèche qui semblait vouloir atteindre les nuages par sa hauteur. Quelques pas plus loin, elle put détailler le dôme qui la soutenait, et qui ressemblait à s'y méprendre à un petit ballon effilé, ou... à un amas de crème que l'on aurait savamment fouettée. Et ces couleurs, encore !

Presque hypnotisée, elle continua d'avancer, avant de se rendre compte que plus elle s'approchait, plus les parois qu'elle distinguait variaient dans leurs nuances. Comme si, chaque fois que l'on changeait de point de vue, on transformait le tout. D'abord mauve rosé, le dôme devint jaune, puis vert émeraude.

Encore l'œuvre d'un Alchimiste, ou de plusieurs...

Bientôt, ils parvinrent aux portes de la ville, du moins, aux bornes qui indiquaient son commencement. Contrairement à d'autres agglomérations, Lamannir ne fermait jamais ses portes, même en temps de guerre. La fascination qu'elle exerçait sur les gens semblait l'avoir à jamais épargnée d'une quelconque détérioration. À moins que d'autres artefacts et pièges visuels ne fussent à l'origine de cette sauvegarde incroyable. Rien n'était à négliger...

Dès lors, Set, tâcha de marcher à moins d'un mètre de sa compagne. La foule resterait à jamais pour lui un synonyme d'oppression, et sa nature d'animal sauvage n'arrangeait rien. Aurore en fut rassurée, tant pour lui que pour elle. Au milieu de tous ces prodiges visuels et ces couleurs presque insensées... avaient-ils une chance de ne pas être dérangés et menacés par leur amitié ?

Le nez toujours en l'air, elle ne vit pas arriver l'homme qui arrivait en sens inverse, ployant presque sous un lourd sac de blé. Elle le percuta juste sur le bras, provoquant le déséquilibre de son chargement, qu'il dût lâcher dans la foulée afin de ne pas se rompre la colonne. Le poids s'écrasa au sol dans un bruit sourd, répandant un léger nuage de poussière sur les pavés.

Figée, Aurore s'apprêtait à s'excuser en bafouillant, lorsqu'il se redressa – lui qui avançait courbé – et plongea directement son regard dans le sien. Pour le coup, elle en oublia ce qu'elle allait dire, prise dans le feu de ses yeux. Ses iris, d'un éclat ambre fauve, la captivèrent, pendant qu'elle prenait difficilement conscience qu'il s'agissait d'un jeune homme, sûrement un peu plus âgé qu'elle. Subjugué lui aussi de son côté, il ne put jamais formuler la réprimande matinée de reproches qu'il comptait lui adresser.

Setareh aida sa compagne à récupérer ses esprits, en passant sa tête sous sa main, comme s'il quémandait une caresse. Aurore inspira un grand coup, avant de cligner les paupières. Elle avait l'impression de sortir d'un sommeil profond. Son mouvement signa la fin du charme, et elle put articuler ses excuses d'une petite voix, tout en le détaillant.

Ses cheveux d'un blond cendré s'éparpillaient en une joyeuse pagaille autour de son visage, retombant presque sur ses yeux, donnant l'impression à l'Alchimiste qu'elle faisait face à un petit soleil humain. Ses pommettes étaient hautes, son menton légèrement avancé, ses lèvres à peine charnues, et il se dégageait une aura à la fois innocente et déterminée de ses traits. Il était torse nu, son haut pendant de la ceinture de son short, révélant une peau bronzée, que le soleil n'avait pas épargné. Il arborait de même quelques tatouages en forme de rosaces, d'une précision fascinante. Ses muscles étaient bien dessinés, révélant qu'il avait l'habitude du labeur physique. Son allure était toutefois gracieuse, et instinctivement, elle paria qu'il était marin, ou qu'il travaillait au port.

Son interlocuteur sembla mettre plus de temps qu'elle à émerger de son rêve éveillé. Il ne manqua pas de l'examiner aussi, captant immédiatement qu'elle était différente, et surtout qu'elle n'était pas de Lamannir. Il l'aurait forcément repérée, sinon ! Le jeune homme ne fit même pas attention à l'animal qui l'accompagnait.

— Il n'y a pas de mal, finit-il par répondre, prenant conscience que son absence de réponse commençait à devenir gênant pour elle.

— Pourriez-vous m'indiquer la direction à prendre pour rejoindre le Puits d'Arcania ? questionna-t-elle ensuite, sautant sur l'occasion de se renseigner.

Elle allait au Puits ? Croyait-elle, elle aussi, que l'esprit de leur monde pouvait interpeller ceux qui s'en approchaient ? Il avait toujours pensé que ce n'étaient que des inepties qu'on racontait pour augmenter la notoriété d'une ville portuaire déjà resplendissante.

— Euh, oui. Bien sûr. Suivez cette route jusqu'au forum et rejoignez la pointe en forme de Colibri, le Puits se situe à l'intérieur du bâtiment qui la supporte.

— Merci ! Et encore toutes mes excuses, conclut-elle avec un sourire radieux.

Elle se détourna, sentant la gêne grandir en elle pour une raison obscure. Pourtant, s'éloigner lui provoqua un pincement au cœur qu'elle s'étonna de ressentir. Elle fronça les paupières, regarda par-dessus son épaule avec hésitation, rougit de s'apercevoir qu'il restait planté à la fixer, et effectua quelques pas pour suivre le chemin qu'il venait de lui présenter.

Lui l'observa encore un instant, remarquant alors seulement la Panthère de Soleil qui la flanquait avec un naturel déconcertant, avant de se reprendre et de lui crier :

— Au fait ! Je m'appelle Léo !

L'Alchimiste se figea sur place, pivota d'un bloc, et tâcha de lui sourire. Écoutant son pouvoir, qui puisait dans la légère douleur incompréhensible apparue dans son cœur, elle leva la main, et un souffle parvint aux oreilles du jeune homme :

— Enchantée. Je suis Aurore.

Il ferma les yeux, comme hypnotisé. Lorsqu'il lesrouvrit, le duo avait disparu, le laissant mélancolique.

L'Alchimiste des DouleursWhere stories live. Discover now