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Les crises deviennent de plus en plus insoutenables. Elles tiraillent mon corps, et plus elles sont régulières, plus mon corps se décompose. Et je sais, que la mort approche bien plus qu'elle ne le devrait. Mon compagnon m'étudie, je le soupçonne de me détailler pour parvenir à garder ce souvenir. Ce souvenir de nous, qui prenons notre temps à nous réveiller, on se câline le matin, on s'embrasse, se caresse.. tous les jours, Louis m'offre des réveils doux, propres à lui même.

Il y a quelques semaines, ma crise était plus violente que toutes les précédentes. Et je sais pertinemment que les prochaines à venir, seront sans aucun doute pire que celle que j'ai vécu. Je préparais le souper, j'essaye de faire encore des tâches quotidiennes lorsque mon corps me le permet et que mes membres ne se crispent pas. Depuis 8 ans, je me bats contre le cancer. Je l'ai supporté une bonne partie de ma vie, j'étais en rémission, puis j'ai rechuté, et de nouveau en rémission.. mais j'ai encore rechuté, et cette fois-ci, il n'y aurait plus jamais de rémission. Parce que j'ai appris à accepter ce sort, ce sort que l'on m'impose. Combien de fois ai-je hurler de douleur, hurlant à Dieu pourquoi il me prenait ma vie. Pourquoi fallait-il qu'il me reprenne si vite?

Ce choix a été une évidence, il s'est révélé comme la meilleure solution face à moi. Je n'ai pas douté, j'ai simplement annoncé les faits. Mais j'ai brisé une âme, j'ai brisé celle de Louis. Louis mon double, depuis notre rencontre, dans la petite école primaire de la ville, Louis qui a été mon meilleur ami, et qui est devenu mon petit ami. Nous ne sommes pas mariés, malgré les nombreuses années que nous avons derrières nous. La trentaine approche, mais nous voulions encore attendre. Profiter de la vie, profiter de la jeunesse et se marier lorsque les rides nous crieront d'enfin sceller nos noms. Mais nous avons perdu ce temps précieux.

Louis et moi avons renoncé à notre vie. Nos amis ne nous suivent plus, nous sommes restés seuls à se contenter de l'un et de l'autre. Il vient manger tous les midis là où je travaille, et le rejoint plusieurs fois à son université, là où il enseigne la littérature.

Je ne travaille plus, depuis avoir décidé que je ne me soignerais pas. J'ai démissionné, en tant qu'Homme. Et je n'ai eu obtenu aucun dédommagement. Je n'ai pas annoncé la raison de mon départ, j'ai simplement précisé que je voulais du changement dans ma vie.

Lorsque je suis rentré ce jour-là, j'ai préparé un repas énorme. Louis m'avait déjà appelé plusieurs fois, il savait que j'étais sorti de la clinique avec les résultats, mais je n'ai jamais répondu. Et quand il est rentré, le soir, l'air paniqué, qu'il a vu la table dressée et mon air absent, il a compris que les nouvelles n'étaient pas bonnes.

Il n'a pas osé demander ce qu'avait dit les médecins, il s'est simplement assit et il m'a fixé. Longtemps. Trop longtemps. J'ai simplement esquissé un sourire et je lui ai dit que j'avais démissionné. Il n'était pas heureux, parce qu'il ne comprenait pas cette décision. Ou du moins, il n'avait pas envie de la comprendre.

Alors je me suis levé, je l'ai servi en vin, en dinde, en salade, mais avant que je ne retourne me rassoir il a attrapé mon bras, et ses yeux se sont ancrés dans les miens avec une douleur si intense, que c'est ce qui m'a fait reprendre les esprits. "Harry. Qu'a dit le médecin?"
Encore une fois, j'ai esquissé un sourire. Louis est la dernière personne que j'ai envie de blesser, j'ai posé lentement la main sur la sienne et l'ai amené à mes lèvres. Tendrement, j'ai embrassé le dos de sa main et j'ai murmuré un "C'est Dieu qui le veut." Et il s'est décomposé. Son visage a blêmit, et ses sanglots ont résonné dans la cuisine. Je n'ai pas su le réconforter, parce qu'il ne savait pas encore toute la suite.

Je ne lui ai pas annoncé le jour même, j'ai attendu quelques jours, que la douleur s'estompe un peu. Il m'a tendu la perche "Quand vas-tu commencer le traitement? Je t'accompagnerais." Il m'a toujours accompagné à mes nouveaux examens, aux solutions qu'on me proposait, mais cette fois ci c'était différent. Alors pendant qu'il attachait sa ceinture, je me suis redressé sur le lit, et j'ai fixé longuement la fenêtre. Je l'ai senti derrière moi, m'observer. "Harry?"
Mais rien ne peut être plus dur que d'annoncer à l'homme de sa vie, que nos jours sont plus que comptés. Je n'ai pas bougé d'un centimètre, j'ai simplement remonté la couverture sur moi. "Il n'y en aura pas cette fois."
La douche froide était tombée, et je ne pouvais plus reculer en arrière.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 07, 2018 ⏰

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